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27/04/1998 | FRANCE | N°183574

France | France, Conseil d'État, 1 / 4 ssr, 27 avril 1998, 183574


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 12 novembre 1996 et 13 mars 1997 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le SYNDICAT DES MEDECINS LIBERAUX, dont le siège est ..., représenté par son président en exercice ; le SYNDICAT DES MEDECINS LIBERAUX demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 11 septembre 1996 pris pour l'application de l'article L. 162-31-1 du code de la sécurité sociale relatif aux filières et réseaux de soins expérimentaux et modifiant le même code ;
2°) de conda

mner l'Etat à lui verser la somme de 10 000 F au titre de l'article 75-I d...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 12 novembre 1996 et 13 mars 1997 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le SYNDICAT DES MEDECINS LIBERAUX, dont le siège est ..., représenté par son président en exercice ; le SYNDICAT DES MEDECINS LIBERAUX demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 11 septembre 1996 pris pour l'application de l'article L. 162-31-1 du code de la sécurité sociale relatif aux filières et réseaux de soins expérimentaux et modifiant le même code ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 10 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution du 4 octobe 1958 ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu la loi n° 95-1348 du 30 décembre 1995 autorisant le gouvernement, par application de l'article 38 de la Constitution, à réformer la protection sociale ;
Vu l'ordonnance n° 96-345 du 24 avril 1996 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Boissard, Auditeur,
- les observations de la SCP Richard, Mandelkern, avocat du SYNDICAT DES MEDECINS LIBERAUX,
- les conclusions de Mme Maugüé, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes des dispositions relatives aux filières et réseaux de soins de l'article L. 162-31-1 inséré dans le code de la sécurité sociale par l'article 6 de l'ordonnance du 24 avril 1996 : "I. Pendant une durée de cinq ans à compter de la publication de l'ordonnance du 24 avril 1996, des actions expérimentales sont menées dans le domaine médical ou médico-social sur l'ensemble du territoire, en vue de promouvoir, avec l'accord du bénéficiaire de l'assurance maladie concerné, des formes nouvelles de prise en charge des patients et d'organiser un accès plus rationnel au système de soins ainsi qu'une meilleure coordination dans cette prise en charge, qu'il s'agisse de soins ou de prévention. / Ces actions peuvent consister à mettre en oeuvre : 1° Des filières de soins organisées à partir des médecins généralistes, chargés du suivi médical et de l'accès des patients au système de soins ; / 2° Des réseaux de soins expérimentaux ( ...) / Les projets d'expérimentation peuvent être présentés par toute personne physique ou morale. Ils sont agréés par l'autorité compétente de l'Etat, compte tenu de leur intérêt médical et économique, après avis d'un conseil d'orientation comprenant notamment des représentants des organismes d'assurance maladie ainsi que des professions et établissements de santé. ( ...) III. Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret en Conseil d'Etat" ;
Considérant que, pour demander l'annulation du décret du 11 septembre 1996 relatif aux filières et réseaux de soins expérimentaux pris en application de l'article L. 162-31-1 du code de la sécurité sociale, le SYNDICAT DES MEDECINS LIBERAUX conteste par la voie de l'exception la légalité des dispositions précitées de l'ordonnance du 24 avril 1996 en tant qu'elles concernent les filières et réseaux de soins ;
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte du texte même des dispositions précitées de l'article L. 162-31-1 que n'auront recours aux filières de soins que des bénéficiaires de l'assurance maladie qui auront donné leur accord ; qu'aucune disposition de l'ordonnance ou du décret, ne prévoit que cet accord aurait un caractère irrévocable ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la mise en place des filières de soins méconnaîtrait le principe de libre choix du médecin par le malade doit être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, que les dispositions précitées de l'article L. 162-31-1, qui se bornent à prévoir que les filières de soins seront organisées à partir des médecins généralistes chargés du suivi médical et de l'accès des patients au système de soins n'ont pas par elles-mêmes pour effet d'instituer une différence de traitement entre les médecins spécialistes ; qu'il ne saurait, par ailleurs, être fait grief aux auteurs de l'ordonnance et du décret attaqué de n'avoir pas défini les modalités de participation aux filières de soins des spécialistes dits de premier recours, lesquelles devront être fixées, le cas échéant, par les conventions, qui, aux termes des articles R. 162-50-1 et R. 162-50-5, insérés dans le code de la sécurité sociale par l'article 2 du décret attaqué, seront passées, d'une part, entre l'Etat et les caisses nationales d'assurance maladie, d'autre part, entre les promoteurs des actions expérimentales et les organismes d'assurance maladie et qui seront, pour ces dernières, soumises à l'agrément des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale ; que, par suite, le syndicat requérant n'est pas fondé à soutenir que les auteurs de l'ordonnance auraient porté atteinte au principe d'égalité ;
Considérant, en troisième lieu, que, si les dispositions précitées de l'article L. 162-31-1, qui prévoient que les projets de filières de soins pourront être présentés par toute personne physique ou morale, n'excluent pas que des organismes privés à but lucratif puissent organiser des filières de soins, ces dispositions n'ont par elles-mêmes ni pour objet ni pour effet de déroger au principe de l'indépendance professionnelle et morale des médecins consacré par l'article L. 162-2 du code de la sécurité sociale, dont le respect devra être garanti par le fonctionnement des filières de soins ; qu'ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance du principe de l'indépendance professionnelle et morale des médecins doit être écarté ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le SYNDICAT DES MEDECINS LIBERAUX n'est pas fondé à demander l'annulation du décret du 11 septembre 1996 ;
Sur les conclusions du SYNDICAT DES MEDECINS LIBERAUX tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à payer au SYNDICAT DES MEDECINS LIBERAUX la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête du SYNDICAT DES MEDECINS LIBERAUX est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au SYNDICAT DES MEDECINS LIBERAUX, au Premier ministre et au ministre de l'emploi et de la solidarité.


Synthèse
Formation : 1 / 4 ssr
Numéro d'arrêt : 183574
Date de la décision : 27/04/1998
Type d'affaire : Administrative

Analyses

62-02-01-01 SECURITE SOCIALE - RELATIONS AVEC LES PROFESSIONS ET LES ETABLISSEMENTS SANITAIRES - RELATIONS AVEC LES PROFESSIONS DE SANTE - MEDECINS -Organisation de filières de soins - a) Principe de libre choix du médecin par le malade - Méconnaissance - Absence - b) Principe de l'indépendance professionnelle et morale des médecins - Méconnaissance - Absence.

62-02-01-01 a) Il résulte du texte même des dispositions de l'article L.162-31-1, inséré dans le code de la sécurité sociale par l'article 6 de l'ordonnance n°96-345 du 24 avril 1996, que n'auront recours aux filières de soins, organisées à partir des médecins généralistes, chargés du suivi médical et de l'accès des patients au système de soins, que des bénéficiaires de l'assurance maladie qui auront donné leur accord. Aucune disposition de l'ordonnance ou du décret attaqué ne prévoit que cet accord aurait un caractère irrévocable. La mise en place des filières de soins ne méconnaît donc pas le principe de libre choix du médecin par le malade. b) Si les dispositions de l'article L.162-31-1, qui prévoient que les projets de filières de soins pourront être présentés par toute personne physique ou morale, n'excluent pas que des organismes privés à but lucratif puissent organiser des filières de soins, ces dispositions n'ont par elles-mêmes ni pour objet ni pour effet de déroger au principe de l'indépendance professionnelle et morale des médecins consacré par l'article L.162-2 du code de la sécurité sociale, dont le respect devra être garanti par le fonctionnement des filières de soins. Le principe de l'indépendance professionnelle et morale des médecins n'est donc pas méconnu.


Références :

Code de la sécurité sociale L162-31-1, L162-2
Décret 96-788 du 11 septembre 1996 art. 2
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75
Ordonnance 96-345 du 24 avril 1996 art. 6


Publications
Proposition de citation : CE, 27 avr. 1998, n° 183574
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : Mme Aubin
Rapporteur ?: Mme Boissard
Rapporteur public ?: Mme Maugüé

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1998:183574.19980427
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