Vu l'ordonnance en date du 6 novembre 1995, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 10 novembre 1995, par laquelle le président du tribunal administratif de Caen a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 81 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, la demande présentée à ce tribunal par Mme Karima Z... épouse X...
Y... ;
Vu la demande, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Caen, le 18 octobre 1995, présentée par Mme DAOUDI Y... et tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite de rejet résultant du silence gardé pendant plus de quatre mois par le Premier ministre sur le recours gracieux qu'elle lui a adressé et tendant au retrait du décret du 5 avril 1995 rapportant le décret du 2 octobre 1992 en tant que ce décret la naturalisait ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Ribadeau Dumas, Auditeur,
- les conclusions de M. Abraham, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 21-16 du code civil : "Nul ne peut être naturalisé s'il n'a en France sa résidence au moment de la signature du décret de naturalisation" ; qu'aux termes de l'article 27-2 du même code : "Les décrets portant naturalisation ou réintégration peuvent être rapportés sur avis conforme du Conseil d'Etat dans le délai d'un an à compter de leur publication au Journal officiel si le requérant ne satisfait pas aux conditions légales. Si la décision a été obtenue par mensonge ou fraude, ces décrets peuvent être rapportés dans le délai de deux ans à partir de la découverte de la fraude" ;
Considérant que Mme Z... épouse X...
Y... a été naturalisée par décret du 2 octobre 1992 ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'elle a déclaré être célibataire lors du dépôt de sa demande de naturalisation alors qu'elle avait épousé le 18 août 1990 un ressortissant marocain résidant en Italie ; qu'ainsi, elle n'avait pas fixé en France de manière stable le centre de ses intérêts et ne satisfaisait pas à la condition de résidence fixée par les dispositions précitées de l'article 21-16 du code civil ; que si Mme DAOUDI Y... invoque la circonstance que, selon la tradition marocaine, le mariage n'est accompli et consommé qu'après une cérémonie familiale, sa bonne foi n'est pas établie ; qu'ainsi, le décret ayant prononcé sa naturalisation doit être regardé comme ayant été obtenu par mensonge ; que le délai de deux ans imparti au gouvernement pour prononcer le retrait de la naturalisation de Mme DAOUDI Y... a commencé à courir à la date à laquelle l'existence du mariage de l'intéressée a été portée à la connaissance du ministre des affaires sociales, autorité compétente pour proposer la naturalisation, par le ministre des affaires étrangères, soit le 9 décembre 1993 ; qu'ainsi, le décret du 5 avril 1995, rapportant le décret du 2 octobre 1992, a été pris dans le délai légal ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le décret du 5 avril 1995 a légalement rapporté le décret du 2 octobre 1992 en tant qu'il concernait la requérante ; que celleci n'est, dès lors, pas fondée à demander l'annulation de la décision du Premier ministre refusant de rapporter le décret du 5 avril 1995 ;
Article 1er : La requête de Mme Z... épouse X...
Y... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme Karima Z... épouse X...
Y..., au Premier ministre et au ministre de l'emploi et de la solidarité.