Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 29 mai et 26 août 1991 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Camille X..., demeurant chez M. Pierre Y..., ... ; M. X... demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 28 mars 1991, par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement du 21 mars 1989 du tribunal administratif de Paris rejetant sa demande en décharge des suppléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 1979 à 1982, d'autre part, à ce qu'il soit fait droit à cette demande ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu le décret n° 83-1025 du 28 novembre 1983 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Guilhemsans, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Peignot, Garreau, avocat de M. X...,
- les conclusions de M. Goulard, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il ne résulte d'aucune disposition législative ou réglementaire que la demande faite par l'administration à un contribuable soumis à une vérification approfondie de sa situation fiscale d'ensemble de lui communiquer les relevés de ses comptes bancaires aurait un caractère contraignant et que le vérificateur serait, en conséquence, tenu d'informer ce contribuable du caractère non contraignant de cette demande ; que, dès lors, la cour administrative d'appel de Paris n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que l'absence de mention de leur caractère non contraignant sur les demandes de communication de documents qui ont été adressées par l'administration à M. X... ne rendait pas irrégulière la vérification approfondie de sa situation fiscale d'ensemble ;
Considérant que la Cour a relevé dans les motifs de son arrêt que la comptabilité de M. X... enregistrait des dépenses de caractère privé, que les recettes et les dépenses professionnelles n'y étaient pas portées au jour le jour, que de nombreuses factures avaient été omises et que les registres des immobilisations et des amortissements n'étaient pas tenus ; que la Cour a pu légalement déduire des faits qu'elle a ainsi souverainement constatés, sans les dénaturer, qu'ils justifiaient le rejet de la comptabilité de M. X... et la rectification d'office de ses bases d'imposition au titre des années 1979 à 1982 ;
Considérant que M. X... soutient que la Cour aurait commis une erreur de droit en jugeant que la notification des redressements qui sont à l'origine des suppléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 1980 à 1982 était régulière, alors que la mention figurant sur l'imprimé utilisé pour l'établir, selon laquelle le contribuable a la possibilité de présenter des observations dans le délai de trente jours, avait été barrée et ce, en méconnaissance, à la fois, des dispositions de l'article 8 du décret n° 83-1025 du 28 novembre 1983 et des termes de l'instruction administrative du 4 juin 1984, invocable sur le fondement de l'article 1er de ce décret ;
Mais considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 1er de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 : "Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des décisions administratives défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui ... imposent des sujétions ..." et qu'aux termes de l'article 8, premier alinéa, du décret n° 83-1025 du 28 novembre 1983 : "Sauf urgence ou circonstances exceptionnelles, ... les décisions qui doivent être motivées en vertu de la loi du 11 juillet 1979 ... ne peuvent légalement intervenir qu'après que l'intéressé a été mis en demeure de présenter des observations écrites" ; qu'eu égard à l'obligation faite à l'administration d'établir les impôts dus par tous les contribuables d'après leur situation au regard de la loi fiscale, les décisions par lesquelles elle met une imposition à la charge d'une personne physique ou morale ne peuvent, en dépit de la sujétion qui en résulte pour cette dernière, être regardées comme des décisions administratives individuelles "défavorables", au sens de l'article 1er, précité, de la loi du 11 juillet 1979, y compris dans le cas où il s'agit d'une imposition supplémentaire découlant d'un rehaussement des bases déclarées par le contribuable ; que les dispositions précitées de l'article 8 du décret du 28 novembre 1983 ne sont donc pas applicables aux notifications de redressements qui précèdent l'établissement d'unetelle imposition ; qu'aux termes, d'autre part, de l'article 1er du même décret du 28 novembre 1983 : "Tout intéressé est fondé à se prévaloir, à l'encontre de l'administration, des instructions ... publiées dans les conditions prévues à l'article 9 de la loi ... du 17 juillet 1978, lorsqu'elles ne sont pas contraires aux lois et règlements" ; que M. X... ne pouvait se prévaloir, sur le fondement de cette disposition, de l'instruction du 4 juin 1984, prévoyant que l'administration doit inviter le contribuable à présenter ses observations avant la mise en recouvrement d'impositions établies d'office, dès lors qu'une telle mesure est contraire à la loi, les dispositions de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales, alors applicables, ayant pour effet d'exclure la mise en oeuvre d'une procédure contradictoire en cas d'imposition d'office ; qu'il découle de ce qui vient d'être dit que le moyen, ci-dessus exposé, de M. X... doit être écarté ;
Considérant, enfin, qu'en jugeant que M. X..., qui était en situation de rectification d'office au titre des années 1979 à 1982 en raison du caractère non probant de sa comptabilité, n'apportait pas la preuve, qui lui incombait, du caractère, selon lui, arbitraire de la méthode utilisée par l'administration pour reconstituer ses recettes, ni de l'exagération des bases d'imposition retenues par application de cette méthode, la Cour a porté sur les faits qui lui étaient soumis, sans les dénaturer, une appréciation qui ne peut être discutée devant le juge de cassation ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;
Article 1er : La requête de M. X... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Camille X... et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.