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08/07/1998 | FRANCE | N°173005

France | France, Conseil d'État, 8 / 9 ssr, 08 juillet 1998, 173005


Vu, 1 ) sous le n 173005 la requête sommaire et les mémoires complémentaires, enregistrés les 22 septembre 1995, 19 janvier 1996 et 20 février 1996 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la COMMUNE DE BRUNOY ; la COMMUNE DE BRUNOY demande au Conseil d'Etat :
1 ) d'annuler le jugement du 27 juin 1995 par lequel le tribunal administratif de Versailles, statuant sur la demande présentée par M. Y..., ès qualités de syndic à la liquidation des biens de la SCI Talma, agissant en exécution d'un arrêt de la cour d'appel de Douai du 21 novembre 1994, a décla

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Vu, 1 ) sous le n 173005 la requête sommaire et les mémoires complémentaires, enregistrés les 22 septembre 1995, 19 janvier 1996 et 20 février 1996 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la COMMUNE DE BRUNOY ; la COMMUNE DE BRUNOY demande au Conseil d'Etat :
1 ) d'annuler le jugement du 27 juin 1995 par lequel le tribunal administratif de Versailles, statuant sur la demande présentée par M. Y..., ès qualités de syndic à la liquidation des biens de la SCI Talma, agissant en exécution d'un arrêt de la cour d'appel de Douai du 21 novembre 1994, a déclaré, en premier lieu, que, sauf pour la COMMUNE DE BRUNOY à démontrer devant le juge judiciaire que la promesse de vente du 30 octobre 1969 constitue un titre de droit privé autorisant valablement l'occupation de la parcelle de 25 000 m sur laquelle le lycée Talma a été édifié, l'emprise de cette dernière par la puissance publique est irrégulière, en second lieu, que les auteurs de cette emprise ont successivement été la COMMUNE DE BRUNOY, jusqu'à la remise du lycée Talma à l'Etat, l'Etat à compter de la date à laquelle le lycée lui a été remis, la région d'Ile-de-France depuis le 7 juin 1985, en troisième lieu, que l'emprise par la COMMUNE DE BRUNOY des 70 000 m de terrain faisant l'objet de l'échange de lettres des 30 octobre et 4 novembre 1969, 3 et 4 juin 1970, est irrégulière ;
2 ) de déclarer, à titre principal, qu'aucune emprise irrégulière ne peut être imputée à la COMMUNE DE BRUNOY, à titre subsidiaire, d'exclure de l'emprise irrégulière 19 074 m affectés à des voies de circulation, 9 371 m occupés par le groupe scolaire maternel et primaire Talma et 5 180 m affectés à un terrain de tennis ;

Vu, 2 ) sous le n 173037 la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 25 septembre 1995 et 25 janvier 1996 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la REGION D'ILE DE FRANCE ; la REGION D'ILE-DE-FRANCE demande au Conseil d'Etat :
1 ) d'annuler le jugement ci-dessus analysé du 27 juin 1995 du tribunal administratif de Versailles ;
2 ) de déclarer à titre principal que l'occupation de la parcelle de 25 000 m sur laquelle le lycée Talma a été édifié ne constitue pas une emprise irrégulière ; à titre subsidiaire, qu'en tout état de cause, la REGION D'ILE-DE-FRANCE n'est pas l'auteur de cette emprise ;

Vu 3 ) sous le n 173 380, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 3 octobre 1995, l'ordonnance du 29 septembre 1995 par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Paris a transmis, au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 81 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, la requête présentée devant cette cour par la COMMUNE DE BRUNOY et dirigée contre le jugement ci-dessus analysé du 27 juin 1995 du tribunal administratif de Versailles ; la COMMUNE DE BRUNOY demande que le juge administratif d'appel annule ce jugement attaqué et déclare qu'aucune emprise irrégulière ne peut lui être imputée ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la loi du 30 décembre 1967, d'orientation foncière et le décret du 24 août 1968 pris pour son application ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Maïa, Auditeur,
- les observations de Me Foussard, avocat de la COMMUNE DE BRUNOY,
- de Me Ricard, avocat de la REGION D'ILE-DE-FRANCE,
- et de Me Bertrand, avocat de M. X...,
- les conclusions de M. Bachelier, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les deux requêtes n 173005 et 173380 de la COMMUNE DE BRUNOY et la requête n 173037 de la REGION D'ILE-DE-FRANCE, sont dirigées contre le même jugement du tribunal administratif de Versailles ; qu'il y a lieu de les joindre pour y statuer par une même décision ;
Sur l'intervention de la REGION D'ILE-DE-FRANCE au soutien des requêtes n 173005 et 173380 de la COMMUNE DE BRUNOY :
Considérant que la décision à rendre sur ces requêtes est susceptible de préjudicier aux droits de la REGION D'ILE-DE-FRANCE ; que, dès lors, l'intervention de celle-ci est recevable ;
Sur les conclusions des requêtes :
Considérant que la question posée, à titre préjudiciel par l'arrêt de la cour d'appel de Douai du 21 novembre 1994, saisie d'un litige opposant la COMMUNE DE BRUNOY et M. Y..., agissant ès qualité de syndic à la liquidation de biens de la SCI Talma, est de savoir si l'occupation, par la COMMUNE DE BRUNOY et la REGION D'ILE-DE-FRANCE, de divers terrains d'une superficie de 95 000 m2 situés sur le territoire des COMMUNES DE BRUNOY et d'Epinay-sous-Sénart, peut trouver un fondement légal, soit dans les arrêtés du préfet de l'Essonne des 28 mai et 9 octobre 1969, valant accord préalable au projet de construction présenté par la société Paul Lefort et délivrant à la SCI Talma, en tant que mandataire de la société Paul Lefort, le permis de construire nécessaire à la réalisation du même projet, sous réserve de la cession gratuite de terrains à la COMMUNE DE BRUNOY, soit dans la promesse de vente du 30 octobre 1969 par laquelle la société Paul Lefort s'est engagée à céder gratuitement à la COMMUNE DE BRUNOY un terrain de 25 000 m2 ultérieurement affecté à la construction d'un lycée et dans des échanges de lettres des 30 octobre 1969, 4 novembre 1969, 3 et 4 juin 1970, par lesquelles la société Lefort a confirmé ses engagements quant à la cession, au profit de la COMMUNE DE BRUNOY, de divers terrains d'une superficie totale de 95 000 m2, incluant le terrain déjà mentionné de 25 000 m2 ;
En ce qui concerne l'occupation de la parcelle de 25 000 m2 affectée à la construction du lycée Talma :
Considérant qu'il résulte clairement des termes mêmes de la promesse de vente du 30 octobre 1969 consentie à la COMMUNE DE BRUNOY par la société Paul Lefort et portant sur un terrain de 25 000 m2 destiné à la construction d'un lycée, que l'entrée en jouissance de ce terrain par la COMMUNE DE BRUNOY aurait lieu immédiatement après la signature de cet acte ; qu'ainsi et bien que l'acte authentique prévu dans la promesse de vente du 30 octobre 1969 pour parfaire le transfert de propriété n'ait jamais été établi, l'occupation effective du terrain de 25 000 m par la COMMUNE DE BRUNOY à compter du 15 mai 1970, et à sa suite, par l'Etat, puis par la REGION D'ILE-DE-FRANCE, trouve un fondement légal dans l'acte du 30 octobre 1969 qui n'a été, ni annulé par décision de justice, ni résilié par l'une des parties ; qu'ainsi, la COMMUNE DE BRUNOY et la REGION D'ILE-DE-FRANCE sont fondées à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a déclaré que l'occupation du terrain de 25 000 m par la commune, puis par l'Etat et enfin par la région, constituait une emprise irrégulière ;

En ce qui concerne l'occupation de parcelles d'une superficie de 19 074 m2 :
Considérant, qu'aux termes de l'article 72 de la loi d'orientation foncière du 30 décembre 1967 : "Dans les communes où est instituée la taxe locale d'équipement ... aucune contribution aux dépenses d'équipements publics ne peut être obtenue des constructeurs, notamment sous la forme de participation financière, de fonds de concours ou de réalisation de travaux, à l'exception : 1 des cessions gratuites de terrains destinés à être affectés à divers usages collectifs. Un décret précisera les conditions dans lesquelles ces cessions pourront être obtenues des constructeurs ... Les contributions qui seraient accordées, en violation des dispositions qui précèdent, seraient réputées sans cause" ; qu'aux termes du décret du 24 septembre 1968 : "L'autorité qui délivre le permis de construire ou l'autorisation de lotissement ne peut exiger la cession gratuite de terrains qu'en vue de l'élargissement, du redressement ou de la création de voies publiques et à la condition que les surfaces cédées ne représentent pas plus de 10 pour cent de la surface du terrain sur lequel doit être édifiée la construction projetée ou devant faire l'objet de l'autorisation de lotissement" ;
Considérant qu'il n'est pas sérieusement contesté par le syndic à la liquidation des biens de la SCI Talma qu'à concurrence de 19 074 m2, les terrains cédés à la COMMUNE DE BRUNOY, en application des arrêtés précités du préfet de l'Essonne, ont été affectés à la création et à la réalisation de voies publiques ; que la superficie totale du terrain destiné à servir d'assiette au projet de construction pour lequel un permis de construire a été délivré à la SCI Talma étant de 282 755 m2, le préfet de l'Essonne a pu légalement exiger, sur le fondement des dispositions précitées, la cession gratuite de ces terrains ; qu'ainsi, la COMMUNE DE BRUNOY est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Versailles a déclaré que l'occupation de ces derniers constituait une emprise irrégulière ;
En ce qui concerne l'occupation des autres parcelles :
Considérant que cette partie du litige porte sur l'occupation, d'une part, par la COMMUNE DE BRUNOY et la commune d'Epinay-sous-Sénart, d'une parcelle sur laquelle un groupe scolaire a été construit et, d'autre part, par la COMMUNE DE BRUNOY, de terrains réservés à la création d'un ensemble sportif ;
Considérant qu'il résulte des dispositions, précitées, de la loi du 30 décembre 1967 et du décret du 24 septembre 1968 que la prescription des arrêtés, précités, du préfet de l'Essonne qui a imposé la cession gratuite de ces parcelles à la COMMUNE DE BRUNOY, pour une surface excédant 10 % de celle qui était visée dans la demande de permis de construire en vue de la réalisation d'équipements publics non mentionnés dans le décret précité, est entachée d'illégalité ; que, dès lors, la COMMUNE DE BRUNOY, qui ne peut utilement faire valoir, ni que les arrêtés du préfet de l'Essonne sont devenus définitifs, faute d'avoir été attaqués dans le délai de recours pour excès de pouvoir, ni qu'elle ne serait pas responsable de leur illégalité, ne peut les invoquer comme fondement d'une emprise régulière sur les terrains qu'ils concernent ;

Considérant que le juge administratif n'est compétent pour examiner si des actes de droit privé avaient régulièrement autorisé la COMMUNE DE BRUNOY à occuper ces terrains, que dans la mesure où l'interprétation de ces actes ne soulèveraient pas de difficulté sérieuse ; que la même question se pose à propos de l'occupation d'une part des terrains dont il s'agit par la commune d'Epinay-sous-Sénart, à compter de la date où elle en est devenue propriétaire indivise ;
Considérant que, par deux lettres adressées au maire de Brunoy les 4 novembre 1969 et 4 juin 1970, le président de la société Paul Lefort, tout en rappelant que la loi d'orientation foncière du 30 décembre 1967 ne l'y contraignait pas, a confirmé son engagement sans réserve de céder gratuitement à la COMMUNE DE BRUNOY des terrains destinés à la réalisation d'un parc de sports et à la construction d'une école primaire et d'une école maternelle ; que, toutefois, ces documents n'emportent pas clairement, par eux-mêmes, autorisation à la COMMUNE DE BRUNOY d'occuper ces terrains ; que l'appréciation de la régularité de l'emprise sur ces derniers est donc subordonnée au point de savoir si, par ses engagements répétés de cession gratuite, la société Paul Lefort doit être regardée comme ayant entendu accorder une telle autorisation ; que, eu égard à la difficulté sérieuse que pose cette question d'interprétation des lettres des 4 novembre 1969 et 4 juin 1970, il n'appartient qu'à l'autorité judiciaire de se prononcer à son sujet ; qu'il y a lieu, par suite, pour le Conseil d'Etat, de déclarer que l'occupation par la COMMUNE DE BRUNOY, et en ce qui la concerne, par la commune d'Epinay-sous-Sénart, des parcelles visées par les lettres des 4 novembre 1969 et 4 juin 1970 de la société Paul Lefort constitue une emprise régulière si ces lettres valaient autorisation de les occuper, et, qu'à défaut, cette occupation constitue une emprise irrégulière ;
Article 1er : L'intervention de la REGION D'ILE-DE-FRANCE est admise.
Article 2 : Le jugement du 27 juin 1995 du tribunal administratif de Versailles est annulé.
Article 3 : Il est déclaré que l'occupation par la COMMUNE DE BRUNOY de la parcelle de 25 000 m2 et des terrains, d'une superficie totale de 19 074 m2, qui ont été affectés à la création de voies publiques est régulière.
Article 4 : Il est déclaré que l'occupation des autres terrains par la COMMUNE DE BRUNOY, et en ce qui la concerne, par la commune d'Epinay-sous-Sénart, est régulière, si les lettres des 4 novembre 1969 et 4 juin 1970 de la société Paul Lefort doivent être interprétées en ce sens qu'elles autorisaient aussi la COMMUNE DE BRUNOY à les occuper et qu'à défaut, elle est irrégulière.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE BRUNOY, à la REGION ILE-DE-FRANCE, à M. Y..., syndic à la liquidation de biens de la SCI Talma, à la commune d'Epinay-sous-Sénart et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 8 / 9 ssr
Numéro d'arrêt : 173005
Date de la décision : 08/07/1998
Type d'affaire : Administrative

Analyses

68-03-025-02-02 URBANISME ET AMENAGEMENT DU TERRITOIRE - PERMIS DE CONSTRUIRE - NATURE DE LA DECISION - OCTROI DU PERMIS - PERMIS ASSORTI DE RESERVES OU DE CONDITIONS


Références :

Décret 68-837 du 24 septembre 1968
Loi 67-1253 du 30 décembre 1967 art. 72


Publications
Proposition de citation : CE, 08 jui. 1998, n° 173005
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Maïa
Rapporteur public ?: M. Bachelier

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1998:173005.19980708
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