La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/06/1998 | FRANCE | N°165463

France | France, Conseil d'État, 8 / 9 ssr, 10 juin 1998, 165463


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 13 février et 13 juin 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE CREEKS dont le siège est ... ; la SOCIETE CREEKS demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 14 décembre 1994 du tribunal administratif de Paris qui a annulé les décisions du 30 juillet 1991 par lesquelles l'inspecteur du travail de la Seine-Saint-Denis Paris avait retiré ses précédentes décisions implicites de rejet des demandes qu'elle avait présentées le 5 mars 1991 en vue d'être autori

sée à licencier M. et Mme Y..., et lui avait accordé cette autorisatio...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 13 février et 13 juin 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE CREEKS dont le siège est ... ; la SOCIETE CREEKS demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 14 décembre 1994 du tribunal administratif de Paris qui a annulé les décisions du 30 juillet 1991 par lesquelles l'inspecteur du travail de la Seine-Saint-Denis Paris avait retiré ses précédentes décisions implicites de rejet des demandes qu'elle avait présentées le 5 mars 1991 en vue d'être autorisée à licencier M. et Mme Y..., et lui avait accordé cette autorisation ;
2°) de rejeter les demandes présentées par M. et Mme Y... devant le tribunal administratif de Paris ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Maïa, Auditeur,
- les observations de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la SOCIETE CREEKS,
- et de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat des époux Y...,
- les conclusions de M. Bachelier, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé les décisions de l'inspecteur du travail de la Seine-Saint-Denis du 30 juillet 1991, qui avaient retiré ses précédentes décisions de rejet implicite des demandes présentées le 5 mars 1991 par la SOCIETE CREEKS en vue d'être autorisée à licencier, pour motif économique, M. Philippe Y..., candidat aux élections du comité d'entreprise, et Mme Sylvie Y..., membre suppléant du comité d'entreprise, et accordé à la société ces autorisations, au motif que les décisions implicites de rejet, acquises le 5 juillet 1991, étaient légales et ne pouvaient plus être retirées ; qu'ayant, par ce motif, fait entièrement droit aux demandes dont il avait été saisi par M. et Mme Y..., le tribunal administratif n'était pas tenu de répondre à d'autres moyens, et notamment à celui par lequel la SOCIETE CREEKS avait fait valoir que M. et Mme Y... avaient refusé les propositions de reclassement et les propositions financières qu'elle affirme leur avoir faites ;
Considérant qu'aux termes de l'article 5 de la loi du 11 juillet 1979, relative à la motivation des actes administratifs : "Une décision implicite intervenue dans des cas où une décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais de recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande" ; que, par lettre du 11 juillet 1991, la SOCIETE CREEKS a, en application des dispositions précitées, demandé à l'inspecteur du travail de lui communiquer les motifs des décisions implicites de rejet de ses demandes d'autorisation de licenciement de M. et Mme Y... ; que, dans ses décisions ci-dessus analysées du 30 juillet 1991, l'inspecteur du travail a indiqué les motifs qui avaient été à l'origine de ces décisions implicites ; que, par suite, celles-ci ne sont pas entachées d'irrégularité au regard des dispositions de la loi du 11 juillet 1979 ;

Considérant, qu'en vertu des dispositions du code du travail et dans les conditions prévues par celui-ci, les membres, titulaires et suppléants, du comité d'entreprise, ainsi que les candidats aux fonctions de membres de ce comité, qui bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent ou souhaitent représenter, d'une protection exceptionnelle, ne peuvent être licenciés qu'avec l'autorisation de l'inspecteur du travail ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec lesfonctions représentatives normalement exercées ou briguées par lui ou avec son appartenance syndicale ; que, dans le cas où la demande de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant au ministre chargé du travail, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement de l'intéressé dans l'entreprise ou à l'intérieur du groupe dont elle fait, le cas échéant, partie ; que le refus du salarié concerné d'accepter un nouveau mode de rémunération qui apporte une modification substantielle à son contrat de travail, ne dispense pas l'inspecteur du travail de rechercher si la situation d'ensemble de l'entreprise justifie le licenciement que celle-ci lui demande d'autoriser et de vérifier la réalité de la portée des efforts qui ont été faits en vue du reclassement de ce salarié, soit au sein même de l' entreprise, soit à l'intérieur du groupe auquel, le cas échéant, celle-ci appartient ;
Considérant qu'en raison de sérieuses difficultés économiques, la SOCIETE CREEKS a mis en place un nouveau système de rémunération du personnel de ses magasins ; que M. et Mme Y..., employés en qualité de responsables de magasin, ont refusé la modification substantielle qui serait ainsi apportée à leur contrat de travail ; que la SOCIETE CREEKS ne soutient pas qu'il lui était impossible de reclasser M. et Mme Y... dans un secteur de l'entreprise, non soumis au nouveau système de rémunération du personnel des magasins ; que, par suite, les décisions implicites par lesquelles les autorisations de licenciement qu'elle avait sollicitées ont été rejetés étaient fondées et ne pouvaient plus, ayant créé des droits, être retirées ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE CREEKS n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement attaqué du tribunal administratif de Paris ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner la SOCIETE CREEKS, par application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991, à payer à M. et Mme Y... la somme de 13 000 F qu'ils demandent, au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête de la SOCIETE CREEKS est rejetée.
Article 2 : La SOCIETE CREEKS paiera à M. et Mme X... une somme de 13 000 F, au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE CREEKS, à M. et Mme Y... et au ministre de l'emploi et de la solidarité.


Type d'affaire : Administrative

Analyses

66-07-01-04-03-01,RJ1 TRAVAIL ET EMPLOI - LICENCIEMENTS - AUTORISATION ADMINISTRATIVE - SALARIES PROTEGES - CONDITIONS DE FOND DE L'AUTORISATION OU DU REFUS D'AUTORISATION - LICENCIEMENT POUR MOTIF ECONOMIQUE - OBLIGATION DE RECLASSEMENT -Portée - Modification du mode de rémunération dans un secteur de l'entreprise où est employé le salarié protégé - Obligation de rechercher un reclassement dans un secteur de l'entreprise non soumis au nouveau système de rémunération (1).

66-07-01-04-03-01 Est fondée la décision par laquelle l'inspecteur du travail refuse à une société l'autorisation de licencier un salarié protégé lorsque cette société, qui, en raison de sérieuses difficultés économiques, met en place un nouveau système de rémunération du personnel de ses magasins, apportant ainsi une modification substantielle au contrat de travail de l'intéressé, employé dans l'un de ces magasins, ne soutient pas qu'il lui était impossible de reclasser ce salarié dans un secteur de l'entreprise non soumis au nouveau système de rémunération du personnel des magasins (1).


Références :

Loi 79-587 du 11 juillet 1979 art. 5
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75

1.

Cf. Cass. soc., 1997-09-30, Société Flagelectric, pour les salariés non protégés


Publications
Proposition de citation: CE, 10 jui. 1998, n° 165463
Mentionné aux tables du recueil Lebon
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Président : M. Groux
Rapporteur ?: M. Maïa
Rapporteur public ?: M. Bachelier

Origine de la décision
Formation : 8 / 9 ssr
Date de la décision : 10/06/1998
Date de l'import : 06/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 165463
Numéro NOR : CETATEXT000007960823 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;1998-06-10;165463 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award