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29/07/1998 | FRANCE | N°169986

France | France, Conseil d'État, 7 / 10 ssr, 29 juillet 1998, 169986


Vu la requête enregistrée le 6 juin 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat et le mémoire complémentaire, enregistré le 6 octobre 1995, présentés pour l'Entreprise JEAN LEFEBVRE dont le siège est ... ; l'Entreprise JEAN LEFEBVRE demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule l'arrêt en date du 6 avril 1995 de la cour administrative d'appel de Nancy en tant qu'il a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement en date du 28 janvier 1992 par lequel le tribunal administratif de Châlons-sur-Marne a rejeté sa demande tendant à la condamnation du département de

la Marne à lui verser la somme de 2 458 585,23 F avec intérêts de d...

Vu la requête enregistrée le 6 juin 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat et le mémoire complémentaire, enregistré le 6 octobre 1995, présentés pour l'Entreprise JEAN LEFEBVRE dont le siège est ... ; l'Entreprise JEAN LEFEBVRE demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule l'arrêt en date du 6 avril 1995 de la cour administrative d'appel de Nancy en tant qu'il a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement en date du 28 janvier 1992 par lequel le tribunal administratif de Châlons-sur-Marne a rejeté sa demande tendant à la condamnation du département de la Marne à lui verser la somme de 2 458 585,23 F avec intérêts de droit capitalisés correspondant au montant des travaux exécutés dans le cadre d'un marché de travaux publics passé entre le département de la Marne et la S.A. Lingat et Cie, et d'autre part l'a condamnée à verser la somme de 4 000 F audit département au titre des frais irrépétibles ; 2°) sursoie à statuer sur la demande de l'entreprise jusqu'au prononcé de la décision du juge judiciaire dans le cadre de la procédure intentée par l'entreprise contre le Crédit d'Equipement des Petites et Moyennes entreprises devant le tribunal de commerce de Paris ;
3°) statuant au fond, condamne le département de la Marne à lui verser la somme de 2 458 585,23 F, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 29 juillet 1988, lesdits intérêts étant capitalisés à la date du pourvoi pour produire eux-mêmes intérêts ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Vu le décret n° 63-766 du 30 juillet 1963 modifié par le décret n° 97-1177 du 24 décembre 1997 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Edouard Philippe, Auditeur,
- les observations de Me Parmentier, avocat de l'Entreprise JEAN LEFEBVRE,
- de la SCP de Chaisemartin, Courjon, avocat du département de la Marne,
- et de la SCP Urtin-Petit, Rousseau-Van Troeyen, avocat du Crédit d'équipement des Petites et Moyennes Entreprises (C.E.P.M.E),
- les conclusions de M. Savoie, Commissaire du gouvernement ;

Sur les conclusions de l'Entreprise JEAN LEFEBVRE tendant à l'annulation de l'arrêt attaqué :
Sur le moyen tiré de la méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le mémoire en défense présenté par le département de la Marne, enregistré au greffe de la cour administrative d'appel le 22 février 1994 avant la date de clôture de l'instruction ne contenait, par rapport au précédent mémoire en défense produit par le département, aucun élément nouveau sur le fond du litige ; que sa communication à l'Entreprise JEAN LEFEBVRE à cet égard n'était donc pas nécessaire ; qu'en revanche, ce mémoire comportait des conclusions tendant à ce que l'Entreprise JEAN LEFEBVRE soit condamnée à verser au département une indemnité de 20 000 F au titre des frais irrépétibles sur le fondement de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ; que, dans ces conditions, la cour administrative d'appel a méconnu le caractère contradictoire de la procédure en statuant sur ces dernières conclusions, et en les accueillant dans la limite de 4 000 F, sans avoir communiqué ledit mémoire à l'entreprise requérante ;
Sur le moyen tiré de ce que la cour a jugé à tort que l'Entreprise JEAN LEFEBVRE n'intervenait pas, en ce qui concerne le lot n° 4 du marché, en qualité de soustraitant agréé et n'avait pas droit au paiement direct par le maître de l'ouvrage :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Lingat et Cie a sous-traité à l'Entreprise JEAN LEFEBVRE, par acte annexé aumarché de travaux concernant l'élargissement et le renforcement de la route départementale n° 396 conclu le 19 mai 1988 entre la société et le département de la Marne, l'ensemble des travaux de ce marché, à l'exception du poste n° 4 relatif à la fabrication et à la fourniture de bétons bitumeux ; que cet acte a été agréé par le maître de l'ouvrage ;
Considérant qu'en déduisant des constatations qui précèdent que la fabrication et la fournitures de bétons bitumeux se trouvaient exclues des prestations ouvrant au sous-traitant droit au paiement direct par le maître de l'ouvrage, du fait de l'acceptation par celui-ci de son intervention, la cour administrative d'appel, qui n'a pas dénaturé la portée des pièces du dossier, n'a pas commis d'erreur de droit ;
Sur le moyen tiré de la faute qu'aurait commise le département de la Marne :

Considérant que si l'Entreprise JEAN LEFEBVRE soutient que le département avait été informé de la qualité de sous-traitant de l'entreprise en ce qui concerne la prestation litigieuse et aurait commis une faute de nature à engager sa responsabilité en ne faisant pas procéder à la régularisation de la situation de l'entreprise, il résulte de ce qui vient d'être dit que le département de la Marne n'a pas commis de faute en ne faisant pas régulariser la situation de l'Entreprise JEAN LEFEBVRE pour un lot dont elle n'était pas sous-traitant ; qu'ainsi le moyen susanalysé ne saurait être retenu ; Sur le moyen tiré de ce que la cour aurait méconnu son obligation de surseoir à statuer dans l'attente du jugement du tribunal de commerce de Paris :
Considérant que la cour administrative d'appel n'était pas tenue de surseoir à statuer sur le litige qui lui était soumis jusqu'à ce que le tribunal de commerce se fût prononcé sur le litige opposant devant lui la société Lingat et Cie et l'Entreprise JEAN LEFEBVRE ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'Entreprise JEAN LEFEBVRE n'est fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué qu'en tant qu'il l'a condamnée à verser la somme de 4 000 F en application de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Considérant qu'il y a lieu pour le Conseil d'Etat, en application de l'article 11 de la loi susvisée du 31 décembre 1987, de régler sur ce point l'affaire au fond dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice et, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Entreprise JEAN LEFEBVRE à payer au département de la Marne la somme de 5 000 F au titre des frais exposés par le département devant la cour administrative d'appel et non compris dans les dépens ;
Sur les conclusions présentées par le département de la Marne et le Crédit d'Equipement des Petites et Moyennes Entreprises et tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, sur le fondement des prescriptions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991, de condamner l'Entreprise JEAN LEFEBVRE à verser respectivement au département de la Marne et au Crédit d'Equipement des Petites et Moyennes Entreprises la somme de 15 000 F qu'ils réclament au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy en date du 6 avril 1995 est annulé en tant qu'il a condamné l'Entreprise JEAN LEFEBVRE à verser au département de la Marne la somme de 4 000 F en application de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de l'Entreprise JEAN LEFEBVRE est rejeté.
Article 3 : L'Entreprise JEAN LEFEBVRE versera au département de la Marne la somme de 20 000 F et la somme de 15 000 F au Crédit d'Equipement des Petites et Moyennes Entreprises en application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'Entreprise JEAN LEFEBVRE, à la société Lingat et Cie, au département de la Marne, au Crédit d'Equipement des Petites et Moyennes Entreprises et au ministre de l'équipement, des transports et du logement.


Synthèse
Formation : 7 / 10 ssr
Numéro d'arrêt : 169986
Date de la décision : 29/07/1998
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours en cassation

Analyses

39-06 MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RAPPORTS ENTRE L'ARCHITECTE, L'ENTREPRENEUR ET LE MAITRE DE L'OUVRAGE.


Références :

Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1
Loi 87-1127 du 31 décembre 1987 art. 11
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75


Publications
Proposition de citation : CE, 29 jui. 1998, n° 169986
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Edouard Philippe
Rapporteur public ?: M. Savoie

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1998:169986.19980729
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