Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 12 novembre 1996 et 13 mars 1997 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'UNION DES PROFESSIONS DE SANTE LIBERALES "S.O.S. ACTION SANTE", dont le siège est BP 194 à Beaune (21205 Cedex), représentée par ses dirigeants légaux en exercice et le SYNDICAT DES MEDECINS D'AIX ET REGION, dont le siège est ..., représenté par ses dirigeants légaux en exercice ; l'UNION DES PROFESSIONS DE SANTE LIBERALES "S.O.S. ACTION SANTE" et le SYNDICAT DES MEDECINS D'AIX ET REGION demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 96-785 du 10 septembre 1996 relatif à l'expertise technique spécifique prévue à l'article L. 141-2-1 du code de la sécurité sociale et modifiant le même code (deuxième partie : Décrets en Conseil d'Etat) ;
2°) de condamner l'Etat à leur verser la somme de 12 000 F au titre de l'article 75-I de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution du 4 octobre 1958 ;
Vu le code de la sécurité sociale, notamment son article L. 141-2-1 ;
Vu le nouveau code de procédure civile ;
Vu le décret n° 74-1184 du 312 décembre 1974 relatif aux experts judiciaires ;
Vu le décret n° 95-1000 du 6 septembre 1995 portant code de déontologie médicale ;
Vu l'arrêté du 28 janvier 1986 modifié à la commission permanente de la nomenclature générale des actes professionnels des médecins, chirurgiens-dentistes, sages-femmes et auxiliaires médicaux ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Boissard, Auditeur,
- les observations de la SCP Richard, Mandelkern, avocat de l'UNION DES PROFESSIONS DE SANTE LIBERALES "S.O.S. ACTION SANTE" et du SYNDICAT DES MEDECINS D'AIX ET REGION,
- les conclusions de Mme Maugüé, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par le garde des sceaux, ministre de la justice :
Considérant, que bien qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne lui en fît obligation, le gouvernement a, préalablement à l'intervention du décret attaqué relatif à l'expertise technique spécifique que peut ordonner le tribunal des affaires de sécurité sociale, procédé à la consultation du conseil d'administration de la caisse nationale d'assurance maladie et maternité des travailleurs non salariés des professions non agricoles et au conseil central d'administration de la mutualité sociale agricole ; qu'il n'est pas allégué que cette double consultation aurait été effectuée dans des conditions irrégulières ; qu'ainsi, le vice de procédure invoqué ne peut qu'être écarté ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 141-2-1 inséré dans le code de la sécurité sociale par l'article 14 de l'ordonnance du 24 avril 1996 relative à la maîtrise médicalisée des dépenses de soins : "( ...) Les contestations portant sur l'application par les professionnels de santé des nomenclatures d'actes professionnels et d'actes de biologie médicale peuvent donner lieu, à la demande du juge, à une expertise technique spécifique, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat" ;
Considérant que l'article R. 142-24-3, inséré dans le code de la sécurité sociale par l'article 2 du décret attaqué, dispose que le tribunal peut ordonner une telle expertise "lorsque le différend fait apparaître en cours d'instance une difficulté d'ordre technique portant surl'interprétation des dispositions de la nomenclature générale des actes professionnels ou de la nomenclature des actes de biologie médicale" ;
Considérant que le pouvoir réglementaire, compétent en vertu de l'article 37 de la Constitution pour définir les règles relatives à la procédure civile, pouvait prévoir la possibilité pour le tribunal des affaires de sécurité sociale d'ordonner une expertise lorsqu'apparaîtrait une difficulté d'ordre technique relative à l'interprétation des dispositions des nomenclatures d'actes professionnels et d'actes de biologie médicale, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que le tribunal a compétence pour interpréter ces actes, qui ont le caractère d'actes administratifs réglementaires ; que, par ailleurs, les dispositions contestées de l'article R. 142-24-3 du code de la sécurité sociale ne méconnaissent pas les dispositions précitées de l'article L. 141-2-1 du code de la sécurité sociale ;
Considérant qu'eu égard à la nature des dispositions de la nomenclature générale des actes professionnels, les dispositions du décret attaqué en vertu desquelles des médecins pourront être inscrits en tant qu'experts sur la liste nationale visée à l'article 1er du décret du 31 décembre 1974 relatif aux experts judiciaires sous la rubrique "experts spécialisés en matière de nomenclatures d'actes professionnels et d'actes de biologie médicale", ne sont pas contraires aux dispositions de l'article 106 du décret du 6 septembre 1995 portant code de déontologie médicale, aux termes duquel : "Lorsqu'il est investi d'une mission, le médecin expert doit se récuser s'il estime que les questions qui lui sont posées sont étrangères à la technique proprement médicale, à ses connaissances, à ses possibilités ( ...)" ; qu'ainsi, et en tout état de cause, le moyen tiré de la violation du décret du 6 septembre 1995 portant code de déontologie médicale doit être écarté ;
Considérant que le décret attaqué a la même force juridique que le décret du 5 décembre 1975 instituant un nouveau code de procédure civile ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que le décret attaqué méconnaîtrait les articles 232 et 238 du nouveau code de procédure civile est inopérant ;
Considérant qu'il ne peut être utilement soutenu que le décret serait illégal en ce qu'il méconnaîtrait les missions de la commission permanente de la nomenclature générale des actes professionnels, dès lors que l'institution de la commission et la définition de ses missions résultent de l'arrêté du 28 janvier 1986 modifié relatif à la commission permanente de la nomenclature générale des actes professionnels des médecins, chirurgiens-dentistes, sages-femmes et auxiliaires médicaux ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'UNION DES PROFESSIONS DE SANTE LIBERALES "S.O.S. ACTION SANTE" et le SYNDICAT DES MEDECINS D'AIX ET REGION ne sont pas fondés à demander l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 10 septembre 1996 relatif à l'expertise technique spécifique prévue à l'article L. 141-2-1 du code de la sécurité sociale et modifiant le même code (deuxième partie : Décrets en Conseil d'Etat) ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que l'UNION DES PROFESSIONS DE SANTE LIBERALES "S.O.S. ACTION SANTE" et le SYNDICAT DES MEDECINS D'AIX ET REGION demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête de l'UNION DES PROFESSIONS DE SANTE LIBERALES "S.O.S. ACTION SANTE" et du SYNDICAT DES MEDECINS D'AIX ET REGION est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'UNION DES PROFESSIONS DE SANTE LIBERALES "S.O.S. ACTION SANTE", au SYNDICAT DES MEDECINS D'AIX ET REGION, au Premier ministre, au ministre de l'emploi et de la solidarité, au garde des sceaux, ministre de la justice, au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et au ministre de l'agriculture et de la pêche.