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18/03/1998 | FRANCE | N°160583

France | France, Conseil d'État, 1 / 4 ssr, 18 mars 1998, 160583


Vu la requête, enregistrée le 1er août 1994 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le DEPARTEMENT D'INDRE-ET-LOIRE, représenté par le président en exercice du conseil général ; le DEPARTEMENT D'INDRE-ET-LOIRE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 17 mai 1994 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a annulé, à la demande de Mme Lucette X..., les décisions des 27 octobre 1992 et 18 janvier 1993 par lesquelles le président du conseil général d'Indre-et-Loire lui a retiré, à compter du 30 octobre 1992, l'agrément d'assista

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Vu la requête, enregistrée le 1er août 1994 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le DEPARTEMENT D'INDRE-ET-LOIRE, représenté par le président en exercice du conseil général ; le DEPARTEMENT D'INDRE-ET-LOIRE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 17 mai 1994 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a annulé, à la demande de Mme Lucette X..., les décisions des 27 octobre 1992 et 18 janvier 1993 par lesquelles le président du conseil général d'Indre-et-Loire lui a retiré, à compter du 30 octobre 1992, l'agrément d'assistante maternelle qui lui avait été accordé le 24 août 1970 et a condamné le DEPARTEMENT D'INDRE-ET-LOIRE à payer à Mme X... une somme de 3 000 F au titre des frais irrépétibles ;
2°) de rejeter la demande de Mme X... devant le tribunal administratif d'Orléans ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la famille et de l'aide sociale ;
Vu le décret n° 92-1051 du 29 septembre 1992 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Boissard, Auditeur,
- les conclusions de M. Bonichot, Commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que le jugement attaqué vise et analyse les conclusions des parties et notamment le mémoire par lequel le DEPARTEMENT D'INDRE-ET-LOIRE a sollicité la désignation d'un expert ; qu'eu égard au pouvoir d'appréciation dont il dispose pour ordonner une mesure éventuelle d'instruction, le tribunal administratif, après avoir indiqué les motifs qui justifiaient l'annulation de la décision de retrait d'agrément contestée devant lui a pu, sans entacher son jugement d'insuffisance de motifs, refuser de prescrire l'expertise sollicitée par le DEPARTEMENT D'INDRE-ET-LOIRE ; que ce refus, alors même que le litige est relatif au retrait de l'agrément d'une assistante maternelle habilitée à accueillir à son domicile des enfants, ne saurait être regardé comme méconnaissant les stipulations de l'article 3, paragraphe 1, de la convention relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 en vertu desquelles "l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale" dans toute décision le concernant ;
Sur la recevabilité des conclusions présentées par Mme X... devant le tribunal administratif d'Orléans :
Considérant, d'une part, que la demande de Mme X... enregistrée au greffe du tribunal administratif d'Orléans le 18 février 1993 et dirigée contre la décision du 27 octobre 1992 portant retrait de son agrément en qualité d'assistante maternelle, confirmée sur recours gracieux par une décision du 18 janvier 1993, comportait l'ensemble des mentions exigées par l'article R. 87 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ; qu'en particulier, contrairement à ce que soutient le DEPARTEMENT D'INDRE-ET-LOIRE, elle contenait l'énoncé d'un moyen mettant en cause la légalité de la décision contestée ;
Considérant, d'autre part, que, dans un mémoire complémentaire enregistré le 18 juin 1993, Mme X... a présenté des conclusions tendant à ce que le DEPARTEMENT D'INDRE-ET-LOIRE soit condamné à lui verser la somme de 4 000 F au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il est dans la nature de telles conclusions de pouvoir être directement présentées au juge à tout moment de la procédure et sans demande préalable, alors même qu'elles sont susceptibles d'entraîner pour la personne publique, défendeur à l'instance, l'obligation de supporter la charge des frais exposés par le demandeur ; que, si Mme X... s'est prévalue de l'article 700 du nouveau code de procédure civile au lieu de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, l'erreur ainsi commise, qui est sans incidence sur la règle de fond applicable, n'a pas affecté la recevabilité des conclusions qu'elle a présentées ;
Sur la légalité de la décision de retrait d'agrément :

Considérant que, dans sa rédaction issue de la loi du 12 juillet 1992, l'article 123-1 du code de la famille et de l'aide sociale dispose que l'agrément est accordé à la personne qui accueille habituellement des mineurs à son domicile moyennant rémunération "si les conditions d'accueil garantissent la santé, la sécurité et l'épanouissement des mineurs" ; que l'article 123-1-1, ajouté au même code par la loi précitée, énonce dans son troisième alinéa que "si les conditions de l'agrément cessent d'être remplies, le président du conseil général peut, après avis d'une commission consultative paritaire départementale, modifier le contenu de l'agrément ou procéder à son retrait" ; que le décret en Conseil d'Etat du 29 septembre 1992 qui, conformément aux prescriptions de l'article 123-4-1 du code, fixe les conditions d'application des articles 123-1 et suivants, dispose dans son article 2 que, pour obtenir l'agrément, la candidate ou le candidat doit : "1. Présenter les garanties nécessaires pour accueillir des mineurs dans des conditions propres à assurer leur développement physique, intellectuel et affectif ; 2. Passer un examen médical qui a pour objet de vérifier que son état de santé lui permet d'accueillir habituellement des mineurs ( ...) ; 3. Disposer d'un logement dont l'état, les dimensions et l'environnement permettent d'assurer le bien-être physique et la sécurité des mineurs ( ...)" ;
Considérant qu'il incombe à l'autorité administrative, lorsqu'elle décide de retirer une décision d'agrément en cours de validité, de se prononcer dans le respect des droits de la défense et d'établir que la personne titulaire de l'agrément ne satisfait pas, à la date de la décision de retrait, aux conditions auxquelles la délivrance de l'agrément est subordonnée ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, pour prononcer le retrait de l'agrément en qualité d'assistante maternelle dont Mme X... était titulaire depuis 1970, le président du conseil général d'Indre-et-Loire s'est fondé essentiellement sur un témoignage isolé et anonyme accusant l'intéressé d'intempérance, sans faire précéder sa décision d'un examen médical approprié ; qu'en estimant, au vu de ces éléments, que l'état de santé de Mme X... ne lui permettait plus d'accueillir des enfants à son domicile, l'autorité administrative n'a pas légalement justifié la décision de retrait prise le 27 octobre 1992 puis confirmée sur recours gracieux le 18 janvier 1993 ;
Considérant que si, à l'appui de son appel dirigé contre le jugement du tribunal administratif d'Orléans prononçant l'annulation de la décision de retrait d'agrément, le département produit une "expertise administrative" pratiquée le 21 juillet 1994, cet élément, postérieur à la date des décisions attaquées, est sans incidence sur leur légalité qui doit s'apprécier en fonction de la situation de droit et de fait existant lors de leur intervention ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il y ait lieu pour le Conseil d'Etat d'ordonner la mesure d'instruction sollicitée devant lui, que le DEPARTEMENT D'INDRE-ET-LOIRE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a annulé la décision de retrait d'agrément qui lui était déférée, ensemble la décision confirmative de ce retrait ;
Article 1er : La requête du DEPARTEMENT D'INDRE-ET-LOIRE est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au DEPARTEMENT D'INDRE-ET-LOIRE, à Mme Lucette X... et au ministre de l'emploi et de la solidarité.


Synthèse
Formation : 1 / 4 ssr
Numéro d'arrêt : 160583
Date de la décision : 18/03/1998
Type d'affaire : Administrative

Analyses

04-02-02 AIDE SOCIALE - DIFFERENTES FORMES D'AIDE SOCIALE - AIDE SOCIALE A L'ENFANCE.


Références :

Code de la famille et de l'aide sociale 123-1, 123-1-1, 123-4-1
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel R87, L8-1
Convention du 26 janvier 1990 New-York droits de l'enfant art. 3
Décret 92-1051 du 29 septembre 1992
Loi 92-642 du 12 juillet 1992
Nouveau code de procédure civile 700


Publications
Proposition de citation : CE, 18 mar. 1998, n° 160583
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Boissard
Rapporteur public ?: M. Bonichot

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1998:160583.19980318
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