Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 9 janvier 1995 et 28 avril 1995, présentés pour M. Denis X..., demeurant ... ; M. X... demande que le Conseil d'Etat annule l'arrêt du 2 novembre 1994, par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté sa requête dirigée contre le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 9 juin 1993, rejetant sa demande en décharge des suppléments d'impôt sur le revenu, ainsi que des pénalités y afférentes, auxquels il avait été assujetti au titre des années 1985 et 1986 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme de Saint-Pulgent, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Odent, avocat de M. Denis X...,
- les conclusions de M. Arrighi de Casanova, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes des dispositions, applicables en l'espèce, de l'article 156 du code général des impôts : "L'impôt sur le revenu est établi d'après le montant total du revenu net annuel dont dispose chaque foyer fiscal. Ce revenu net est établi ... sous déduction : I. Du déficit constaté pour une année dans une catégorie de revenus ; si le revenu global n'est pas suffisant pour que l'imputation puisse être intégralement opérée, l'excédent du déficit est reporté successivement sur le revenu global des années suivantes jusqu'à la cinquième année inclusivement. Toutefois, n'est pas autorisée l'imputation ... 3° des déficits fonciers, lesquels s'imputent exclusivement sur les revenus fonciers des cinq années suivantes ... ; cette disposition n'est pas applicable aux propriétaires d'immeubles ayant fait l'objet de travaux exécutés dans le cadre d'une opération groupée de restauration immobilière faite en application des dispositions des articles L. 313-1 à L. 313-15 du code de l'urbanisme ..." ; que les dispositions auxquelles renvoie ainsi l'article 156.I.3° du code général des impôts sont, notamment, celles de l'article L. 313-3 du code de l'urbanisme, selon lesquelles les opérations de restauration d'immeubles situés à l'intérieur de "secteurs sauvegardés", créés et délimités aux fins et selon la procédure prévue par l'article L. 313-1, premier alinéa, du même code, peuvent, en particulier, être décidées et exécutées "à l'initiative" de plusieurs propriétaires, "groupés ou non en association syndicale" ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions que sont seuls autorisés à imputer sur leur revenu global les déficits fonciers provenant de dépenses de restauration d'immeubles situés dans un "secteur sauvegardé", les propriétaires de ces immeubles qui, agissant dans le cadre d'un groupement, constitué ou non sous la forme d'une association syndicale, ont satisfait à l'obligation d'assumer collectivement la maîtrise d'ouvrage des travaux à réaliser, c'est-à-dire de les engager, de les financer et de les contrôler ;
Considérant que la cour administrative d'appel de Bordeaux a estimé que l'administration n'avait pas écarté, comme ne lui étant pas opposables, les actes passés en vue de la réalisation des travaux qui ont été effectués pour le compte de M. X... sur les lots acquis par celui-ci dans les immeubles sis 3, place Porto Riche et ..., compris dans le "secteur sauvegardé" de Bordeaux, mais s'était bornée, comme elle était en droit de le faire, à vérifier dans quelle mesure les conditions auxquelles est subordonné le bénéfice des dispositions, précitées, de l'article 156-1-3° du code général des impôts étaient remplies, notamment en ce qui concerne l'initiative des travaux, leur nature et la date de leur engagement ; qu'en en déduisant que, par l'examen auquel l'administration s'était ainsi livrée, celle-ci ne pouvait être regardée comme ayant mis en oeuvre la procédure de répression des abus de droit prévue à l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, la cour n'a commis aucune erreur de droit et n'a pas dénaturé les pièces du dossier ;
Considérant que, pour juger que les travaux effectués, en 1986, pour le compte de M. X... sur le lot acquis par lui dans l'immeuble sis 3, place Porto Riche, n'avaient pas été effectués dans le cadre d'une opération groupée de restauration immobilière, la cour administrative d'appel a relevé que M. X... ne contestait pas que son adhésion à l'association foncière urbaine libre "Sainte-Croix", constituée entre les copropriétaires de cet immeuble, n'avait eu date certaine que le 7 avril 1987, c'est-à-dire postérieurement à l'annéed'imposition en cause, et qu'il n'alléguait pas que cette adhésion était antérieure à cette date ; que, pour retenir ce motif, qui pouvait légalement fonder sa décision, la cour s'est livrée à une appréciation souveraine des faits, dont l'exactitude matérielle n'est pas contestée devant le juge de cassation ;
Considérant que, pour juger que les travaux effectués, en 1985 et en 1986, pour le compte de M. X... sur le lot acquis par lui dans l'immeuble sis ..., ne pouvaient non plus être regardés comme ayant été effectués dans le cadre d'une opération groupée de restauration immobilière, la cour administrative d'appel s'est uniquement fondée sur ce qu'il n'était pas contesté que l'adhésion des copropriétaires de cet immeuble à l'association foncière urbaine libre "Façade Tourny" n'avait jamais été publiée au fichier immobilier, contrairement aux dispositions de l'article R. 322-2-1 du code de l'urbanisme, sans examiner si, comme le soutient M. X..., l'association n'avait pas néanmoins consenti, notamment, à son adhésion dans les conditions prévues par ses statuts, et assumé la maîtrise d'ouvrage des travaux à réaliser ; que la cour a ainsi commis une erreur de droit ; que, dès lors, M. X... est fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué, en tant qu'il a rejeté ses conclusions relatives à l'imputation sur son revenu global de l'année 1985 du déficit foncier entraîné par les dépenses afférentes aux travaux effectués pour son compte sur le lot lui appartenant de l'immeuble sis ... ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de renvoyer le jugement de ces conclusions à la cour administrative d'appel de Bordeaux ;
Considérant qu'il y a lieu aussi, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat, par application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991, à payer à M. X... une somme de 10 000 F au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 2 novembre 1994 est annulé, en tant qu'il rejette les conclusions de M. X... relatives à l'imputation sur son revenu global de l'année 1985 des dépenses afférentes aux travaux effectués pour son compte sur le lot lui appartenant de l'immeuble sis ... .
Article 2 : Le jugement des conclusions mentionnées à l'article 1er ci-dessus est renvoyé à la cour administrative d'appel de Bordeaux.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X... est rejeté.
Article 4 : L'Etat paiera à M. X... une somme de 10 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Denis X..., au président de la cour administrative d'appel de Bordeaux et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.