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10/06/1998 | FRANCE | N°167972

France | France, Conseil d'État, 8 / 9 ssr, 10 juin 1998, 167972


Vu le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES enregistré le 17 mars 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE DES FINANCES demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 22 décembre 1994 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a annulé le jugement du 17 décembre 1992 du tribunal administratif de Nantes et déchargé la S.A. Garage Charpentier des compléments de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle avait été assujettie au titre de la période du 1er janvier 1980 au 31 août 1984 ;
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Vu le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES enregistré le 17 mars 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE DES FINANCES demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 22 décembre 1994 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a annulé le jugement du 17 décembre 1992 du tribunal administratif de Nantes et déchargé la S.A. Garage Charpentier des compléments de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle avait été assujettie au titre de la période du 1er janvier 1980 au 31 août 1984 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu la loi n° 87-502 du 8 juillet 1987 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Maïa, Auditeur,
- les observations de la SCP Guiguet, Bachellier, Potier de la Varde , avocat de la S.A Garage Charpentier,
- les conclusions de M. Bachelier, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la S.A. Garage Charpentier, qui exerce à Lude (Sarthe) une activité de concessionnaire d'automobiles, a revendu, au cours de la période du 1er janvier 1980 au 31 août 1984, un certain nombre de véhicules acquis à l'état neuf, destinés, selon elle, à la location, qu'elle avait inscrits, à ce titre, en immobilisations à l'actif de son bilan ; qu'estimant que les véhicules dont elle a ainsi décidé de se défaire pouvaient être regardés comme des "biens usagés", dont, en vertu des dispositions du 3.1° a) de l'article 261 du code général des impôts, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 89-935 du 29 décembre 1989, la vente "par les personnes qui les ont utilisés pour les besoins de leurs exploitations" était exonérée de la taxe sur la valeur ajoutée, la société n'a pas soumis leur revente à cette taxe, mais a, en se fondant sur les dispositions, alors applicables, de l'article 210 de l'annexe II au code général des impôts, reversé une fraction de la taxe qu'elle avait déduite lors de leur acquisition ; qu'ayant procédé, en 1984, pour la période ci-dessus mentionnée, à une vérification de la comptabilité de la société, l'administration, estimant, conformément à l'avis émis par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, que ceux des véhicules qui avaient été cédés trois mois au plus seulement après leur acquisition n'avaient pas constitué des éléments durables d'exploitation, au sens des dispositions précitées de l'article 261 du code général des impôts, a soumis leur revente, en tant que véhicules d'occasion, à la taxe sur la valeur ajoutée au taux intermédiaire à concurrence de la différence entre le prix de vente et le prix d'achat et a, en outre, réintégré dans les bases d'imposition de la société une somme égale à la différence entre le montant total de la taxe ayant grevé l'acquisition de ces véhicules, qui aurait dû être intégralement reversée, et la fraction de cette taxe que la société s'était bornée à reverser ; que les compléments de taxe sur la valeur ajoutée découlant de ces redressements, ainsi que les indemnités de retard y afférentes, ont été mis à la charge de la S.A Garage Charpentier ;

Considérant que, par l'arrêt, contre lequel le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Nantes a déchargé la société de ces droits et pénalités, au motif que celle-ci avait été privée, au cours de la procédure d'imposition, de la garantie prévue par le paragraphe 5 du chapitre III du document édité en 1976 par l'administration sous la dénomination de "charte des droits et obligations du contribuable vérifié", publiée sous la référence 13 L 9-76 au bulletin officiel de la direction générale des impôts, aux termes duquel, lorsque le vérificateur a maintenu, en tout ou partie, les redressements envisagés à l'égard d'un contribuable, celui-ci peut, si nécessaire, demander des éclaircissements complémentaires au supérieur hiérarchique du vérificateur, faute, par l'administration, d'avoir donné suite, avant la mise en recouvrement, le 28 janvier 1988, des impositions et indemnités de retard contestées, à la lettre par laquelle, après avoir pris connaissance des redressements qui lui avaient été notifiés le 11 septembre 1986, le dirigeant de la société avait demandé, le 26 novembre 1986, à être reçu par le supérieur hiérarchique du vérificateur ;
Considérant qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales, dans sa réduction issue des articles 8.I et 8.II de la loi n° 87-502 du 8 juillet 1987 et applicable à compter du 1er janvier 1988 : "Avant l'engagement d'une des vérifications prévues aux articles L. 12 et L. 13, l'administration des impôts remet au contribuable la charte des droits et obligations du contribuable vérifié ; les dispositions contenues dans la charte sont opposables à l'administration" ; qu'un contribuable ne peut se prévaloir de l'éventuelle méconnaissance de l'une des garanties prévues par la charte des droits et obligations du contribuable vérifié que dans le cas où il a demandé le bénéfice de cette garantie à une date à laquelle les dispositions contenues dans cette charte étaient devenues opposables à l'administration, c'est à dire à compter du 1er janvier 1988 ; qu'ainsi, en jugeant que la S.A Garage Charpentier avait été privée de la garantie tenant à la possibilité qui lui était offerte par le paragraphe 5 du chapitre III de la charte de soumettre au supérieur du vérificateur le différend résultant du maintien par celui-ci des redressements qu'il lui avait notifiés, sans rechercher si elle avait réitéré, à compter du 1er janvier 1988, la demande de rendez-vous avec le supérieur hiérarchique du vérificateur qu'elle avait formulée le 26 novembre 1986, la cour administrative d'appel de Nantes a commis une erreur de droit ; que, le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES est, par suite, fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, par application de l'article 11, deuxième alinéa, de la loi du 31 décembre 1987, de règler l'affaire au fond ;

Considérant, ainsi qu'il a été dit, que les dispositions contenues dans la charte des droits et obligations du contribuable vérifié ne sont devenues opposables à l'administration qu'à compter du 1er janvier 1988 ; qu'il est constant que la S.A Garage Charpentier n'a pas réitéré à partir de cette date la demande de rendez-vous avec le supérieur hiérarchique du vérificateur qu'elle avait antérieurement formulée ; qu'aucune disposition n'oblige l'administration à différer la mise en recouvrement des impositions qu'elle envisage de mettre à la charge d'un contribuable qui a été soumis à l'une des vérifications prévues par les articles L. 12 ou L. 13 du livre des procédures fiscales, jusqu'à ce que le supérieur hiérarchique du vérificateur ait fourni à celui-ci des éclaircissements supplémentaires sur les redressements qui lui ont été notifiés ; que, par suite, le moyen tiré par la S.A Garage Charpentier de ce que la procédure d'imposition suivie à son égard aurait été entachée d'irrégularité, doit être écarté ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que les véhicules neufs acquis par la S.A Garage Charpentier et destinés, selon celle-ci, à être loués, n'ont fait l'objet, en réalité, soit d'aucune location, soit de trois locations au maximum ; que, eu égard à cette circonstance et à la brièveté de la période écoulée entre leur achat et leur revente, ces véhicules ne peuvent être regardés, en dépit de leur inscription comme immobilisations à l'actif du bilan de la société pendant le temps où celle-ci en avait la propriété et quels que soient à cet égard les usages de la profession, comme ayant constitué des éléments durables d'exploitation, au sens des dispositions, déjà citées, du 3.1° a) de l'article 261 du code général des impôts ; que la société ne peut donc prétendre que leur revente devait, par application de ces dispositions, être exonérée de la taxe sur la valeur ajoutée ; qu'elle n'est, par suite, pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par son jugement du 17 décembre 1992, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande en décharge des compléments de taxe sur la valeur ajoutée, ainsi que des indemnités de retard y afférentes, auxquels, en conséquence des redressements exposés plus haut, elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 1980 au 31 août 1984 ;
Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, en la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à la S.A Garage Charpentier la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elleet non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 22 décembre 1994 est annulé.
Article 2 : La requête présentée par la S.A. Garage Charpentier devant la cour administrative d'appel de Nantes est rejetée.
Article 3 : Les conclusions présentées au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 par la S.A. Garage Charpentier sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE et à la S.A. Garage Charpentier.


Synthèse
Formation : 8 / 9 ssr
Numéro d'arrêt : 167972
Date de la décision : 10/06/1998
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-06-02 CONTRIBUTIONS ET TAXES - TAXES SUR LE CHIFFRE D'AFFAIRES ET ASSIMILEES - TAXE SUR LA VALEUR AJOUTEE.


Références :

CGI 261
CGI Livre des procédures fiscales L10, L12, L13
CGIAN2 210
Loi 87-1127 du 31 décembre 1987 art. 11
Loi 87-502 du 08 juillet 1987 art. 8
Loi 89-935 du 29 décembre 1989
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75


Publications
Proposition de citation : CE, 10 jui. 1998, n° 167972
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Maïa
Rapporteur public ?: M. Bachelier

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1998:167972.19980610
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