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24/06/1998 | FRANCE | N°104605

France | France, Conseil d'État, 4 / 1 ssr, 24 juin 1998, 104605


Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le 7 janvier 1989, présentée pour la Mutuelle autonome générale de l'éducation nationale (M.A.G.E.) dont le siège est ..., représentée par son président en exercice, domicilié audit siège ; la M.A.G.E. demande au Conseil d'Etat l'annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite par laquelle le ministre de l'éducation nationale a rejeté sa demande du 29 juillet 1988 tendant à obtenir le bénéfice du précompte des cotisations sur les traitements des agents adhérents à son régime compléme

ntaire ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 80-539 du 16 ju...

Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le 7 janvier 1989, présentée pour la Mutuelle autonome générale de l'éducation nationale (M.A.G.E.) dont le siège est ..., représentée par son président en exercice, domicilié audit siège ; la M.A.G.E. demande au Conseil d'Etat l'annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite par laquelle le ministre de l'éducation nationale a rejeté sa demande du 29 juillet 1988 tendant à obtenir le bénéfice du précompte des cotisations sur les traitements des agents adhérents à son régime complémentaire ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 80-539 du 16 juillet 1980 modifiée par la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 et par la loi n° 95-125 du 8 février 1995 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code de la mutualité ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Desrameaux, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Ricard, avocat de la Mutuelle autonome générale de l'éducation,
- les conclusions de Mme Roul, Commissaire du gouvernement ;

Sur la recevabilité de la requête :
Considérant que la Mutuelle autonome générale de l'éducation (MA.G.E.), dont l'objet est notamment d'assurer le service des prestations de sécurité sociale au bénéfice de certaines catégories de fonctionnaires dans les conditions déterminées par le code de la sécurité sociale, a demandé au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports par lettre du 29 juillet 1988 que l'autorité administrative procède, comme elle le fait au bénéfice d'autres mutuelles ayant pour adhérents des agents publics, à la retenue sur leur traitement des cotisations qu'elle perçoit sur ses adhérents ; que la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le ministre de l'éducation nationale sur cette demande fait grief à la mutuelle requérante qui est recevable à en demander l'annulation ;

Sur la légalité de la décision attaquée :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant que si aucun texte n'impose à l'autorité administrative d'assurer le précompte des cotisations dont les fonctionnaires sont redevables à l'égard des mutuelles auxquelles ils ont décidé librement d'adhérer en procédant à la retenue des sommes correspondantes sur leur traitement, elle ne peut, sans méconnaître le principe d'égalité, réserver à certaines mutuelles les avantages importants qui résultent d'une telle mesure qu'en se fondant sur des différences de situation de nature à justifier une telle décision au regard des exigences du bon fonctionnement du service public et de l'intérêt de ses agents ;
Considérant que le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports soutient devant le Conseil d'Etat que le refus d'accorder à la M.A.G.E. les avantages qui avaient été consentis à d'autres mutuelles est motivé par les circonstances que la M.A.G.E. ne se serait pas conformée à certaines des dispositions du code de la mutualité, que sa gestion ne permettrait pas de respecter un bon équilibre financier compte tenu du rapport démographique entre actifs et retraités parmi ses adhérents et qu'il n'est pas opportun de confier à une mutuelle nouvelle le soin de gérer un régime social dans un domaine où les besoins des assurés sociaux sont satisfaits et où une réduction des coûts de gestion doit être recherchée ; que de tels motifs, qui ne sont d'ailleurs assortis d'aucun élément susceptible d'en démontrer le bien-fondé, tendent en réalité à remettre en cause, ce que le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports n'est pas compétent pour faire, la validité et l'opportunité de l'approbation donnée aux statuts de cette mutuelle, dans les conditions fixées par le code de la mutualité, par l'arrêté du préfet du Val-de-Marne du 10 juin 1987 ; que de tels motifs ne sont pas de nature à justifier le refus de faire bénéficier la mutuelle requérante des facilités accordées à d'autres mutuelles ; que, par suite, le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, en refusant de procéder, alors que, par ailleurs, le ministre délégué chargé du budget avait donné son accord à cette mesure, à la retenue des cotisations des adhérents de la M.A.G.E. appartenant aux corps de fonctionnaires placés sous son autorité, a méconnu le principe d'égalité ; que, dès lors, la mutuelle requérante est fondée à demander l'annulation de la décision attaquée ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 6-1 de la loi du 16 juillet 1980 modifiée :
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 6-1 de la loi du 16 juillet 1980 modifiée : "Lorsqu'il règle un litige au fond par une décision qui implique nécessairement une mesure d'exécution dans un sens déterminé, le Conseil d'Etat, saisi de conclusions en ce sens, prescrit cette mesure et peut assortir sa décision d'une astreinte à compter d'une date qu'il détermine" ;
Considérant qu'eu égard aux motifs de la présente décision, l'exécution de celle-ci implique nécessairement que le ministre chargé de l'éducation nationale prenne les mesures permettant qu'il soit procédé aux retenues des cotisations dues à la M.A.G.E. sur le traitement des agents qui sont adhérents à cette mutuelle, qui occupent des emplois relevant de ses services et qui ne s'y seraient pas opposés ; qu'il n'invoque, en réponse aux conclusions de la requérante tendant à l'application de l'article 6-1 de la loi du 16 juillet 1980 modifiée, aucun changement dans les circonstances de droit ou de fait, depuis l'intervention de la décision litigieuse, qui pourraient justifier légalement une nouvelle décision de rejet de la demande de la M.A.G.E. ; que, par suite, il y a lieu pour le Conseil d'Etat de prescrire au ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie de prendre les mesures nécessaires pour qu'il soit procédé à la retenue des cotisations sur le traitement des agents de ses services qui sont adhérents de la M.A.G.E. et, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire, de prononcer contre l'Etat, à défaut pour le ministre de justifier de l'exécution de la présente décision dans le délai de quatre mois à compter de sa notification, une astreinte de 1000 F par jour jusqu'à la date à laquelle la présente décision aura reçu exécution ;
Sur les conclusions de la M.A.G.E. tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article 75-I de la loi susvisée du 10 juillet 1991 et de condamner l'Etat à payer à la M.A.G.E. la somme de 24.120 F qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er - La décision du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports rejetant implicitement la demande en date du 29 juillet 1988 de la Mutuelle autonome générale de l'éducation tendant à ce que ses services procèdent, par précompte, à la retenue sur leur traitement des cotisations dues par ses adhérents qui ont la qualité d'agents relevant de son département, est annulée.
Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie de prendre les mesures nécessaires au précompte des cotisations dues à la MAGE sur le traitement des agents du ministère adhérents à cette mutuelle.
Article 3 : Une astreinte est prononcée contre l'Etat, si le ministre ne justifie pas avoir exécuté la présente décision dans un délai de quatre mois suivant sa notification et jusqu'à la date de cette exécution. Le taux de cette astreinte est fixé à 1.000 F par jour à compter de l'expiration du délai de quatre mois suivant la notification de la présente décision.
Article 4 : Le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie communiquera au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat copie des actes justifiant des mesures prises pour exécuter la présente décision.
Article 5 : L'Etat versera à la Mutuelle autonome générale de l'éducation une somme de 24.120 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à la Mutuelle autonome générale de l'éducation (M.A.G.E.) et au ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.


Sens de l'arrêt : Annulation injonction astreinte
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours pour excès de pouvoir

Analyses

ACTES LEGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITE DES ACTES ADMINISTRATIFS - VIOLATION DIRECTE DE LA REGLE DE DROIT - PRINCIPES GENERAUX DU DROIT - EGALITE DEVANT LA LOI - Violation - Refus du ministre de l'éducation nationale d'accorder à une mutuelle de fonctionnaires le bénéfice de la retenue sur le traitement des cotisations qu'elle perçoit de ses adhérents - système dont bénéficient d'autres mutuelles de fonctionnaires.

01-04-03-01, 36-08-02-01, 42-01-01 Si aucun texte n'impose à l'autorité administrative d'assurer le précompte des cotisations dont les fonctionnaires sont redevables à l'égard des mutuelles auxquelles ils ont décidé librement d'adhérer en procédant à la retenue des sommes correspondantes sur leur traitement, elle ne peut, sans méconnaître le principe d'égalité, réserver à certaines mutuelles les avantages importants qui résultent d'une telle mesure qu'en se fondant sur des différences de situation de nature à justifier une telle décision au regard des exigences du bon fonctionnement du service public et de l'intérêt de ses agents. Illégalité, en l'espèce, du refus opposé par le ministre de l'éducation nationale.

FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - REMUNERATION - TRAITEMENT - RETENUES SUR TRAITEMENT - Retenue sur traitement opérée pour les cotisations perçues par certaines mutuelles de fonctionnaires sur leurs adhérents - Refus du ministre de l'éducation nationale d'accorder le bénéfice de ce système à une mutuelle de fonctionnaires - Atteinte au principe d'égalité - Existence.

MUTUALITE ET COOPERATION - MUTUELLES - QUESTIONS GENERALES - Retenue sur le traitement des fonctionaires adhérents des cotisations perçues - Refus du ministre de l'éducation nationale d'accorder le bénéfice de ce système à une mutuelle de fonctionnaires - Atteinte au principe d'égalité - Existence.


Références :

Loi 80-539 du 16 juillet 1980 art. 6-1
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75


Publications
Proposition de citation: CE, 24 jui. 1998, n° 104605
Publié au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : Mme Aubin
Rapporteur ?: M. Desrameaux
Rapporteur public ?: Mme Roul
Avocat(s) : Me Ricard, Avocat

Origine de la décision
Formation : 4 / 1 ssr
Date de la décision : 24/06/1998
Date de l'import : 06/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 104605
Numéro NOR : CETATEXT000008014373 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;1998-06-24;104605 ?
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