Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 7 septembre 1994 et 6 janvier 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Amar X..., demeurant ... ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 25 janvier 1994 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande dirigée contre la décision du 19 août 1993 par laquelle le préfet du Calvados a refusé de lui délivrer un certificat de résidence et lui a enjoint de quitter le territoire français dans le délai d'un mois ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cette décision ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles, modifié par l'avenant en date du 22 décembre 1985 ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. de L'Hermite, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Abraham, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :
Considérant qu'aux termes de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 dans sa rédaction issue de l'avenant du 22 décembre 1985 : "Le certificat de résidence, valable dix ans, est délivré de plein droit : a) au conjoint algérien d'un ressortissant français" ; que M. X..., de nationalité algérienne, a épousé le 23 juin 1990 une ressortissante française ; qu'il est père d'un enfant de nationalité française né le 24 août 1991 ; que pour lui refuser, par une décision du 19 août 1993, un certificat de résidence, le préfet s'est fondé sur la circonstance que sa présence en France constituait une menace pour l'ordre public ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. X... est entré et s'est maintenu irrégulièrement en France sous une fausse identité ; qu'il a fait l'objet de trois condamnations pénales pour séjour irrégulier et qu'il a été condamné en 1992 à quatre mois d'emprisonnement avec sursis pour usage et transport de cannabis ;
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sécurité publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui." ; qu'en rejetant la demande de certificat de résidence présentée par M. X... et en lui enjoignant de quitter le territoire français, le préfet du Calvados a, eu égard au caractère des liens familiaux dont pouvait justifier le requérant, porté une atteinte au respect de sa vie familiale disproportionnée aux buts en vue desquels ce refus lui a été opposé et a, par suite, méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il suit de là que M. X... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du préfet du Calvados en date du 19 août 1993 ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Caen en date du 25 janvier 1994 et la décision du préfet du Calvados en date du 19 août 1993 sont annulés.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Amar X... et au ministre de l'intérieur.