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20/05/1998 | FRANCE | N°155738

France | France, Conseil d'État, 8 / 9 ssr, 20 mai 1998, 155738


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 2 février et 1er juin 1994, présentés pour la SARL SOCIETE D'EXPLOITATION DES CARBURANTS, dont le siège est Centre commercial de Marnac, à Ramonville-Saint-Agne (35120) ; la société demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 30 novembre 1993 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté sa requête dirigée contre le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 17 avril 1991, rejetant sa demande en décharge des suppléments d'impôt sur l

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Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 2 février et 1er juin 1994, présentés pour la SARL SOCIETE D'EXPLOITATION DES CARBURANTS, dont le siège est Centre commercial de Marnac, à Ramonville-Saint-Agne (35120) ; la société demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 30 novembre 1993 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté sa requête dirigée contre le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 17 avril 1991, rejetant sa demande en décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés et des compléments de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre, respectivement, des années 1982 à 1984 et de la période du 1er janvier 1982 au 31 décembre 1985 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu l'article 18 de la loi n° 86-824 du 11 juillet 1986 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mlle Mignon, Auditeur,
- les observations de Me Ricard, avocat de la société à responsabilité limitée SOCIETE D'EXPLOITATION DES CARBURANTS,
- les conclusions de M. Arrighi de Casanova, Commissaire du gouvernement ;

Considérant, en premier lieu, que le 1 de l'article 18 de la loi n° 86-824 du 11 juillet 1986, portant loi de finances rectificative pour 1986, dont les dispositions ayant trait, d'une part, à l'impôt sur le revenu et à l'impôt sur les sociétés, d'autre part, aux taxes sur le chiffre d'affaires ont été, respectivement, reprises aux articles L.169 et L. 176 du livre des procédures fiscales, a fixé à la fin de la troisième année, et non plus, comme précédemment, de la quatrième année suivant celle au titre de laquelle l'imposition est due ou celle au cours de laquelle la taxe est devenue exigible, le terme du délai dans lequel l'administration fiscale peut réparer les omissions totales ou partielles constatées dans l'assiette de l'un ou de l'autre de ces impôts, ainsi que les insuffisances, inexactitudes ou erreurs d'imposition ; que le IV du même article 18 de la loi du 11 juillet 1986, dont les dispositions ont été, sur ce point, reprises au 1° de l'article L.168 A du livre des procédures fiscales, a cependant maintenu la possibilité pour l'administration d'exercer son droit de reprise jusqu'à la fin de la quatrième année suivant celle au titre de laquelle l'imposition est due ou au cours de laquelle la taxe est devenue exigible à l'égard des contribuables ayant fait l'objet d'une vérification de comptabilité ou d'une vérification approfondie de situation fiscale d'ensemble en vue de laquelle l'envoi ou la remise de l'avis de vérification prévu par l'article L.47 du même livre, a été effectué à une date antérieure au 2 juillet 1986 ; que le ministre a néanmoins indiqué, dans sa réponse du 3 novembre 1986 à une question posée par M. X..., député, qu'il avait donné instruction à ses services d'appliquer le nouveau délai de reprise limité à trois ans "aux opérations qui auront effectivement commencé après le 1er juillet 1986, bien que l'avis de vérification ait été adressé au contribuable avant cette date" ; qu'une instruction du 4 mai 1987, publiée au bulletin officiel des impôts sous la référenc e 13 L-2-87 a précisé les conditions et modalités de mise en oeuvre de cette "mesure d'adaptation de l'entrée effective du nouveau délai de reprise" ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à la suite d'une vérification de comptabilité de la SOCIETE D'EXPLOITATION DES CARBURANTS, portant sur les années 1982 à 1985, le service a estimé que la vente, par appartements, de l'immeuble à usage d'hôtel exploité par cette société, avait été à tort regardée comme une cession d'éléments de l'actif immobilisé, imposable selon le régime des plus-values à long terme ; que l'administration a soumis cette vente à la taxe sur la valeur ajoutée et a réintégré le profit que la société avait réalisé à cette occasion dans son bénéfice d'exploitation ; que, pour contester le bien fondé des impositions supplémentaires mises à sa charge en conséquence de ces redressements, au motif qu'elles étaient prescrites, la SOCIETE D'EXPLOITATION DES CARBURANTS s'est prévalue, sur le fondement du premier alinéa de l'article L.80A du livre des procédures fiscales aux termes duquel : "Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi parl'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration ...", des termes de la réponse ministérielle du 3 novembre 1986 et de l'instruction administrative du 4 mai 1987, précitées, en faisant valoir qu'à la date du 18 décembre 1986, à laquelle les redressements dont procèdent ces impositions lui ont été notifiés, le délai de reprise de l'administration, ramené à trois ans du fait que la vérification de comptabilité, précédée de l'envoi d'un avis de vérification daté du 9 juin 1986, n'avait commencé qu'après le 1er juillet 1986, était expiré ;
Considérant qu'en jugeant que les instructions administratives et réponses ministérielles relatives à la prescription du droit de reprise de l'administration ne constituent pas une "interprétation du texte fiscal", au sens de l'article L.80A du livre des procédures fiscales, précité, la cour administrative d'appel de Bordeaux a commis une erreur de droit ; qu'il ressort, toutefois, des pièces du dossier soumis à cette cour que les impositions primitives assignées à la SOCIETE D'EXPLOITATION DES CARBURANTS avaient été mises en recouvrement à une date antérieure à celle de la réponse ministérielle à M. X... et de l'instruction n° 13 L-2-87 ; que celles-ci ne pouvaient donc, en tout état de cause, être utilement invoquées par la SOCIETE D'EXPLOITATION DES CARBURANTS sur le fondement de l'article L.80A ; que ce motif doit être substitué au motif erroné retenu par l'arrêt de la cour administrative d'appel, dont il justifie légalement, à cet égard, le dispositif ;
Considérant, en deuxième lieu, que l'article L.52 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige, dispose que "la vérification sur place des livres et documents comptables ne peut s'étendre sur une durée supérieure à trois mois en ce qui concerne ...2°) les autres entreprises industrielles et commerciales, lorsque le chiffre d'affaires n'excède pas 540 000 F ..." ;

Considérant qu'il appartient au juge de l'impôt d'apprécier si la limite ainsi fixée a été ou non dépassée en tenant compte des rectifications apportées à bon droit par l'administration au chiffre d'affaires de l'entreprise ; qu'aucune disposition du livre des procédures fiscales n'impose à l'administration de procéder à de telles rectifications dans un délai de trois mois ; que, par suite, après avoir relevé que le chiffre d'affaires, réalisé au cours de l'exercice clos en 1982, par la SOCIETE D'EXPLOITATION DES CARBURANTS, dûment rehaussé par l'administration, avait excédé 540 000 F, la cour administrative d'appel a pu, sans erreur de droit, écarter le moyen tiré par la société de ce que la vérification de sa comptabilité avait duré plus de trois mois ;
Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article R.256-1 du livre des procédures fiscales : "L'avis de mise en recouvrement individuel prévu à l'article L.256 comporte : 1°) les indications nécessaires à la connaissance des droits, taxes, redevances, impositions ou autres sommes qui font l'objet de cet avis ; 2°) les éléments du calcul et le montant des droits et pénalités, indemnités ou intérêts de retard, qui constituent la créance. Toutefois, les éléments du calcul peuvent être remplacés par le renvoi au document sur lequel ils figurent lorsque ce document a été établi ou signé par le contribuable ou son mandataire ou lui a été notifié antérieurement ..." ; qu'en écartant comme sans influence sur la régularité du complément de taxe sur la valeur ajoutée assigné à la SOCIETE D'EXPLOITATION DES CARBURANTS, l'erreur matérielle dont était entachée l'avis de mise en recouvrement de cette imposition, émis le 19 juillet 1988, qui mentionnait, comme période d'imposition, le mois de décembre 1985, alors qu'il s'agissait de la période du 1er janvier 1982 au 31 décembre 1985, la cour administrative d'appel, qui a relevé que cet avis faisait expressément référence à la notification de redressements adressée à la société le 18 décembre 1986 et que celle-ci faisaitmention de cette période, a porté sur les conséquences de l'erreur constatée une appréciation souveraine, qui ne peut être discutée devant le juge de cassation ;
Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 39 duodecies du code général des impôts, alors applicable, en vertu de l'article 209 du même code, aux personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés : "1- Par dérogation aux dispositions de l'article 38, les plus-values provenant de la cession d'éléments de l'actif immobilisé sont soumises à des régimes distincts suivant qu'elles sont réalisées à court ou long terme ..." ; que, eu égard au fait que la SOCIETE D'EXPLOITATION DES CARBURANTS avait élargi son objet social aux "acquisitions, ventes, locations de tous immeubles et droits immobiliers" avant de mettre en exploitation l'hôtel qu'elle avait acquis, ainsi qu'à la brièveté du délai qui s'est écoulé entre cette acquisition et la revente de l'immeuble par appartements et à la nature des travaux effectués, entre temps, sur cet immeuble, la cour administrative d'appel a donné une exacte qualification à la cession de celui-ci en la regardant comme ayant porté sur un élément du stock de l'entreprise, à laquelle l'article 39 duodecies du code général des impôts, qui ne concerne que les cessions d'éléments de l'actif immobilisé, n'était pas applicable ;

Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article 257 du code général des impôts : "Sont également soumis à la taxe sur la valeur ajoutée ... 6°) Les affaires qui portent sur des immeubles, des fonds de commerce ou des actions ou parts de sociétés immobilières et dont les résultats doivent être compris dans les bases de l'impôt sur le revenu au titre des bénéfices industriels et commerciaux ..." ; qu'aux termes du 1 de l'article 35 du même code : "Présentent également le caractère de bénéfices industriels et commerciaux, pour l'application de l'impôt sur le revenu, les bénéfices réalisés par les personnes physiques, désignées ci-après : 1°) Personnes qui, habituellement, achètent en leur nom, en vue de les revendre, des immeubles, des fonds de commerce, des actions ou parts de sociétés immobilières ..." ; que la SOCIETE D'EXPLOITATION DES CARBURANTS ayant effectué d'autres opérations d'achat et revente d'immeubles au cours des années précédant la vente de l'immeuble à usage d'hôtel qu'elle avait acquis, la condition d'habitude posée par l'article 35-I, 1°, premier alinéa, précité, se trouvait remplie, de sorte que la cour administrative d'appel a pu, à bon droit, juger que cette cession devait être soumise à la taxe sur la valeur ajoutée en application de l'article 257-6° du code général des impôts ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SOCIETE D'EXPLOITATION DES CARBURANTS n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;
Article 1er : La requête de la SOCIETE D'EXPLOITATION DES CARBURANTS est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE D'EXPLOITATION DES CARBURANTS et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


Synthèse
Formation : 8 / 9 ssr
Numéro d'arrêt : 155738
Date de la décision : 20/05/1998
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-01-05-01-02 CONTRIBUTIONS ET TAXES - GENERALITES - RECOUVREMENT - ACTION EN RECOUVREMENT - ACTES DE RECOUVREMENT -Avis de mise en recouvrement individuel - Mention obligatoire des éléments de calcul (article R.256-1-2° du L.P.F.) - Période d'imposition (sol. impl.).

19-01-05-01-02 La période d'imposition constitue l'un des "éléments de calcul" dont le 2° de l'article R.256-1 du L.P.F. prévoit la mention sur l'avis de mise en recouvrement individuel prévu à l'article L.256 du même livre (sol. impl.).


Références :

CGI 39 duodecies, 209, 257, 35
CGI Livre des procédures fiscales L168 A, L169, L176, L47, L52, R256-1
Instruction du 04 mai 1987 13L-2-87
Loi 86-824 du 11 juillet 1986 art. 18 Finances rectificative pour 1986


Publications
Proposition de citation : CE, 20 mai. 1998, n° 155738
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Groux
Rapporteur ?: Mlle Mignon
Rapporteur public ?: M. Arrighi de Casanova

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1998:155738.19980520
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