Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 3 février 1993 et 2 juin 1993 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Joël Y..., demeurant à Vieville (52310) ; M. Y... demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 17 novembre 1992 par lequel le tribunal administratif de Châlons-sur-Marne a rejeté sa demande d'annulation des arrêtés du 5 juin et du 8 septembre 1989 du préfet de la Haute-Marne refusant de l'autoriser à exploiter 167 hectares appartenant à M. X..., à Semoutiers, ainsi que de la décision du 22 février 1990 du ministre de l'agriculture et de la forêt, rejetant son recours hiérarchique ;
2°) annule ces arrêtés et cette décision ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code rural ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Keller, Auditeur,
- les observations de Me Guinard, avocat de M. Y...,
- les conclusions de Mme Hubac, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que, par un arrêté du 5 juin 1989, le préfet de la Haute-Marne a refusé d'autoriser M. Y... à adjoindre à son exploitation une superficie de 167 hectares, jusqu'alors mise en valeur par M. et Mme X... ; que, par un second arrêté du 8 septembre 1989, le préfet a repris la même décision ; que, le 22 février 1990, le ministre de l'agriculture a rejeté le recours formé auprès de lui par M. Y... contre les deux arrêtés du préfet ;
Considérant qu'aux termes de l'article 188-5 du code rural, dans sa rédaction applicable en l'espèce : "L'autorisation est réputée accordée si la décision n'a pas été notifée au demandeur dans un délai de deux mois et quinze jours à compter de la réception de la demande" ; que la demande de M. Y..., datée du 30 juin 1989, a fait l'objet d'une décision de rejet notifiée à l'intéressé le 9 septembre 1989, avant l'expiration du délai fixé par l'article 188-5 précité ; que M. Y... n'est, dès lors, pas fondé à soutenir qu'il aurait été bénéficiaire d'une autorisation tacite ;
Considérant que le fait que l'opération envisagée par M. Y... portait sur des terres situées à plus de 12 kilomètres du siège de sa propre exploitation, et aurait pour effet de porter la superficie totale mise en valeur par ses soins à plus de quatre fois celle à partir de laquelle une autorisation préalable est exigée, n'était pas, à lui seul, de nature à justifier une décision de refus d'autorisation ;
Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'opération dont il s'agit entraînerait, comme l'a estimé le préfet de la Haute-Marne, la "suppression des structures foncières de l'exploitation" jusqu'alors mise en valeur par M. et Mme X..., dès lors qu'elle concerne la totalité de cette exploitation ;
Considérant que les terres faisant l'objet de la demande de M. Y..., sont situées à 25 kilomètres du siège de l'exploitation de l'intéressé ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que cette circonstance soit de nature à faire obstacle à leur exploitation rationnelle ;
Considérant que le préfet a fait état, dans les motifs de la décision attaquée, de l'existence de "situations prioritaires dans le secteur de l'opération projetée" ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier qu'à la date de cette décision, aucune demande concurrente de celle de M. Y... n'avait été présentée ;
Considérant qu'il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que le préfet aurait pris la même décision s'il n'avait retenu que les autres motifs mentionnés dans son arrêté du 7 août 1989 ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. Y... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-surMarne a rejeté sa demande d'annulation des arrêtés du préfet de la Haute-Marne des 5 juin et 8 septembre 1989 et de la décision du ministre de l'agriculture du 22 février 1990 ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Châlons-sur-Marne du 17 novembre 1992, ainsi que les arrêtés du préfet de la Haute-Marne des 5 juin et 8 septembre 1989 et la décision du ministre de l'agriculture du 22 février 1990, sont annulés.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Joël Y..., à M. et Mme X... et au ministre de l'agriculture et de la pêche.