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11/02/1998 | FRANCE | N°178841

France | France, Conseil d'État, 8 / 9 ssr, 11 février 1998, 178841


Vu la requête enregistrée le 15 mars 1996 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la société anonyme ETUDES ET RECHERCHES MECANIQUES (E.R.M.), représentée par son liquidateur, Mme X..., demeurant à Chaumont, Saint-Claude (39200) ; la société anonyme ETUDES ET RECHERCHES MECANIQUES (E.R.M.) demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 28 décembre 1995 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 7 avril 1994 du tribunal administratif de Besançon, rejetant sa demande en décharge des suppl

éments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au ...

Vu la requête enregistrée le 15 mars 1996 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la société anonyme ETUDES ET RECHERCHES MECANIQUES (E.R.M.), représentée par son liquidateur, Mme X..., demeurant à Chaumont, Saint-Claude (39200) ; la société anonyme ETUDES ET RECHERCHES MECANIQUES (E.R.M.) demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 28 décembre 1995 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 7 avril 1994 du tribunal administratif de Besançon, rejetant sa demande en décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des années 1984 à 1986 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Maïa, Auditeur,
- les observations de Me Boullez, avocat de la société anonyme ETUDES ET RECHERCHES MECANIQUES (E.R.M.),
- les conclusions de M. Bachelier, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 39 du code général des impôts : "1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant ... notamment : 1° les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main d'oeuvre ... Toutefois, les rémunérations ne sont admises en déduction que dans la mesure où elles correspondent à un travail effectif et ne sont pas excessives eu égard à l'importance du service rendu ..." ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à la suite d'une vérification de la comptabilité de la société anonyme ETUDES ET RECHERCHES MECANIQUES (E.R.M.) opérée en octobre et novembre 1987, l'administration a, sur le fondement des dispositions précitées de l'article 39 du code général des impôts, réintégré dans les résultats imposables de cette société au titre des exercices coïncidant avec les années 1984, 1985 et 1986, la fraction qu'elle a regardée comme excessive à concurrence de 228 371 F pour l'année 1984, de 663 156 F pour l'année 1985 et de 643 257 F pour l'année 1986, des rémunérations servies à M. et Mme X..., président-directeur général et directeur général de la société, qui s'étaient élevées, au total, à 492 421 F en 1984, 927 156 F en 1985 et 907 257 F en 1986 ; qu'au cours de l'instance devant le tribunal administratif de Besançon, les redressements ainsi effectués ont été ramenés par l'administration, qui a prononcé les dégrèvements partiels correspondants, aux montants moins élevés qui avaient été retenus par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires du Jura dans l'avis rendu par elle, le 5 janvier 1989, sur le différend opposant la société ERM à l'administration, soit 132 921 F pour 1984, 547 156 F pour 1985 et 527 257 F pour 1986 ; que, par l'arrêt attaqué, la cour administrative d'appel de Nancy a maintenu à la charge de la société ERM, en droits et pénalités, les suppléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle est restée assujettie, au titre des trois années 1984 à 1986, après la décision de dégrèvement partiel ci-dessus mentionnée ;
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction issue de l'article 10-I de la loi n° 87-502 du 8 juillet 1987 : "Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'un redressement, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou leredressement est soumis au juge. Elle incombe également au contribuable à défaut de comptabilité ou de pièces en tenant lieu, comme en cas de taxation d'office à l'issue d'un examen contradictoire de l'ensemble de la situation fiscale personnelle en application des dispositions des articles L. 16 et L. 69" ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions que les vices de forme ou de procédure dont serait entaché l'avis de la commission n'affectent pas la régularité de la procédure d'imposition et ne sont, par suite, pas de nature à entraîner la décharge de l'imposition établie à la suite des rectifications ou redressements soumis à l'examen de la commission ; que, par suite, les moyens tirés par la société anonyme ETUDES ET RECHERCHES MECANIQUES (E.R.M.), devant la cour administrative d'appel, de ce que la commission aurait siégé dans une composition irrégulière lorsqu'elle a émis, le 5 janvier 1989, l'avis ci-dessus évoqué, étaient inopérants au soutien de sa demande en décharge des impositions supplémentaires restant en litige ; que la société ne peut donc utilement critiquer les motifs par lesquels la Cour a cru devoir écarter ces moyens comme non fondés ;
En ce qui concerne la charge de la preuve :
Considérant qu'il résulte des dispositions, déjà citées, de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, que le sens de l'avis émis par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ne peut avoir d'autre effet que de modifier, le cas échéant, la dévolution de la charge de la preuve dans les termes prévus par cet article ;
Considérant que la cour administrative d'appel a estimé à bon droit que la charge de la preuve du caractère excessif des rémunérations servies par la société anonyme ETUDES ET RECHERCHES MECANIQUES (E.R.M.) à M. et Mme X... en 1984, 1985 et 1986 incombait à l'administration, quel que fût le sens de l'avis émis par la commission départementale ; que la Cour ne s'est pas écartée de ce qu'elle avait ainsi jugé en répondant à l'un des arguments invoqués devant elle par la société anonyme ETUDES ET RECHERCHES MECANIQUES (E.R.M.) pour contester le caractère excessif des rémunérations versées à ses dirigeants, qu'elle n'établissait pas que le salaire de M. X... aurait inclus la majoration spéciale prévue par la loi en faveur des salariés inventeurs ;
En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :
Considérant que la cour administrative d'appel énonce dans son arrêt, de manière suffisante, les motifs pour lesquels elle juge que les preuves apportées par l'administration démontrent le caractère excessif, de la fraction, dont les montants ont été cidessus rappelés, des rémunérations payées à M. et Mme X..., dont elle n'a pas admis la déduction ;
En ce qui concerne les pénalités :
Considérant qu'en estimant que, eu égard au caractère "notoirement excessif" des rémunérations versées à M. et Mme X... par la société anonyme ETUDES ET RECHERCHES MECANIQUES (E.R.M.) par rapport aux activités "très réduites" de cette dernière, l'administration devait être regardée comme apportant la preuve de la mauvaise foi de la société, sans rechercher si la déduction, comme charges, de la fraction excessive de ces rémunérations avait procédé, de la part de la société, d'une intention délibérée de minorer ses bases d'imposition, la cour administrative d'appel a donné au fait qu'elle s'est bornée à relever une qualification juridique erronée ; que, par suite, la société anonyme ETUDES ETRECHERCHES MECANIQUES (E.R.M.) est fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué, en tant qu'il se prononce sur la question des pénalités ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, par application de l'article 11, deuxième alinéa, de la loi du 31 décembre 1987, de régler, sur ce point, l'affaire au fond ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. et Mme X..., qui étaient les seuls dirigeants et salariés de la société anonyme ETUDES ET RECHERCHES MECANIQUES (E.R.M.), dont ils possédaient ensemble 99,5 % du capital, ne pouvaient ignorer que les rémunérations qu'ils se sont fait attribuer par cette société, dont l'activité consistait uniquement, depuis le mois de juillet 1984, à percevoir les redevances qui lui étaient dues par une autre société, étaient d'une importance sans commune mesure avec l'importance des services qu'ils lui rendaient ; que, dans ces conditions, l'administration apporte la preuve que la société anonyme ETUDES ET RECHERCHES MECANIQUES (E.R.M.), dont ils étaient les maîtres, n'a pu de bonne foi déduire de ses résultats imposables, comme salaires, la totalité de ces rémunérations anormalement élevées ; qu'elle a, dès lors, à bon droit, appliqué aux suppléments d'impôt sur les sociétés assignés à la société la majoration de 40 % prévue par le 1 de l'article 1729 du code général des impôts dans le cas où la mauvaise foi du contribuable est établie ; que la société anonyme ETUDES ET RECHERCHES MECANIQUES (E.R.M.) n'est donc pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'article 2 de son jugement du 7 avril 1994, le tribunal administratif de Besançon a maintenu à sa charge les pénalités afférentes aux droits non compris dans la décision de dégrèvement partiel prononcée en sa faveur, le 8 mars 1991, par le directeur régional des impôts de Franche-Comté ;
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 28 décembre 1995 est annulé en tant qu'il statue sur les conclusions de la requête de la société anonyme ETUDES ET RECHERCHES MECANIQUES (E.R.M.) ayant trait aux majorations appliquées aux suppléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle est restée assujettie, au titre des années 1984, 1985 et 1986, après la décision de dégrèvement partiel prononcée en sa faveur, le 8 mars 1991, par le directeur régional des impôts de Franche-Comté.
Article 2 : Les conclusions, mentionnées à l'article 1er ci-dessus, de la requête présentée par la société anonyme ETUDES ET RECHERCHES MECANIQUES (E.R.M.) devant la cour administrative d'appel de Nancy, ainsi que le surplus des conclusions de la requête dont elle a saisi le Conseil d'Etat, sont rejetés.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société anonyme ETUDES ET RECHERCHES MECANIQUES (E.R.M.) et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-04-01-04 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REGLES GENERALES - IMPOT SUR LES BENEFICES DES SOCIETES ET AUTRES PERSONNES MORALES.


Références :

CGI 39, 1729
CGI Livre des procédures fiscales L192
Loi 87-1127 du 31 décembre 1987 art. 11
Loi 87-502 du 08 juillet 1987 art. 10


Publications
Proposition de citation: CE, 11 fév. 1998, n° 178841
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Maïa
Rapporteur public ?: M. Bachelier

Origine de la décision
Formation : 8 / 9 ssr
Date de la décision : 11/02/1998
Date de l'import : 06/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 178841
Numéro NOR : CETATEXT000008013903 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;1998-02-11;178841 ?
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