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21/01/1998 | FRANCE | N°77832

France | France, Conseil d'État, 6 / 2 ssr, 21 janvier 1998, 77832


Vu la requête, enregistrée le 21 avril 1986 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la COMMUNE DE MONTAGNE (33170), et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 20 février 1986 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux l'a condamnée à payer une indemnité de 500 000 F à M. Z..., pour le compte de sa fille Drissia ;
2°) rejette la demande présentée pour Mlle Drissia Z... devant le tribunal administratif de Bordeaux ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'article 1046 du code rural ;
Vu le code des tribunaux

administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1...

Vu la requête, enregistrée le 21 avril 1986 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la COMMUNE DE MONTAGNE (33170), et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 20 février 1986 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux l'a condamnée à payer une indemnité de 500 000 F à M. Z..., pour le compte de sa fille Drissia ;
2°) rejette la demande présentée pour Mlle Drissia Z... devant le tribunal administratif de Bordeaux ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'article 1046 du code rural ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. de la Verpillière, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Odent, avocat de la COMMUNE DE MONTAGNE et de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de M. Z... ;
- les conclusions de M. Lamy, Commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité de la procédure suivie devant le tribunal administratif :
Considérant que, selon les dispositions du troisième alinéa de l'article 1046 du code rural, en vigueur à la date du jugement, l'assuré social ou son ayant-droit, qui a été victime d'un accident n'entrant pas dans la catégorie des accidents du travail, doit indiquer sa qualité d'assuré social lorsqu'il demande en justice la réparation du préjudice qu'il a subi ; que cette obligation, sanctionnée par la possibilité reconnue aux caisses de mutualité sociale agricole et au tiers responsable de demander pendant deux ans l'annulation du jugement prononcé sans que le tribunal ait été informé de la qualité d'assuré social du demandeur, a pour effet de permettre la mise en cause, à laquelle le juge administratif doit procéder d'office, des caisses de mutualité sociale agricole dans les litiges opposant la victime et le tiers responsable de l'accident ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. Z..., qui a demandé à la COMMUNE DE MONTAGNE (Gironde) de réparer les conséquences dommageables de l'accident dont sa fille Drissia a été victime, était assuré social, en qualité de salarié agricole ; que le tribunal administratif de Bordeaux n'a pas communiqué cette demande à la caisse de mutualité sociale agricole ; qu'il a ainsi méconnu la portée des dispositions ci-dessus rappelées de l'article 1046 du code rural qui lui faisaient obligation de mettre en cause la caisse de mutualité sociale agricole dans le litige opposant M. Z... à la COMMUNE DE MONTAGNE ; qu'eu égard au motif qui a conduit le législateur à édicter ces dispositions, leur violation a constitué une irrégularité que le Conseil d'Etat statuant au contentieux, saisi de conclusions d'appel tendant à l'annulation du jugement qui lui est déféré, doit soulever, même d'office ; qu'il y a lieu, dès lors, d'annuler le jugement rendu le 20 février 1986 par le tribunal administratif de Bordeaux ;
Considérant qu'il y a lieu, pour le Conseil d'Etat, qui a mis en cause la caisse de mutualité sociale agricole de la Gironde, d'évoquer la demande de première instance de M. Z... et d'y statuer immédiatement au fond ;
Sur la responsabilité de la COMMUNE DE MONTAGNE :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que, le 27 avril 1981, la jeune Drissia Z..., alors âgée de 12 ans, après avoir contourné par l'arrière le car de ramassage scolaire dont elle venait de descendre, a traversé en courant la RD 21 pour rejoindre le domicile de ses parents, situé de l'autre côté de la route ; qu'elle a alors été renversée et gravement blessée par un véhicule conduit par M. Y... ; qu'eu égard au fait que la victime avait déjà, à plusieurs reprises, commis de semblables imprudences, sans que le chauffeur du car, qui n'avait pas reçu d'instructions en ce sens de la COMMUNE DE MONTAGNE, en ait prévenu le maire ou le chef d'établissement scolaire, cet accident révèle une organisation défectueuse du service communal de ramassage scolaire ; que, toutefois, la faute commise par la jeune Drissia Z... est de nature à exonérer la COMMUNE DE MONTAGNE d'une partie de sa responsabilité ; qu'il sera fait une juste appréciation des responabilités encourues en condamnant la COMMUNE DE MONTAGNE à réparer le quart des conséquences dommageables de l'accident ;
Sur le montant du préjudice :
Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment d'un rapport d'examen établi le 29 octobre 1982 par le docteur X..., que Mlle Drissia Z..., dont l'état s'est consolidé le 1er juin 1982, conserve des séquelles importantes de l'accident, notamment à la jambe gauche et à un poumon ; que sa scolarité s'en est trouvée perturbée ; que son préjudice doit être évalué à 800 000 F ;
Sur les droits de Mlle Drissia Z... :
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'indemnité due à Mlle Drissia Z... s'élève à 200 000 F ; qu'elle a droit aux intérêts de cette somme à compter du 11 juillet 1985, date d'enregistrement de la demande présentée par son père devant le tribunal administratif de Bordeaux ;
Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée le 3 août 1988 ; qu'à cette date, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, en application des dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 20 février 1986 est annulé.
Article 2 : La COMMUNE DE MONTAGNE est condamnée à payer à Mlle Drissia Z... la somme de 200 000 F, avec intérêts au taux légal à compter du 11 juillet 1985. Les intérêts échus le 3 août 1988 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la COMMUNE DE MONTAGNE, ainsi que le surplus des conclusions de la demande présentée pour Mlle Drissia Z... devant le tribunal administratif de Bordeaux, sont rejetés.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE MONTAGNE, à Mlle Drissia Z..., à la caisse de mutualité sociale agricole de la Gironde et au ministre de l'emploi et de la solidarité.


Synthèse
Formation : 6 / 2 ssr
Numéro d'arrêt : 77832
Date de la décision : 21/01/1998
Type d'affaire : Administrative

Analyses

60-02-06 RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RESPONSABILITE EN RAISON DES DIFFERENTES ACTIVITES DES SERVICES PUBLICS - SERVICES PUBLICS COMMUNAUX.


Références :

Code civil 1154
Code rural 1046


Publications
Proposition de citation : CE, 21 jan. 1998, n° 77832
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. de la Verpillière
Rapporteur public ?: M. Lamy

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1998:77832.19980121
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