Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 2 février 1995 et 2 juin 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société anonyme SOCIETE NOUVELLE D'ARMEMENT TRANSMANCHE (CSNAT), dont le siège est ... (75475 Cedex 10), représentée par son président-directeur général en exercice ; la société anonyme SOCIETE NOUVELLE D'ARMEMENT TRANSMANCHE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 23 novembre 1994, qui a annulé la décision, du 22 mai 1992, par laquelle le chef du bureau du travail maritime au ministère de la mer et le directeur régional du travail et de l'emploi d'Ilede-France ont autorisé le licenciement de MM. X..., Y..., A..., H..., F..., C..., Didier Z..., Michel Z..., B..., G..., et de Mmes E... et D... ;
2°) de rejeter la demande présentée devant le tribunal administratif de Paris par MM. X... et autres ;
3°) de condamner MM. X... et autres à lui payer une somme de 15 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le décret n° 78-389 du 17 mars 1978 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Struillou, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Boré, Xavier, avocat de société anonyme SOCIETE NOUVELLE D'ARMEMENT TRANSMANCHE et de la SCP Masse-Dessen, Georges, Thouvenin, avocat de Mmes Nathalie D... et Valérie E... ainsi que MM. X... Jean-Paul, Y... Jean-Claude, A... Jean-Pierre, H... Daniel, F... Fabrice, C... Dominique, Z... Didier, Z... Michel, B... Didier et G... Xavier ;
- les conclusions de M. Arrighi de Casanova, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que, pour annuler les décisions du 22 mai 1992 par lesquelles le chef de bureau du travail maritime au secrétariat d'Etat à la mer et le directeur régional du travail et de l'emploi d'Ile-de-France avaient conjointement autorisé le licenciement pour motif économique de M. X... et de onze autres délégués de bord servant sur les bateaux assurant la desserte de la ligne Dieppe-Newhaven dont la Société anonyme SOCIETE NOUVELLE D'ARMEMENT TRANSMANCHE avait cessé l'exploitation, le tribunal administratif de Paris s'est fondé sur ce que, en vertu des stipulations des articles 6 et 8 de la convention collective sur la "stabilité de l'emploi" conclue le 19 juillet 1947 entre le Comité central des armateurs de France et la Fédération nationale des syndicats maritimes, selon lesquelles les marins qui bénéficient de cette convention ont vocation à servir sur tous les navires de la société qui les emploie, les intéressés ne pouvaient voir leur emploi supprimé du fait de la fermeture de la ligne sur laquelle ils servaient ;
Considérant toutefois, qu'aux termes de l'article 12 de la convention précitée : "Les bénéficiaires de la stabilité de l'emploi peuvent être licenciés à toute époque de l'année pour les raisons suivantes : ( ...) 2° - Diminution du nombre de navires en service dans l'entreprise" ; qu'il n'est pas contesté que la fermeture, par la Société anonyme SOCIETE NOUVELLE D'ARMEMENT TRANSMANCHE, de la ligne Dieppe-Newhaven, a entrainé l'arrêt de l'exploitation de la vente des deux navires en service sur cette ligne ; qu'il résulte ainsi clairement des stipulations de l'article 12 de la convention collective du 12 juillet 1947 que celle-ci ne faisait pas obstacle au licenciement de MM. X... et de ses onze collégues ; que le tribunal administratif s'est donc à tort fondé sur le motif ci-dessus rapporté pour annuler les décisions autorisant le licenciement de MM. X... et autres ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par MM. X... et autres devant le tribunal administratif de Paris ;
Considérant qu'en vertu de l'article 17 du décret n° 78-389 du 17 mars 1978, portant application du code du travail maritime, l'autorisation de licenciement d'un délégué de bord est motivée ;
Considérant que les décisions attaquées du 22 mai 1992 ne se prononcent pas sur la réalité des efforts de reclassement par la SOCIETE NOUVELLE D'ARMEMENT TRANSMANCHE de MM. X... et autres, alors qu'un tel élément de l'appréciation à laquelle l'administration doit se livrer lorsqu'elle est saisie d'une demande d'autorisation de licenciement pour motif économique est au nombre des motifs qui doivent figurer dans sa décision ; qu'ainsi les décisions sont entachées d'un défaut de motivation de nature à entraîner leur annulation ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la Société anonyme SOCIETE NOUVELLE D'ARMEMENT TRANSMANCHE n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement susvisé, le tribunal administratif de Paris a annulé les décisions du 22 mai 1992, autorisant le licenciement de MM. X... et autres ;
Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que MM. X... et autres, qui ne sont pas dans la présente instance la partie perdante, soient condamnés à payer à la Société anonyme SOCIETE NOUVELLE D'ARMEMENT TRANSMANCHE la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la Société anonyme SOCIETE NOUVELLE D'ARMEMENT TRANSMANCHE à verser à MM. X... et autres une somme globale de 12 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Article 1er : La requête de la société anonyme SOCIETE NOUVELLE D'ARMEMENT TRANSMANCHE est rejetée.
Article 2 : La société anonyme SOCIETE NOUVELLE D'ARMEMENT TRANSMANCHE paiera à MM. X... et autres une somme globale de 12 000 F, au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société anonyme SOCIETE NOUVELLE D'ARMEMENT TRANSMANCHE, à M. X..., à M. Y..., à M. A..., à M. H..., à M. F..., à M. C..., à Mme D..., à M. Z... Didier, à M. Michel Z..., à M. B..., à Mme Valérie E..., à M. Xavier G... et au ministre de l'équipement, des transports et du logement.