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17/06/1998 | FRANCE | N°156532

France | France, Conseil d'État, 9 / 8 ssr, 17 juin 1998, 156532


Vu le recours du ministre du budget enregistré le 25 février 1994 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat ; le ministre du budget demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 30 décembre 1993 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a annulé le jugement du 20 décembre 1991 du tribunal administratif de Paris et déchargé M. X... des compléments de taxe sur la valeur ajoutée auxquels il a été assujetti au titre de la période du 16 mars 1981 au 31 décembre 1983 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code pénal ;
Vu le code général des impôts ;


Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administra...

Vu le recours du ministre du budget enregistré le 25 février 1994 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat ; le ministre du budget demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 30 décembre 1993 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a annulé le jugement du 20 décembre 1991 du tribunal administratif de Paris et déchargé M. X... des compléments de taxe sur la valeur ajoutée auxquels il a été assujetti au titre de la période du 16 mars 1981 au 31 décembre 1983 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code pénal ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Salat-Baroux, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Roger, avocat de M. X...,
- les conclusions de M. Goulard, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'administration a procédé, pour la période du 16 mars 1981 au 31 décembre 1983, à une vérification de la comptabilité de M. X..., qui, en dépit de la décision du 17 décembre 1980 par laquelle la section disciplinaire du Conseil national de l'ordre des médecins l'a radié du tableau de cet ordre à compter du 15 mars 1981, avait continué à exercer son activité de médecin jusqu'à la fin de l'année 1983 ; qu'estimant, au vu des pièces du dossier ayant trait aux poursuites alors engagées contre M. X... pour exercice illégal de la médecine, que l'autorité judiciaire lui avait communiquées, en application de l'article L. 101 du livre des procédures fiscales, que les recettes ressortant de la comptabilité tenue par l'intéressé avaient été minorées et qu'il ne pouvait bénéficier pour les actes à raison desquels il les avait perçues, de l'exonération prévue par le 1° du 4 de l'article 261 du code général des impôts, en ce qui concerne les "soins dispensés aux personnes par les membres des professions médicales et paramédicales réglementées", l'administration lui a notifié les redressements qui sont à l'origine de la taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamée au titre de la période, ci-dessus mentionnée, du 16 mars 1981 au 31 décembre 1983 ; que, par l'arrêt, contre lequel le ministre du budget s'est pourvu en cassation, la cour administrative d'appel de Paris a déchargé M. X... de cette imposition, ainsi que des pénalités dont elle avait été assortie, au motif que la procédure suivant laquelle elles avaient été établies était irrégulière, du fait de l'utilisation par l'administration de documents couverts par le secret médical ;
Considérant qu'aux termes de l'article 378 du code pénal, alors en vigueur : "Les médecins, chirurgiens et autres officiers de santé, ainsi que les pharmaciens et toutes personnes dépositaires, par état ou profession ou par fonctions temporaires ou permanentes, des secrets qu'on leur confie, qui, hors les cas où la loi les oblige ou les autorise à se porter dénonciateurs, auront révélé ces secrets, seront punis d'un emprisonnement d'un mois à six mois et d'une amende" ; que ces dispositions font obstacle à ce que les membres des professions auxquelles elles s'appliquent fassent connaître à des tiers les noms des personnes qui ont recours à leurs services ou à leurs soins ; que, bien que les agents des services fiscaux soient eux-mêmes tenus au secret professionnel, il ne saurait être dérogé en leur faveur, sauf disposition législative expresse, à la règle édictée par l'article 378 précité, y compris dans le cas où ils entendent faire usage, pour les besoins des contrôles qu'ils doivent effectuer, de renseignements contenus dans des documents obtenus auprès de l'autorité judiciaire, à laquelle l'article L. 101 du livre des procédures fiscales fait obligation de "communiquer à l'administration des impôts toute indication de nature à faire présumer une fraude en matière fiscale" qu'elle a pu recueillir à l'occasion, notamment, "d'une information criminelle ou correctionnelle, même terminée par un non-lieu" ;

Considérant que, s'il n'appartient qu'au juge répressif de sanctionner les infractions aux dispositions de l'article 378 du code pénal, il incombe au juge de l'impôt, lorsqu'un contribuable astreint au secret professionnel par l'article 378 conteste, devant lui, la régularité de la procédure d'imposition suivie à son égard, au motif que celle-ci aurait porté atteinte à ce secret, d'examiner le bien-fondé d'un tel moyen ;
Considérant qu'en jugeant que le respect du secret médical, institué dans le seul intérêt des patients, n'avait pas cessé de s'imposer à M. X... pendant toute la période durant laquelle il a illégalement poursuivi l'exercice de son activité de médecin, et en se reconnaissant compétente pour déterminer si la procédure d'imposition qui lui a été appliquée avait, comme il le soutenait, été entachée de nullité pour avoir comporté l'utilisation de renseignements contenus dans des documents couverts par ce secret, la cour administrative d'appel de Paris n'a commis aucune erreur de droit ;
Considérant qu'en statuant ainsi, la Cour n'a pas entendu restreindre le pouvoir de contrôle dont dispose l'administration à l'égard des contribuables qui sont astreints au secret professionnel, à l'examen des seuls documents spontanément présentés par ces derniers ;
Considérant qu'en estimant qu'il ressortait du rapport établi par l'administration à l'intention de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, que les documents communiqués par l'autorité judiciaire au service des impôts ne contenaient pas seulement des informations sur le paiement des actes effectués par M. X..., mais comportaient aussi les noms de patients ayant recouru à ses soins et qu'ainsi, le vérificateur avait utilisé, pour reconstituer le chiffre d'affaires de M. X..., des pièces qui, en plus de renseignements d'ordre comptable, étaient assorties d'indications nominatives couvertes par le secret médical, de sorte que la procédure d'imposition suivie à l'encontre de M. X... avait été irrégulière et que, par suite, il y avait lieu de prononcer la décharge des impositions et pénalités contestées par l'intéressé, la cour administrative d'appel n'a entaché son arrêt d'aucune dénaturation des pièces du dossier qui lui était soumis ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre du budget n'est pas fondé à demander l'annulation de cet arrêt ;
Article 1er : Le recours du ministre du budget est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et à M. Robert X....


Synthèse
Formation : 9 / 8 ssr
Numéro d'arrêt : 156532
Date de la décision : 17/06/1998
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

- RJ1 CONTRIBUTIONS ET TAXES - GENERALITES - REGLES GENERALES D'ETABLISSEMENT DE L'IMPOT - CONTROLE FISCAL - Limites - Secret médical - Irrégularité d'une procédure au cours de laquelle le vérificateur a utilisé des pièces comptables - communiquées par l'autorité judiciaire - mentionnant le nom des patients d'un médecin non adhérent d'une association de gestion agréée (1).

19-01-03-01 L'interdiction faite par l'article 378 du code pénal, devenu l'article 226-13 du nouveau code pénal, à toute personne dépositaire, par état ou profession ou par fonctions temporaires ou permanentes, de révéler les secrets qu'on lui confie, hors les cas où la loi l'y oblige ou l'y autorise, ne cesse pas de s'imposer à un médecin qui poursuit illégalement ses activités après avoir été radié du tableau de l'ordre des médecins. Bien que les agents des services fiscaux soient eux-mêmes tenus au secret professionnel, il ne saurait être dérogé en leur faveur, sauf disposition législative expresse, à la règle ainsi édictée, y compris dans le cas où ils entendent faire usage, pour les besoins des contrôles qu'ils doivent effectuer, des renseignements contenus dans des documents obtenus auprès de l'autorité judiciaire sur le fondement de l'article L.101 du livre des procédures fiscales. Irrégularité d'une procédure au cours de laquelle le vérificateur a utilisé des pièces comptables, communiquées par l'autorité judiciaire, mentionnant le nom des patients d'un médecin non adhérent d'une association de gestion agréée (1).

PROFESSIONS - CHARGES ET OFFICES - CONDITIONS D'EXERCICE DES PROFESSIONS - MEDECINS - REGLES DIVERSES S'IMPOSANT AUX MEDECINS DANS L'EXERCICE DE LEUR PROFESSION - Secret médical - Obligation ne cessant pas de s'imposer à un médecin qui poursuit illégalement ses activités après avoir été radié du tableau de l'ordre des médecins.

55-03-01-02 L'interdiction faite par l'article 378 du code pénal, devenu l'article 226-13 du nouveau code pénal, à toute personne dépositaire, par état ou profession ou par fonction temporaires ou permanentes, de révéler les secrets qu'on lui confie, hors les cas où la loi l'y oblige ou l'y autorise, ne cesse pas de s'imposer à un médecin qui poursuit illégalement ses activités après avoir été radié du tableau de l'ordre des médecins.


Références :

CGI 261
CGI Livre des procédures fiscales L101
Code pénal 378

1.

Cf., Assemblée, 1982-03-12, Conseil national de l'ordre des médecins et autres, p. 109


Publications
Proposition de citation : CE, 17 jui. 1998, n° 156532
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Groux
Rapporteur ?: M. Salat-Baroux
Rapporteur public ?: M. Goulard
Avocat(s) : Me Roger, Avocat

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1998:156532.19980617
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