Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 18 novembre 1996 et 20 janvier 1997 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Désiré X... demeurant ... ; M. X... demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 4 octobre 1996 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 1er octobre 1996 par lequel le préfet du Val-de-Marne a décidé sa reconduite à la frontière ;
2°) annule pour excès de pouvoir ledit arrêté ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Guyomar, Auditeur,
- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. X...,
- les conclusions de M. Lamy, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article R. 200 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, rendu applicable au contentieux des arrêtés de reconduite à la frontière par l'article R. 241-15 du même code : "Les jugements et arrêtés mentionnent que l'audience a été publique ( ...) Ils font apparaître la date de l'audience et la date à laquelle ils ont été prononcés ( ...)" ;
Considérant que, si le jugement attaqué du tribunal administratif de Melun mentionne la date de l'audience publique à laquelle l'affaire a été appelée, il n'indique pas la date à laquelle il a été prononcé, en méconnaissance des dispositions précitées ; que M. X... est dès lors fondé à en demander l'annulation ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Melun ;
Sur la fin de non-recevoir opposée par le préfet du Val-de-Marne :
Considérant qu'aux termes de l'article 22 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : "L'étranger qui fait l'objet d'un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière peut, dans les vingt-quatre heures suivant sa notification, demander l'annulation de cet arrêté au président du tribunal administratif" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la notification de l'arrêté de reconduite à la frontière attaqué, faite le 1er octobre 1996 à M. X..., mentionnait un numéro erroné de télécopie du tribunal administratif de Melun ; que cette circonstance a fait obstacle à ce que le délai spécial de vingt-quatre heures commence à courir ; qu'il suit de là que le préfet du Val-de-Marne n'est pas fondé à soutenir que la requête de M. X..., enregistrée le 3 octobre 1996, était tardive ;
Sur la légalité de l'arrêté attaqué :
Considérant qu'aux termes des dispositions combinées du cinquième et du troisième alinéas de l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, ne peut faire l'objet d'une reconduite à la frontière "l'étranger qui est père ou mère d'un enfant français résidant en France, à la condition qu'il exerce, même partiellement, l'autorité parentale à l'égard de cet enfant ou qu'il subvienne effectivement à ses besoins" ; qu'aux termes de l'article 23 de la loi du 9 janvier 1973, dans sa rédaction initiale, "les articles 23 et 24 du code de la nationalité française sont applicables à l'enfant né en France d'un parent né sur un territoire qui avait, au moment de la naissance de ce parent, le statut de colonie ou de territoire d'outre-mer de la République française" ; que, dans sa rédaction qui résulte de l'article 44 de la loi du 22 juillet 1993, il prévoit que ces dispositions sont applicables à l'enfant né en France avant le 1er janvier 1994 ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X... s'est maintenu au-delà d'un mois à compter de la notification du refus de séjour qui lui a été opposé, le 10 novembre 1994 ;
Considérant, toutefois, que M. X... est père d'un enfant né en France, le 31 octobre 1993, auquel le tribunal d'instance d'Ivry-sur-Seine a délivré un certificat de nationalité française ; que la situation de cet enfant au regard du droit de la nationalité est régie par l'article 23 de la loi du 9 janvier 1973 dans sa rédaction initiale ; qu'il résulte des dispositions précitées, et qu'il n'est d'ailleurs pas contesté, que cet enfant est de nationalité française ; que, par suite, M. X... dont l'exercice de l'autorité parentale sur ledit enfant n'est pas contesté, est fondé à se prévaloir des dispositions de l'article 25-5° de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... est fondé à demander l'annulation de l'arrêté en date du 1er octobre 1996 par lequel le préfet du Val-de-Marne a ordonné sa reconduite à la frontière ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Melun en date du 4 octobre 1996 est annulé.
Article 2 : L'arrêté en date du 1er octobre 1996 par lequel le préfet du Val-de-Marne a ordonné la reconduite de M. X... à la frontière est annulé.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Désiré X..., au préfet du Val-de- Marne et au ministre de l'intérieur.