Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 6 et 9 décembre 1996 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés par le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS ; le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 17 juillet 1996 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 10 juillet 1996 de reconduite à la frontière pris à l'encontre de M. Dahmane X... ;
2°) de décider qu'il sera sursis à l'exécution de ce jugement ;
3°) de rejeter la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Paris ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée, notamment par la loi du 2 août 1989, la loi du 10 janvier 1990, la loi du 26 février 1992 et la loi du 24 août 1993 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. de Froment, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Monod, avocat de M. X...,
- les conclusions de M. Goulard, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que, par deux arrêtés distincts du 10 juillet 1997, le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS a, d'une part, décidé, sur le fondement de l'article 22-I-3° de l'ordonnance susvisée du 2 novembre 1945, la reconduite à la frontière de M. Dahmane X..., ressortissant algérien, au motif que l'intéressé ne satisfaisait pas aux conditions prévues à l'article 15-10° de la même ordonnance pour être admis en France en qualité de réfugié, d'autre part, décidé que le pays de reconduite serait celui dont il a la nationalité ou qui lui a délivré un titre de voyage en cours de validité ou encore tout pays dans lequel il établit être également admissible ;
Considérant que M. X... a attaqué les deux arrêtés devant le tribunal administratif de Paris ; que le jugement du 17 juillet 1996 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris doit être regardé comme ayant entendu annuler tant l'arrêté décidant la reconduite à la frontière de M. X... que l'arrêté fixant le pays de renvoi ; que le préfet fait appel de ce jugement en tant qu'il a annulé l'arrêté décidant la reconduite ; qu'aux termes de l'article 27 de l'ordonnance précitée dans sa rédaction issue de la loi du 24 août 1993 : "La décision fixant le pays de renvoi constitue une décision distincte de la mesure d'éloignement elle-même" ; que, dès lors, le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour annuler son arrêté de reconduite à la frontière pris à l'encontre de M. X..., le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a estimé que le retour de l'intéressé vers son pays d'origine comporterait pour lui des risques sérieux du fait des activités et des fonctions de responsable politique qu'il exerçait ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X... devant le tribunal administratif de Paris ;
Considérant, d'une part, que l'arrêté attaqué, qui comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision de reconduite à la frontière est suffisamment motivé ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : "Le représentant de l'Etat dans le département, et à Paris le préfet de police, peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : ... 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour temporaire a été refusé, s'est maintenu sur le territoire au-delà d'un mois à compter de la date de notification du refus" et qu'aux termes de l'article 22 bis III de la même ordonnance : "Si l'arrêté de reconduite à la frontière est annulé, ... l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que le préfet ait à nouveau statué sur son cas ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS a refusé, par une décision notifiée le 22 novembre 1995, le renouvellement de l'autorisation de séjour dont bénéficiait M. X... à la suite du rejet par l'office français de protection des réfugiés et apatrides puis par la commission des recours des réfugiés de sa demande d'admission au statut de réfugié ; que si après l'annulation par le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris, en raison d'un vice de forme, de l'arrêté préfectoral de reconduite à la frontière pris le 30 mars 1996 à l'encontre de M. X..., une autorisation provisoire de séjour a été remise au requérant en application de l'article 22 bis III précité, cette autorisation avait seulement pour effet de régulariser la situation de l'intéressé jusqu'à ce que le préfet ait à nouveau statué sur son cas ; que le préfet a pu légalement ordonner à nouveau la reconduite à la frontière de l'intéressé par un arrêté du 10 juillet 1996, pris sur le fondement des dispositions précitées de l'article 22-3° de l'ordonnance du 2 novembre 1945, par le motif que M. X... s'était maintenu irrégulièrement sur le territoire après avoir reçu notification de la décision de refus de séjour le 22 novembre 1995 ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 10 juillet 1996 décidant la reconduite à la frontière de M. X... ;
Sur les conclusions de M. X... tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à M. X... la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris en date du 17 juillet 1996 est annulé en tant qu'il a annulé l'arrêté du 10 juillet 1996 par lequel le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS a décidé la reconduite à la frontière de M. X....
Article 2 : La demande présentée par M. X... tendant à l'annulation de l'arrêté mentionné à l'article 1er est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de M. X... tendant à l'application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS, à M. Dahmane X... et au ministre de l'intérieur.