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01/04/1998 | FRANCE | N°155015

France | France, Conseil d'État, 1 / 4 ssr, 01 avril 1998, 155015


Vu la requête, enregistrée le 7 janvier 1994 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Hugues X..., demeurant ... (La Réunion) ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement en date du 10 novembre 1993 par lequel le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion a, à la demande de Mme Michèle Y..., annulé l'arrêté du 4 février 1992 du préfet de la région et du département de la Réunion lui accordant une autorisation d'ouverture de pharmacie au lotissement de la Piscine, Bois de Nèfles à Saint-Paul de la Réunion ;
2°)

de rejeter la demande présentée par Mme Y... devant le tribunal administrat...

Vu la requête, enregistrée le 7 janvier 1994 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Hugues X..., demeurant ... (La Réunion) ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement en date du 10 novembre 1993 par lequel le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion a, à la demande de Mme Michèle Y..., annulé l'arrêté du 4 février 1992 du préfet de la région et du département de la Réunion lui accordant une autorisation d'ouverture de pharmacie au lotissement de la Piscine, Bois de Nèfles à Saint-Paul de la Réunion ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme Y... devant le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion ;
3°) de condamner Mme Y... à lui verser la somme de 15 000 F au titre des frais irrépétibles ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le décret n° 76-1072 du 17 novembre 1976 portant publication des accordsde coopération entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République du Sénégal, signé à Paris le 29 mars 1974 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. de la Ménardière, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Baraduc-Bénabent, avocat de M. Hugues X... et de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de Mme Michèle Y...,
- les conclusions de M. Bonichot, Commissaire du gouvernement ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la demande de première instance :
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 570 du code de la santé publique : "Toute ouverture d'une nouvelle officine, tout transfert d'une officine d'un lieu dans un autre sont subordonnés à l'octroi d'une licence délivrée par le représentant de l'Etat dans le département après avis du conseil régional de l'ordre des pharmaciens et du directeur régional des affaires sanitaires et sociales" ; qu'aux termes de l'avant-dernier alinéa de l'article L. 571 du même code applicable à la date de la décision attaquée : "Si les besoins de la population résidente et de la population saisonnière l'exigent, des dérogations à ces règles peuvent être accordées par le préfet après avis du chef de service régional des affaires sanitaires et sociales, du pharmacien inspecteur régional de la santé, du conseil régional de l'ordre des pharmaciens et des syndicats professionnels" ; qu'enfin, aux termes du premier alinéa de l'article L. 573 : "( ...) Pour chacun des départements de la Guadeloupe, de la Guyane française, de la Martinique et de la Réunion, le ministre de la santé publique fixe les conditions dans lesquelles les créations d'officines peuvent être autorisées par le préfet après avis du conseil central de la section E de l'ordre national des pharmaciens" ; que les conditions visées à l'article L. 573 du code de la santé publique ont été fixées par quatre arrêtés ministériels du 8 juillet 1949 concernant chacun un département d'outre-mer ; que ces arrêtés ont été abrogés par l'arrêté du 22 juin 1992 relatif aux créations et transferts d'officines dans les départements d'outre-mer et dans la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon qui prévoit cependant qu'à titre transitoire, les demandes dont les dossiers ont été déposés à la date de sa publication, soit le 1er juillet 1992, et qui n'ont pas encore fait l'objet d'une décision à cette date restent soumises aux dispositions prévues par l'arrêté du 8 juillet 1949 correspondant au département concerné ;
Considérant que le ministre de la santé a accordé à M. X..., par arrêté du 7 mars 1989, l'autorisation de créer, par voie dérogatoire, une officine de pharmacie dans la commune de Saint-Paul de la Réunion, quartier du Bois de Nèfles ; qu'à la suite de l'annulation de cet arrêté, par une décision du Conseil d'Etat statuant au contentieux en date du 18 décembre 1991, le préfet de la Réunion a, par arrêté du 4 février 1992, accordé une nouvelle autorisation par voie dérogatoire à M. X... pour le même emplacement ; que, par unjugement en date du 10 novembre 1993, le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion a annulé ce dernier arrêté ;
Sur les conclusions de M. X... dirigées contre le jugement attaqué en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à ce qu'il soit constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur la demande de première instance :

Considérant que si l'article 28 de la loi du 8 décembre 1992 a validé les décisions prises par le ministre chargé de la santé et les préfets des départements d'outre-mer relatives aux autorisations d'ouverture d'officine de pharmacie dans ces départements en tant qu'elles seraient contestées en raison de l'incompétence de leur auteur, cette disposition n'a pu avoir pour effet de faire revivre l'autorisation ministérielle du 7 mars 1989 annulée par le Conseil d'Etat et de priver d'effet juridique l'arrêté attaqué du 4 février 1992 ; que, par suite, M. X... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion a rejeté ses conclusions tendant à ce qu'il soit constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur la demande de Mme Y... ;
Sur la légalité de l'arrêté préfectoral du 4 février 1992 :
Considérant qu'en l'absence, après l'autorisation de création d'une officine accordée à M. X... le 7 mars 1989, de changement dans les circonstances de droit et de fait de nature à remettre en cause l'appréciation des besoins de la population à laquelle s'était livré l'auteur de cette décision, le préfet de la Réunion a pu légalement tenir compte, pour prendre son arrêté du 4 février 1992, des avis qui avaient été émis en 1988 et 1989 à l'occasion de l'arrêté du 7 mars 1989 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que pour annuler l'arrêté du préfet de la Réunion du 4 février 1992, le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion s'est fondé sur ce que, faute pour le préfet d'avoir procédé à de nouvelles consultations, son arrêté était intervenu à la suite d'une procédure irrégulière ;
Considérant toutefois qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme Y... devant le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion ;
Considérant que l'arrêté du préfet du 4 février 1992 est suffisamment motivé au regard des exigences de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs ;
Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la procédure à l'issue de laquelle est intervenu l'arrêté attaqué aurait été irrégulière ; qu'en particulier, aucun texte n'imposait la consultation du conseil national de l'ordre des médecins ; qu'en outre, le moyen tiré de ce que l'avis du pharmacien chargé de l'inspection de la pharmacie du 13 juillet 1988 aurait été signé non par celui-ci mais par le préfet manque en fait ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X... était, lors de sa demande d'autorisation de création d'une officine, titulaire du diplôme de pharmacie délivré par l'Université de Dakar le 4 juin 1985 et rendu valable de plein droit en France par l'effet de l'arrêté du ministre délégué auprès du ministre de l'éducation nationale, chargé de la recherche et de l'enseignement supérieur du 27 avril 1987 pris sur le fondement d'un accord de coopération en matière d'enseignement supérieur en date du 29 mars 1974 entre la France et le Sénégal ;qu'ainsi, le moyen tiré de ce que M. X... ne satisfaisait pas à la condition de diplôme lorsqu'il a présenté sa demande manque en fait ;

Considérant que M. X... justifiait d'une promesse de vente pour le local où il complait installer son officine ; qu'ainsi, Mme Y... n'est pas fondée à soutenir que l'intéressé ne disposait pas d'un titre régulier pour présenter sa demande ;
Considérant enfin qu'il ressort des pièces du dossier qu'eu égard au nombre important d'habitants dans le secteur Nord-Est de la commune de Saint-Paul où M. X... envisageait de créer son officine et du nombre réduit d'officines desservant ces habitants, les besoins de la population justifiaient la création d'une nouvelle officine ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion a annulé l'arrêté du préfet de la Réunion du 4 février 1992 ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de condamner Mme Y... à verser à M. X... la somme de 15 000 F qu'il demande au titre des frais engagés par lui et non compris dans les dépens ; que ces dispositions font, en revanche, obstacle à ce que M. X..., qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à payer à Mme Y... la somme qu'elle demande au titre des mêmes frais ;
Article 1er : Le jugement en date du 10 novembre 1993 du tribunal administratif de la Réunion est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme Y... devant le tribunal administratif de la Réunion et ses conclusions tendant à l'application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 3 : Mme Y... versera à M. X... la somme de 15 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Hugues X..., à Mme Michèle Y... et au ministre de l'emploi et de la solidarité.


Type d'affaire : Administrative

Analyses

55-03-04 PROFESSIONS - CHARGES ET OFFICES - CONDITIONS D'EXERCICE DES PROFESSIONS - PHARMACIENS.


Références :

Code de la santé publique L570, L571, L573
Loi 79-587 du 11 juillet 1979
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75
Loi 92-1279 du 08 décembre 1992 art. 28


Publications
Proposition de citation: CE, 01 avr. 1998, n° 155015
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. de la Ménardière
Rapporteur public ?: M. Bonichot

Origine de la décision
Formation : 1 / 4 ssr
Date de la décision : 01/04/1998
Date de l'import : 06/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 155015
Numéro NOR : CETATEXT000007984914 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;1998-04-01;155015 ?
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