Vu la requête enregistrée le 4 août 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Imed Z... demeurant chez Mlle Coraline X..., rue Haxo, à Marseille (13001) ; M. Z... demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 21 juillet 1995 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 juillet 1995 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a ordonné sa reconduite à la frontière ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir ledit arrêté ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 susvisée ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- les conclusions de M. Bonichot, Commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Marseille n'a pas répondu au moyen présenté par M. Z..., tiré du défaut de motivation de l'arrêté attaqué ; que par suite, le jugement attaqué est entaché d'irrégularité et doit être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les requêtes présentées par M. Z... et Mlle X... devant le tribunal administratif de Marseille ;
Sur la légalité de l'arrêté attaqué :
Sur la demande de Mlle X... :
Considérant que Mlle X... ne justifie pas d'un intérêt direct lui donnant qualité pour demander l'annulation de l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône ordonnant la reconduite à la frontière de M. Z... ; qu'ainsi sa requête doit être considérée comme une intervention au soutien de la requête de M. Z... ;
Sur la demande de M. Z... :
Considérant que la circonstance, à la supposer établie, que M. Z... aurait été interpellé dans des conditions irrégulières est, en tout état de cause, sans incidence sur la légalité de la décision ordonnant sa reconduite à la frontière ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'arrêté attaqué a été signé par M. Pierre Y..., secrétaire général de la préfecture des Bouches-du-Rhône, qui bénéficiait d'une délégation de signature du préfet ; qu'ainsi M. Z... n'est pas fondé à soutenir que ledit arrêté aurait été pris par une autorité incompétente ;
Considérant que l'arrêté attaqué, qui comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, est suffisamment motivé ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas pris en compte la situation personnelle de l'intéressé ;
Considérant qu'aux termes de l'article 22-I de l'ordonnance du 2 novembre 1945 susvisée : "Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfetde police, peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants ... 2°) Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée sur le territoire sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré ..." ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et qu'il n'est pas contesté que M. Z..., entré en France en 1991, s'est maintenu sur le territoire au-delà de la durée de trois mois à compter de son entrée en France sans être titulaire d'un premier titre de séjour ; qu'il se trouvait ainsi dans le cas où, en application de l'article 22-I de l'ordonnance du 2 novembre 1945 susvisée, le préfet peut décider la reconduite à la frontière d'un étranger ;
Considérant que la circonstance que M. Z... était sur le point de se marier est sans incidence sur la légalité de l'arrêté attaqué qui n'a eu ni pour objet ni pour effet d'empêcher le mariage de l'intéressé ; que, par suite M. Z... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté du préfet aurait méconnu les dispositions de l'article 12 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant que si M. Z... soutient qu'il vit en concubinage avec Mlle X..., il ne ressort pas des pièces du dossier qu'eu égard notamment à la durée et aux conditions de son séjour en France, ainsi qu'aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté attaqué du préfet des Bouches-du-Rhône ait porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que, par suite, M. Z... n'est pas fondé à soutenir qu'il aurait méconnu les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. Z... et Mlle X... ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône ordonnant la reconduite à la frontière de M. Z... ;
Article 1er : Le jugement du conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Marseille est annulé.
Article 2 : L'intervention de Mlle X... est admise.
Article 3 : La demande de M. Z... présentée devant le conseiller délégué par le président du tribunal administratif est rejetée.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Imed Z..., à Mlle Coraline X..., au préfet des Bouches-du-Rhône et au ministre de l'intérieur.