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29/07/1998 | FRANCE | N°165622

France | France, Conseil d'État, 6 / 2 ssr, 29 juillet 1998, 165622


Vu le recours du MINISTRE DE L'INTERIEUR enregistré le 17 février 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat ; le ministre demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 6 décembre 1994 du tribunal administratif de Versailles en tant qu'il a annulé, à la demande de M. Boualem X..., son arrêté du 10 août 1994 prononçant l'expulsion du territoire français de M. X... ;
2°) de rejeter la demande présentée devant ce tribunal par M. X... et tendant à l'annulation de la décision ministérielle précitée ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la c

onvention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondame...

Vu le recours du MINISTRE DE L'INTERIEUR enregistré le 17 février 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat ; le ministre demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 6 décembre 1994 du tribunal administratif de Versailles en tant qu'il a annulé, à la demande de M. Boualem X..., son arrêté du 10 août 1994 prononçant l'expulsion du territoire français de M. X... ;
2°) de rejeter la demande présentée devant ce tribunal par M. X... et tendant à l'annulation de la décision ministérielle précitée ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme de Silva, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Dévolvé, avocat de M. Boualem X...,
- les conclusions de M. Girardot, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le MINISTRE DE L'INTERIEUR a reçu notification du jugement attaqué le 26 décembre 1994 ; que son recours a été enregistré au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 17 février 1995 ; que M. X... n'est donc pas fondé à soutenir qu'il serait tardif ;
Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 26 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, dans sa rédaction alors applicable "En cas d'urgence absolue et lorsqu'elle constitue une nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique, l'expulsion peut être prononcée par dérogation aux articles 24 et 25" ;
Considérant que le MINISTRE DE L'INTERIEUR, pour prononcer l'expulsion du territoire français de M. X..., ressortissant algérien, par arrêté du 10 août 1994, s'est fondé sur la circonstance que l'intéressé serait l'homme de confiance des principaux responsables en France d'un mouvement qui prône le recours à la violence et au terrorisme auquel il apporterait par ailleurs un soutien logistique sous forme de collecte de fonds et de distributions de publications favorables aux thèses intégristes et à l'action armée ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment des précisions apportées devant le Conseil d'Etat par le MINISTRE DE L'INTERIEUR, qu'en estimant, eu égard aux faits reprochés à M. X..., que l'expulsion de ce dernier constituait une nécessité impérieuse pour la sécurité publique et présentait un caractère d'urgence absolue le MINISTRE DE L'INTERIEUR ait fait des circonstances de l'espèce une appréciation erronée ou se soit fondé sur des faits matériellement inexacts ; que, par suite, c'est à tort que le tribunal administratif de Versailles s'est fondé sur l'insuffisance des éléments fournis par le ministre dans son mémoire en défense pour annuler l'arrêté attaqué ;
Considérant qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X... devant le tribunal administratif et en appel devant le Conseil d'Etat ;
Considérant que l'arrêté attaqué mentionne les textes sur le fondement duquel il a été pris et indique les raisons de fait qui ont conduit à son édiction ; qu'il est ainsi suffisamment motivé ;
Considérant qu'aux termes de l'article 4 du protocole additionnel n° 4 de la convention européenne susvisée : "Les expulsions collectives d'étrangers sont interdites" ; qu'il ressort des pièces du dossier que la décision litigieuse a été prise au vu d'un examen des circonstances particulières de l'espèce ; qu'ainsi, M. X... ne saurait utilement se prévaloir dece que d'autres mesures d'expulsion auraient été prononcées en même temps que la décision qu'il attaque pour soutenir que les stipulations précitées auraient été méconnues ;

Considérant que l'arrêté prononçant l'expulsion de M. X... n'a pas, eu égard à la gravité des faits qui lui sont reprochés, porté une atteinte à sa vie familiale disproportionnée aux buts en vue desquels la mesure a été prise ; qu'ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;
Considérant que l'appel du MINISTRE DE L'INTERIEUR porte uniquement sur la mesure d'expulsion dont M. X... fait l'objet ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne précitée ne saurait être utilement invoqué à l'encontre de ladite décision, qui ne fixe pas le pays vers lequel M. X... devait être reconduit ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DE L'INTERIEUR est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a annulé sa décision ;
Sur les conclusions incidentes de M. X... tendant à la condamnation de l'Etat au versement d'une somme de 600 000 F en réparation du préjudice subi :
Considérant que les conclusions susmentionnées sont nouvelles en cause d'appel ; qu'ainsi, en tout état de cause, elles soulèvent un litige distinct de celui qui résulte de l'appel principal formé par le MINISTRE DE L'INTERIEUR, et ne peuvent par suite qu'être rejetées ;
Sur les conclusions de M. X... tendant à la condamnation de l'Etat au versement de 12 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que les dispositions susvisées font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser une somme à M. X... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'article 2 du jugement du tribunal administratif de Versailles en date du 6 décembre 1994 est annulé.
Article 2 : La demande de M. X... devant le tribunal administratif tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 août 1994 par lequel le MINISTRE DE L'INTERIEUR lui a enjoint de sortir du territoire français et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'intérieur et à M. Boualem X....


Synthèse
Formation : 6 / 2 ssr
Numéro d'arrêt : 165622
Date de la décision : 29/07/1998
Sens de l'arrêt : Annulation rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours pour excès de pouvoir

Analyses

335-02-03 ETRANGERS - EXPULSION - MOTIFS -Eléments établissant le bien-fondé de la mesure - Précisions apportées devant le Conseil d'Etat par le ministre de l'intérieur - Prise en considération par le juge - Existence.

335-02-03 Le ministre de l'intérieur, pour prononcer l'expulsion de M. C., ressortissant algérien, s'est fondé sur la circonstance que l'intéressé serait l'homme de confiance des principaux responsables en France d'un mouvement qui prône le recours à la violence et au terrorisme auquel il apporterait par ailleurs un soutien logistique sous forme de collecte de fonds et de distribution de publications favorables aux thèses intégristes et à l'action armée. Il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment des précisions apportées devant le Conseil d'Etat par le ministre de l'intérieur, qu'en estimant que l'expulsion de M. C. constituait une nécessité impérieuse pour la sécurité publique et présentait un caractère d'urgence absolue, le ministre ait fait des circonstances de l'espèce une appréciation erronée ou se soit fondé sur des faits matériellement inexacts. Annulation du jugement par lequel le tribunal administratif a annulé l'arrêté attaqué en se fondant sur l'insuffisance des éléments fournis par le ministre.


Références :

Arrêté du 10 août 1994
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75
Ordonnance 45-2658 du 02 novembre 1945 art. 26


Publications
Proposition de citation : CE, 29 jui. 1998, n° 165622
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Vught
Rapporteur ?: Mme de Silva
Rapporteur public ?: M. Girardot

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1998:165622.19980729
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