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27/02/1998 | FRANCE | N°177991

France | France, Conseil d'État, 8 / 9 ssr, 27 février 1998, 177991


Vu le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES, enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 19 février 1996 ; le ministre demande au Conseil d'Etat d'annuler les articles 2 et 3 de l'arrêt du 19 décembre 1995 par lesquels la cour administrative d'appel de Lyon a substitué les intérêts de retard aux pénalités pour mauvaise foi, appliquées aux suppléments d'impôt sur le revenu auxquels M. Antoine X... a été assujetti au titre des années 1985 et 1986 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu la loi n° 87-502

du 8 juillet 1987 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours adm...

Vu le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES, enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 19 février 1996 ; le ministre demande au Conseil d'Etat d'annuler les articles 2 et 3 de l'arrêt du 19 décembre 1995 par lesquels la cour administrative d'appel de Lyon a substitué les intérêts de retard aux pénalités pour mauvaise foi, appliquées aux suppléments d'impôt sur le revenu auxquels M. Antoine X... a été assujetti au titre des années 1985 et 1986 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu la loi n° 87-502 du 8 juillet 1987 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Froment-Meurice, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Arrighi de Casanova, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que, pour juger que les suppléments d'impôt sur le revenu assignés à M. X... au titre des années 1985 et 1986, en conséquence de la réintégration dans ses bases d'imposition, comme revenus réputés distribués en vertu des articles 109-I-1° et 110 du code général des impôts, de sommes égales à la moitié des recettes non déclarées qui, à la suite d'une vérification de la comptabilité de la société à responsabilité limitée "Le Structure", dont il détenait 50 % des parts, ont été retenues dans l'assiette de l'impôt sur les sociétés dû par cette société, au titre des mêmes années 1985 et 1986, avaient été à tort assortis des pénalités prévues, lorsque la mauvaise foi du contribuable est établie, par l'article 1729 du code général des impôts, la cour administrative d'appel de Lyon s'est fondée sur ce que les insuffisances de la comptabilité de la société "Le Structure" et l'existence de minorations de recettes révélée par une reconstitution "théorique" des résultats, sans être corroborée par d'autres constatations, ne suffisaient pas à établir la mauvaise foi de M. X... ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si l'administration établissait que le défaut de déclaration d'une partie des recettes de la société à responsabilité limitée "Le Structure" avait procédé, de la part de M. X..., en tant que dirigeant de la société, d'une intention délibérée de minorer les bases de l'impôt dû par cette dernière, la Cour a donné aux faits qu'elle a relevés une qualification juridique erronée ; que le ministre de l'économie et des finances est, dès lors, fondé à demander que l'arrêt attaqué soit annulé, en tant qu'il statue sur la question des pénalités ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, par application de l'article 11, deuxième alinéa, de la loi du 31 décembre 1987, de régler, sur ce point, l'affaire au fond ;
Considérant que l'administration établit que M. X... a personnellement et délibérément participé à la dissimulation répétée des recettes non déclarées de la société "Le Structure", qu'il a appréhendées ; que l'administration était, dès lors, fondée à appliquer aux suppléments d'impôt sur le revenu mis à la charge de M. X... au titre des années 1985 et 1986, les majorations prévues par la loi lorsque la mauvaise foi du contribuable est établie ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts, dans sa rédaction antérieure à celle qui lui a été donnée par l'article 2 de la loi n° 87-502 du 8 juillet 1987 et applicable aux dates auxquelles M. X... devait déposer, au plus tard, les déclarations de ses revenus des années 1985 et 1986 : "1 ... lorsque la mauvaise foi du contribuable est établie, les droits correspondant aux infractions définies à l'article 1728 sont majorés de 50 p. 100, si le montant des droits est supérieur à la moitié des droits réellement dus ..." ; qu'aux termes du 1 du même article 1729, dans sa rédaction issue de l'article 2 de la loi précitée du 8 juillet 1987 : "Lorsque la déclaration ou l'acte mentionnés à l'article 1728 font apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt insuffisants inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 40 % si la mauvaise foi de l'intéressé est établie ..." ; qu'il résulte de ces dispositions que les intérêts de retard n'ont pas le caractère d'une sanction, mais celui d'une réparation du préjudice pécuniaire subi par le Trésor en cas de paiement insuffisant ou tardif ou en cas de défaut de paiement de l'impôt ; que, par suite, pour déterminer si les dispositions de l'article 1729-1 du code général des impôts, dans leur rédaction résultant de la loi du 8 juillet 1987, instituent une sanction plus douce que celle qui était prévue par la législation antérieurement en vigueur, il convient de ne prendre en compte que le taux de majoration prévu par le nouveau texte en cas de mauvaise foi, à l'exclusion des intérêts de retard ; que pour procéder à cette comparaison, il y a lieu de ne prendre en compte que la part de majorations qui, en vertu des règles antérieurement applicables, présentait le caractère d'une sanction et donc d'en défalquer la fraction correspondant aux intérêts de retard, qui étaient, en tout état de cause, maintenus lorsque le juge était conduit à prononcer la décharge des pénalités ; qu'il suit de là que le Conseil d'Etat ne devrait appliquer, en l'espèce, le taux de 40 % que dans le cas où cette comparaison en ferait apparaître le caractère moins sévère ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la part de la majoration de 50 % appliquée aux droits supplémentaires assignés à M. X... qui présentait le caractère d'une sanction, au sens ci-dessus défini, est de moins de 40 % ; qu'il y a lieu, en conséquence, de remettre à la charge de M. X... des sommes égales à 50 % des suppléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre, respectivement, des années 1985 et 1986 ;
Article 1er : Les articles 2 et 3 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 19 décembre 1995 sont annulés.
Article 2 : Les majorations de 50 % qui avaient été appliquées aux suppléments d'impôt sur le revenu assignés à M. X... au titre de chacune des années 1985 et 1986, sont remises intégralement à sa charge.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et à M. Antoine X....


Sens de l'arrêt : Annulation
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-01-04-03 CONTRIBUTIONS ET TAXES - GENERALITES - AMENDES, PENALITES, MAJORATIONS - PENALITES POUR MAUVAISE FOI -Impossibilité d'infliger des pénalités pour mauvaise foi à un contribuable dont les bases d'imposition sont augmentées des revenus correspondant aux recettes non déclarées par sa société, dès lors que la minoration des recettes en cause a été révélée par la reconstitution "théorique" des résultats de la société.

19-01-04-03 Cour administrative d'appel qui, pour juger que les suppléments d'impôt sur le revenu, assignés au contribuable en conséquence de la réintégration dans ses bases d'imposition de sommes égales à la moitié des recettes non déclarées mises à jour par la vérification de comptabilité de la société dont il détenait 50 % des parts, avaient été à tort assortis des pénalités pour mauvaise foi prévues par l'article 1729 du C.G.I., s'est fondée sur ce que les insuffisances de la comptabilité de la société et l'existence d une minoration de recettes révélée par une reconstitution "théorique" des résultats de cette société, sans être corroborée par d'autres constatations, ne suffisaient pas à établir la mauvaise foi du contribuable. En statuant ainsi, sans rechercher si l'administration établissait que le défaut de déclaration d'une partie des recettes de la société avait procédé, de la part de son dirigeant, d'une intention délibérée de minorer les bases de l'impôt dû par cette dernière, la cour a donné aux faits relevés une qualification juridique erronée.


Références :

CGI 1729, 1729-1
Loi 87-1127 du 31 décembre 1987 art. 11
Loi 87-502 du 08 juillet 1987 art. 2


Publications
Proposition de citation: CE, 27 fév. 1998, n° 177991
Mentionné aux tables du recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Groux
Rapporteur ?: M. Froment-Meurice
Rapporteur public ?: M. Arrighi de Casanova

Origine de la décision
Formation : 8 / 9 ssr
Date de la décision : 27/02/1998
Date de l'import : 06/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 177991
Numéro NOR : CETATEXT000008011800 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;1998-02-27;177991 ?
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