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27/05/1998 | FRANCE | N°175093

France | France, Conseil d'État, 4 ss, 27 mai 1998, 175093


Vu la requête, enregistrée le 16 novembre 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement en date du 14 septembre 1995 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 12 septembre 1995 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Mohamed X..., de nationalité algérienne ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Paris ;
Vu les autres pièces du dos

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Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et de...

Vu la requête, enregistrée le 16 novembre 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement en date du 14 septembre 1995 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 12 septembre 1995 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Mohamed X..., de nationalité algérienne ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Paris ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Olson, Maître des Requêtes,
- les observations de SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. Mohamed X...,
- les conclusions de Mme Roul, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui" ;
Considérant que si M. X... fait valoir qu'il est entré en France en 1992 muni d'un visa d'une durée de quatre-vingt dix jours, et qu'il y réside depuis dans des conditions régulières auprès de son père, âgé de soixante-huit ans, avec lequel il gère un hôtel, dont il est aussi copropriétaire, il ressort des pièces du dossier que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée et des conditions de séjour en France de M. X..., qui a conservé des attaches familiales en Algérie, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté du PREFET DE POLICE en date du 12 septembre 1995 n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'ainsi, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris s'est fondé sur la méconnaissance par l'arrêté du PREFET DE POLICE en date du 12 septembre 1995 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X... des stipulations susrappelées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour annuler ledit arrêté ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. X... devant le tribunal administratif de Paris ;
Considérant qu'aux termes de l'article 22-I de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée susvisée : "Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : ( ...) 4° Si l'étranger n'a pas demandé le renouvellement de son titre de séjour temporaire et s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois suivant l'expiration de ce titre" ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X... bénéficiait, en qualité de commerçant, d'un titre de séjour temporaire dont la validité expirait le 7 décembre 1994 et dont M. X... n'a sollicité le renouvellement que le 27 janvier 1995 ; qu'un récépissé valant titre de séjour temporaire d'une durée de validité de trois mois lui a été délivré à la date de sa nouvelle demande, laquelle n'a pas été complétée dans le délai qui lui était imparti ; qu'ainsi, et alors même qu'il aurait produit ces documents nécessaires postérieurement à l'expiration du récépissé susmentionné, valable jusqu'au 27 avril 1995, faute d'avoir présentévalablement une demande de renouvellement de titre de séjour et pour s'être maintenu sur le territoire français au-delà du délai d'un mois suivant l'expiration de son titre de séjour, il se trouvait, à la date de l'arrêté de reconduite contesté, soit le 12 septembre 1995, dans le cas prévu par les dispostions susrappelées du 4° de l'article 22-I de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée où le préfet peut prendre une mesure d'éloignement à l'encontre d'un étranger ;
Considérant que la circonstance qu'aucun danger pour l'ordre public ne justifiait l'éloignement de M. X... du territoire français est sans incidence sur la légalité de l'arrêté attaqué, pris en application des dispositions susmentionnées de l'article 22-I de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée ;
Considérant que si M. X... fait valoir qu'il est l'un des trois associés de l'entreprise où il travaille, dont il assure la gérance avec son père, et pour laquelle il a contracté un emprunt d'un montant élevé, et s'il soutient, par ailleurs, apporter aucun élément à l'appui de ses allégations, que l'exécution de la mesure de reconduite dont il fait l'objet mettrait en péril la survie de ladite entreprise, compte tenu de l'âge et de l'état de santé de son père, qui ne serait plus en mesure d'en assumer seul la direction, ces circonstances n'établissent pas que le PREFET DE POLICE aurait commis une erreur manifeste dans son appréciation de la gravité des conséquences de la mesure attaquée sur la situation personnelle de l'intéressé ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE POLICE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 12 septembre 1995 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X... ;
Article 1er : Le jugement du conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris en date du 14 septembre 1995 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE POLICE, à M. Mohamed X... et au ministre de l'intérieur.


Type d'affaire : Administrative

Analyses

335-03 ETRANGERS - RECONDUITE A LA FRONTIERE.


Références :

Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 04 novembre 1950 art. 8
Ordonnance 45-2658 du 02 novembre 1945 art. 22


Publications
Proposition de citation: CE, 27 mai. 1998, n° 175093
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Olson
Rapporteur public ?: Mme Roul

Origine de la décision
Formation : 4 ss
Date de la décision : 27/05/1998
Date de l'import : 06/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 175093
Numéro NOR : CETATEXT000008003676 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;1998-05-27;175093 ?
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