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01/04/1998 | FRANCE | N°169280

France | France, Conseil d'État, 4 / 1 ssr, 01 avril 1998, 169280


Vu la requête, enregistrée le 10 mai 1995 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le préfet des Yvelines ; le préfet des Yvelines demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 3 avril 1995 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Versailles a annulé, à la demande de Mme Florence X..., son arrêté du 27 mars 1995 ordonnant le maintien de Mme X... dans un local ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée de 24 heures ;
2°) rejette la demande présentée par Mme X... devant le

tribunal administratif de Versailles ;
Vu les autres pièces du dossier ;
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Vu la requête, enregistrée le 10 mai 1995 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le préfet des Yvelines ; le préfet des Yvelines demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 3 avril 1995 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Versailles a annulé, à la demande de Mme Florence X..., son arrêté du 27 mars 1995 ordonnant le maintien de Mme X... dans un local ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée de 24 heures ;
2°) rejette la demande présentée par Mme X... devant le tribunal administratif de Versailles ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, modifiée ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Olson, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de Mme Florence X...,
- les conclusions de Mme Roul, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par un arrêté du 13 mars 1992, le préfet de Police a ordonné la reconduite à la frontière de Mme X... ; que cet arrêté, notifié le 18 avril 1992 à Mme X..., n'a reçu aucune exécution avant la décision du 27 mars 1995 par laquelle le préfet des Yvelines a ordonné le placement de Mme X... dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, en vue d'assurer l'exécution d'office de cet arrêté ;
Considérant que lorsqu'un arrêté de reconduite à la frontière a été dépourvu de mesure d'exécution pendant une durée anormalement longue, caractérisée par un changement de circonstances de fait ou de droit, et que ce retard est exclusivement imputable à l'administration, l'exécution d'office d'une reconduite à la frontière doit être regardée comme fondée non sur l'arrêté initial, même si celui-ci est devenu définitif faute d'avoir été contesté dans les délais, mais sur un nouvel arrêté de reconduite à la frontière dont l'existence est révélée par la mise en oeuvre de l'exécution d'office elle-même et qui doit être regardé comme s'étant substitué à l'arrêté initial ;
Considérant qu'en l'espèce près de trois années se sont écoulées entre l'intervention de l'arrêté du 13 mars 1992 ordonnant la reconduite à la frontière de Mme X... et la décision du 27 mars 1995 ordonnant son placement dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire en vue d'assurer l'exécution d'office dudit arrêté ; que, pendant cette période, Mme X... a donné naissance à un enfant de nationalité française ; qu'il ne ressort pas du dossier et n'est d'ailleurs pas allégué par le préfet des Yvelines, que le retard mis à exécuter l'arrêté de reconduite à la frontière du 13 mars 1992 trouverait son origine dans la volonté de l'intéressée de s'y soustraire ou dans une autre cause étrangère à l'autorité administrative ; que ce retard doit être ainsi regardé comme imputable à cette dernière ; que, dès lors, eu égard au changement intervenu dans la situation de Mme X... et à la durée de la période écoulée depuis la notification de l'arrêté du 13 mars 1992, le préfet des Yvelines, en prenant le 27 mars 1995, en sus d'une décision plaçant l'intéressée en rétention administrative, les mesures propres à assurer l'exécution de l'arrêté susmentionné du préfet de Police du 13 mars 1992, a pris une nouvelle mesure de reconduite à la frontière qui s'est substituée à l'arrêté initial et pouvait faire l'objet d'un recours contentieux ;
Considérant que la demande de Mme X... présentée devant le tribunal administratif de Versailles doit être regardée comme dirigée contre cette nouvelle mesure de reconduite à la frontière et contre la mesure de rétention qui l'accompagne ; que, d'une part, le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Versailles était compétent, en application de l'article R. 241-2 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, pour statuer sur l'ensemble des conclusions de cette demande ; que, d'autre part, il ne s'est pas mépris sur leur portée ;

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 susvisée, ne peut faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière, en application de l'article 22 de la même ordonnance, "l'étranger qui est père ou mère d'un enfant français résidant en France, à la condition qu'il exerce, même partiellement, l'autorité parentale à l'égard de cet enfant ou qu'il subvienne effectivement à ses besoins" ; qu'il ressort des pièces du dossier que, comme il a été dit ci-dessus, Mme X... est mère d'un enfant de nationalité française né le 9 mai 1994, résidant en France ; qu'il n'est pas contesté que Mme X... exerce l'autorité parentale à l'égard de cet enfant ; que cette circonstance faisait légalement obstacle à ce que le préfet des Yvelines prît à l'encontre de Mme X... le 27 mars 1995 la mesure de reconduite à la frontière susmentionnée ; que cette mesure, étant entachée d'illégalité, ne pouvait légalement fonder la décision du même jour ordonnant la mise en rétention administrative de l'intéressée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet des Yvelines n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Versailles a annulé sa décision du 27 mars 1995 ordonnant la reconduite à la frontière de Mme X... et la mesure de mise en rétention administrative prise à l'encontre de l'intéressée ;
Article 1er : La requête susvisée du préfet des Yvelines est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au préfet des Yvelines, à Mme Florence X... et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 4 / 1 ssr
Numéro d'arrêt : 169280
Date de la décision : 01/04/1998
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours pour excès de pouvoir

Analyses

- RJ1 ETRANGERS - RECONDUITE A LA FRONTIERE - Mesures d'exécution - Arrêté dépourvu de mesure d'exécution pendant une durée anormalement longue - Retard imputable à l'administration - Exécution d'office de la reconduite à la frontière à l'issue de ce délai - Mesure fondée non sur l'arrêté initial mais sur un nouvel arrêté (1).

335-03, 54-01-07-06 Lorsqu'un arrêté de reconduite à la frontière a été dépourvu de mesure d'exécution pendant une durée anormalement longue, caractérisée par un changement de circonstances de fait ou de droit, et que ce retard est exclusivement imputable à l'administration, l'exécution d'office d'une reconduite à la frontière doit être regardée comme fondée non sur l'arrêté initial, même si celui-ci est devenu définitif, mais sur un nouvel arrêté de reconduite à la frontière, dont l'existence est révélée par la mise en oeuvre de l'exécution d'office et qui doit être regardé comme s'étant substitué à l'arrêté initial. En l'espèce, le retard mis à exécuter l'arrêté doit être regardé comme imputable à l'administration ; eu égard au changement intervenu dans la situation de l'intéressée, qui a donnée naissance à un enfant de nationalité française, et à la durée, de près de trois ans, de la période écoulée depuis la notification de l'arrêté initial, le préfet, en prenant les mesures propres à assurer l'exécution de cet arrêté, a pris une nouvelle mesure de reconduite à la frontière qui s'est substituée au premier arrêté et pouvait faire l'objet d'un recours contentieux.

- RJ1 PROCEDURE - INTRODUCTION DE L'INSTANCE - DELAIS - REOUVERTURE DES DELAIS - Existence - Arrêté dépourvu de mesure d'exécution pendant une durée anormalement longue - Exécution d'office de la reconduite à la frontière à l issue de ce délai - Mesure fondée non sur l'arrêté initial mais sur un nouvel arrêté (1).


Références :

Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel R241-2
Ordonnance 45-2658 du 02 novembre 1945 art. 25

1.

Cf. CE, 1998-02-18, Préfet des Alpes-Maritimes, à paraître aux tables du Recueil


Publications
Proposition de citation : CE, 01 avr. 1998, n° 169280
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : Mme Aubin
Rapporteur ?: M. Olson
Rapporteur public ?: Mme Roul
Avocat(s) : SCP Waquet, Farge, Hazan, Avocat

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1998:169280.19980401
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