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08/04/1998 | FRANCE | N°169012

France | France, Conseil d'État, 8 / 9 ssr, 08 avril 1998, 169012


Vu la requête sommaire enregistrée le 28 avril 1995 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la Confédération générale du travail-Force ouvrière, dont le siège est ... et la Fédération de l'équipement des transports et des services, dont le siège est ... ; la Confédération générale du travail-Force ouvrière et la Fédération de l'équipement des transports et des services demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêté du 20 février 1995 du ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle et du ministre de l'équipement

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Vu la requête sommaire enregistrée le 28 avril 1995 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la Confédération générale du travail-Force ouvrière, dont le siège est ... et la Fédération de l'équipement des transports et des services, dont le siège est ... ; la Confédération générale du travail-Force ouvrière et la Fédération de l'équipement des transports et des services demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêté du 20 février 1995 du ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle et du ministre de l'équipement, des transports et du tourisme, portant extension d'un avenant à la convention collective nationale du personnel au sol des entreprises de transport aérien ;
2°) de condamner l'Etat à leur verser la somme de 15 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Struillou, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Arrighi de Casanova, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 132-7 du code du travail : " La convention et l'accord collectif de travail prévoient dans quelle forme et à quelle époque ils pourront être renouvelés ou révisés. - Les organisations syndicales de salariés représentatives au sens de l'article L.132-2 qui sont signataires d'une convention ou d'un accord collectif de travail ou qui y ont adhéré conformément aux dispositions de l'article L. 132-9 du présent code sont seules habilitées à signer les avenants portant révision de cette convention ou de cet accord. - Sous réserve de l'exercice du droit d'opposition prévu par les I à III du présent article, l'avenant portant révision de tout ou partie de la convention ou de l'accord collectif, signé par une ou plusieurs organisations syndicales de salariés visées à l'alinéa précédent, se substitue de plein droit aux stipulations de la convention ou de l'accord qu'il modifie et est opposable ... à l'ensemble des employeurs et des salariés liés par la convention ou l'accord collectif de travail. - I. Les avenants de révision susceptibles d'ouvrir droit à opposition dans les conditions fixées aux II et III ci-après sont, à l'exclusion de tous autres, ceux qui réduisent ou suppriment un ou plusieurs avantages individuels ou collectifs dont bénéficient les salariés en application de la convention ou de l'accord qui les fondent ... III. Les organisations syndicales de salariés représentatives au sens de l'article L. 132-2, signataires ou adhérentes d'une convention de branche ou d'un accord professionnel ou interprofessionnel, peuvent s'opposer à l'entrée en vigueur d'un avenant portant révision de cette convention ou de cet accord dans un délai de quinze jours à compter de la date de sa signature ... - L'opposition ne peut produire effet que lorsqu'elle émane de la majorité des organisations syndicales ainsi définies. - Les dispositions du présent paragraphe ne sont applicables qu'à défaut de stipulations différentes concernant la révision des conventions et accords conclus par l'ensemble des organisations représentatives liées par ces conventions et accords. IV. L'opposition est exprimée par écrit et motivée. Elle précise les points de désaccord. Elle est notifiée aux signataires. - Les textes frappés d'opposition sont réputés non écrits ..." ;

Considérant que la Fédération nationale de l'aviation marchande, la Fédération nationale de l'aviation civile CFTC et la Fédération de l'aviation civile CFE-CGC ont signé, le 30 juillet 1993, un avenant n° 51, relatif au travail à temps partiel, à la convention collective nationale du personnel au sol des entreprises de transport aérien du 22 mai 1959, étendue par arrêté du 10 janvier 1964 ; que, le 13 août 1993, la Fédération nationale des syndicats de transports CGT, la Fédération de l'équipement, des transports et des services de la CGT-FO et la Fédération générale des transports et de l'équipement CFDT, signataires ou adhérentes de la convention collective nationale du 22 mai 1959, ont entendu, sur le fondement des dispositions ci-dessus rappelées de l'article L. 132-7 du code du travail, faire opposition à l'entrée en vigueur de l'avenant n° 51 ; que les organisations signataires de cet avenant en ont, de leur côté, demandé son extension ; que, par un arrêté du 20 février 1995, publié au Journal Officiel de la République française du 28 février 1995, l'avenant a été rendu obligatoire pour tous les employeurs et tous les salariés compris dans le champ d'application de la convention collective nationale ; que la Confédération générale du travail-Force ouvrière, et la Fédération de l'équipement des transports et des services demandent l'annulation de cet arrêté ;
Considérant que celui-ci a été signé, au nom du ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle, par M. X..., directeur des relations du travail, qui avait, par arrêté du 9 avril 1993, reçu délégation pour signer tous actes et arrêtés, et, au nom du ministre de l'équipement du transports et du tourisme, par M. Y..., sousdirecteur à la direction générale de l'aviation civile, qui avait, par décret du 2 décembre 1993, reçu délégation à l'effet de signer tous arrêtés, en cas d'absence ou d'empêchement du directeur général de l'aviation civile et du directeur des ressources humaines et des affaires financières ; que, par suite, le moyen tiré de ce que MM. X... et Y... étaient incompétents pour signer l'arrêté attaqué doit être écarté ;
Considérant, qu'en vertu de l'article L. 133-8 du code du travail, le ministre chargé du travail lorsqu'il est saisi, par l'une des organisations représentatives visées à l'article L. 133-1 du même code, d'une demande tendant à l'extension d'une convention de branche ou d'un accord professionnel ou interprofessionnel, doit, obligatoirement et sans délai, engager la procédure d'extension ; que, dans le cas où une ou des organisations syndicales de salariés ont fait opposition à l'entrée en vigueur d'un avenant qu'elles n'ont pas signé, mais dont l'extension a été demandée, il appartient au ministre chargé du travail de déterminer si cette opposition fait ou non obstacle à ce que l'avenant soit étendu ; que, par suite, les ministres ont pu, sans entacher l'arrêté attaqué de détournement de pouvoir ni empiéter sur la compétence de l'autorité judiciaire, rechercher si les conditions mises par l'article L. 132-7 précité à l'exercice du droit d'opposition étaient, en l'espèce, satisfaites et vérifier, notamment, si l'avenant n° 51 était ou non de ceux qui sont susceptibles d'ouvrir droit à opposition ;

Considérant qu'il résulte des termes mêmes de l'article L. 132-7 que seuls les avenants de révision réduisant ou supprimant un ou plusieurs avantages individuels ou collectifs dont bénéficient les salariés en application de la convention qui les fondent peuvent être frappés d'opposition par les organisations syndicales représentatives de salariés signataires ou adhérentes de la convention ;
Considérant qu'aux termes de l'article 17 de la convention collective nationale de travail du personnel au sol des entreprises de transport aérien : "La durée du travail dans les entreprises visées par la présente convention est régie par la législation en vigueur (loi du 21 juin 1936 et textes subséquents, décret n° 49-469 du 4 avril 1949)" ; qu'il résulte clairement de cet article, qui se borne à renvoyer, en matière de durée du travail, à la législation en vigueur, que la convention collective précitée ne comportait, jusqu'à la signature de l'avenant n° 51, aucune stipulation ayant reconnu, au bénéfice des salariés qu'elle concerne, un avantage individuel ou collectif de nature conventionnelle dans le domaine du travail à temps partiel ; que l'avenant n° 51, relatif au travail à temps partiel, n'a donc pu avoir pour effet de réduire ou de supprimer un avantage individuel ou collectif fondé sur la convention collective nationale du 22 mai 1959 ; que, par suite, cet avenant n'était pas de ceux qui, en vertu du I de l'article L. 132-7, sont susceptibles d'être frappés d'opposition ; qu'ainsi et, en tout état de cause, il ne pouvait être réputé non écrit ;
Considérant que le moyen tiré de la méconnaissance des principes généraux du droit relatifs à la représentativité des organisations syndicales n'est pas assorti des précisions qui permettraient d'en apprécier le bien fondé ;
Considérant, enfin, que la circulaire n° 8/93 du 16 mars 1993, relative à la révision des conventions et accords collectifs de travail, se borne à commenter les dispositions législatives applicables, en ce qui concerne les effets juridiques des avenants de révision frappés d'opposition ; que la Confédération générale du travail-Force ouvrière et la Fédération de l'équipement des transports et des services ne peuvent, donc, en tout état de cause, s'en prévaloir utilement au soutien de leur requête ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la Confédération générale du travail-Force ouvrière et la Fédération de l'équipement des transports et des services ne sont pas fondées à demander l'annulation de l'arrêté attaqué du 20 février 1995 ;
Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à la Confédération générale du travail-Force ouvrière et à la FEDERATION DE l'équipement des transports et des services la somme qu'elles demandent au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête de la Confédération générale du travail - Force ouvrière et de la Fédération de l'équipement des transports et des services est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la Confédération générale du travail - Force ouvrière, à la Fédération de l'équipement des transports et des services, au ministre de l'emploi et de la solidarité et au ministre de l'équipement, des transports et du logement.


Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours pour excès de pouvoir

Analyses

66-02-02-04 TRAVAIL ET EMPLOI - CONVENTIONS COLLECTIVES - EXTENSION DES CONVENTIONS COLLECTIVES - EXTENSION D'AVENANTS A UNE CONVENTION COLLECTIVE -Procédure d'opposition (article 132-7 du code du travail) - a) Compétence du ministre chargé du travail pour vérifier que les conditions mises à l'exercice du droit d'opposition sont satisfaites - b) Avenants susceptibles de faire l'objet d'une opposition - Avenants réduisant ou supprimant un avantage prévu par la convention modifiée - Absence en l'espèce.

66-02-02-04 a) Il appartient au ministre chargé du travail de déterminer si l'opposition à l'entrée en vigueur d'un avenant à une convention collective exprimée, comme l'article L.132-7 du code du travail en prévoit la possibilité, par une ou plusieurs organisations syndicales de salariés qui n'ont pas signé cet avenant, fait obstacle à l'extension de celui-ci, et donc de vérifier si les conditions mises par l'article L.132-7 à l'exercice du droit d'opposition sont satisfaites. b) Il résulte des termes de l'article L.132-7 du code du travail que seuls les avenants de révision réduisant ou supprimant un ou plusieurs avantages individuels ou collectifs dont bénéficient les salariés en application de la convention qui les fondent peuvent être frappés d'opposition par les organisations syndicales représentatives de salariés signataires ou adhérentes de la convention. Tel n'est pas le cas d'un avenant relatif au travail à temps partiel lorsque les stipulations de la convention collective en cause se bornent, dans ce domaine, à renvoyer à la législation en vigueur, et ne sauraient donc être regardées comme reconnaissant un avantage individuel ou collectif de nature conventionnelle.


Références :

Arrêté du 10 janvier 1964
Arrêté du 09 avril 1993
Arrêté ministériel du 20 février 1995 travail décision attaquée confirmation
Circulaire du 16 mars 1993
Code du travail L132-7, L133-8, L133-1
Décret du 02 décembre 1993
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75


Publications
Proposition de citation: CE, 08 avr. 1998, n° 169012
Publié au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Groux
Rapporteur ?: M. Struillou
Rapporteur public ?: M. Arrighi de Casanova

Origine de la décision
Formation : 8 / 9 ssr
Date de la décision : 08/04/1998
Date de l'import : 06/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 169012
Numéro NOR : CETATEXT000007962742 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;1998-04-08;169012 ?
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