Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 17 janvier 1997, présentée par Mme Rachida Y..., demeurant Hay Azghare n° 95 à Sidi Kacem (Maroc) et M. El Hassan Y..., demeurant au lieudit "Le Pied du Château", route de Cadillac, à Langoiran (33550) ; M. et Mme Y... demandent l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 21 octobre 1996 par laquelle le consul général de France à Rabat a refusé de délivrer un visa de long séjour à Mme Y... et de la décision du 6 décembre 1996 par laquelle le ministre des affaires étrangères a rejeté le recours hiérarchique exercé par M. Y... ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Errera, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Abraham, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sécurité publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui" ;
Considérant que, par une décision du 21 octobre 1996, le consul général de France à Rabat a refusé à Mme Y..., ressortissante marocaine, le visa d'entrée sur le territoire français que celle-ci avait sollicité pour rejoindre son conjoint de nationalité française, qu'elle avait épousé le 29 décembre 1995 ; que, pour confirmer ce refus par une décision du 6 décembre 1996, le ministre des affaires étrangères soutient s'être fondé sur l'insuffisance des ressources de M. Y... et sur la circonstance que celui-ci aurait été connu défavorablement des services de police ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier qu'en l'absence de toute indication sur la menace que la présence de Mme Y... sur le territoire français aurait fait peser sur l'ordre public, alors même que l'intéressée n'aurait pas parlé le français et que les ressources du couple auraient été insuffisantes, les décisions attaquées ont porté au droit de Mme Y... au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elles lui ont été opposées ; qu'elles ont, par suite, méconnu les stipulations précitées de la convention européenne des droits de l'homme ; que, dès lors, Mme Y... est fondée à en demander l'annulation ;
Article 1er :La décision du consul général de France à Rabat du 21 octobre 1996 et la décision du ministre des affaires étrangères du 6 décembre 1996 sont annulées.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme Rachida X..., à M. El Hassan Y... et au ministre des affaires étrangères.