Vu la requête, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 23 août 1995 et le mémoire complémentaire enregistré le 19 juin 1996, présentés par la COMMUNE DE FLAMANVILLE (50340), agissant par son maire en exercice ; la commune demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 9 mai 1995 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande d'annulation pour excès de pouvoir de la décision du préfet de la Manche, notifiée par lettre du 13 octobre 1993, lui refusant une attribution du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cette décision ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'article 42 de la loi de finances rectificative pour 1988, n° 88-1193 du 29 décembre 1988 ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Fabre, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Loloum, Commissaire du gouvernement ;
Sur la recevabilité de la demande de première instance de la COMMUNE DE FLAMANVILLE :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 104 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Les délais de recours contre une décision déférée au tribunal ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision" ;
Considérant qu'en admettant même que la décision contestée par la COMMUNE DE FLAMANVILLE, par laquelle le préfet de la Manche a refusé de lui accorder une attribution du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée, doive être réputée avoir été notifiée au maire de cette commune dès la réception par celui-ci de la lettre que le préfet lui a adressée le 30 avril 1993, et n'avoir été que confirmée par une seconde lettre, du 13 octobre 1993, au vu de laquelle la commune a saisi d'un recours hiérarchique le ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, puis, après rejet de ce recours, le tribunal administratif de Caen, il résulte des dispositions précitées de l'article R. 104 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, à l'application desquelles le fait, allégué par le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation, que la commune ne pouvait ignorer les voies et délais de recours ouverts contre cette décision ne peut faire obstacle, qu'en l'absence de mention de ces voies et délais dans la lettre du préfet de la Manche du 30 avril 1993, le délai que celle-ci aurait fait courir est inopposable à la commune ; qu'ainsi, le ministre n'est pas fondé à soutenir que la demande présentée devant le tribunal administratif de Caen par la COMMUNE DE FLAMANVILLE était tardive et, comme telle, irrecevable ;
Au fond :
Considérant qu'aux termes du III de l'article 42 de la loi de finances rectificative pour 1988, n° 88-1193 du 29 décembre 1988 : "Dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat, les cessions ou mises à disposition au profit d'un tiers ne figurant pas au nombre des collectivités ou établissements bénéficiaires du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée d'une immobilisation ayant donné lieu au versement d'une attribution dudit fonds entraînent le remboursement de ce versement ..." ;
Considérant que ces dispositions impliquent nécessairement que le versement d'une attribution du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée puisse être refusé, à raison d'une immobilisation ayant déjà fait l'objet, lors de la présentation de la demande de versement, d'une cession ou d'une mise à disposition entrant dans les prévisions du texte ;
Mais considérant qu'il ressort tant des travaux préparatoires, que des circonstances qui ont présidé à l'adoption du III précité de l'article 42 de la loi du29 décembre 1988, que, par "mises à disposition au profit d'un tiers", le législateur a entendu viser les seuls cas où les conditions dans lesquelles une immobilisation est remise ou confiée par la collectivité ou l'établissement qui l'a réalisée à un tiers, non bénéficiaire du fonds de compensation, font apparaître que l'investissement a principalement eu pour objet ou pour effet d'avantager ce tiers ;
Considérant que, pour refuser à la COMMUNE DE FLAMANVILLE le bénéfice d'une attribution du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée à raison de la construction, à laquelle cette commune a fait procéder au cours des années 1991 à 1993, d'un établissement destiné à accueillir des personnes âgées dépendantes, le préfet de la Manche s'est uniquement fondé sur le fait que la commune avait, par une convention dite "d'affermage", confié la gestion de cet établissement à une association ayant pour vocation d'exercer, sur le plan national, ce genre d'activité ; qu'en regardant, ainsi, le seul recours de la collectivité aux services d'un gestionnaire comme de nature à constituer une "mise à disposition" du bien au profit d'un tiers, au sens du III de l'article 42 de la loi du 29 décembre 1988, le préfet de la Manche a fondé sa décision sur un motif erroné en droit ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la COMMUNE DE FLAMANVILLE est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande d'annulation pour excès de pouvoir de la décision par laquelle le préfet de la Manche a refusé de lui accorder une attribution du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Caen du 9 mai 1995 et la décision du préfet de la Manche, notifiée par lettre du 13 octobre 1993 au maire de la COMMUNE DE FLAMANVILLE, portant refus d'accorder à celle-ci une attribution du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée, sont annulés.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE FLAMANVILLE et au ministre de l'intérieur.