Vu la requête, enregistrée le 23 janvier 1996 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Ambroise X..., M. André X... et Mme Françoise X..., demeurant ... ; M. Ambroise X..., M. André X... et Mme Françoise X... demandent que le Conseil d'Etat :
1°) annule l'arrêt du 27 novembre 1995 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté leur demande tendant 1) à l'annulation du jugement du 23 juin 1994 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande tendant à la condamnation du centre hospitalier général de Castres à la réparation des préjudices issus des dommages subis par M. Ambroise X... à la suite de son hospitalisation audit centre ;
2°) condamne ledit centre à verser à M. André X... et à Mme Françoise X... une somme de 300 000 F chacun en réparation de leur préjudice moral, avec intérêts au taux légal à compter du 22 juillet 1991 ;
3°) ordonne une expertise afin d'évaluer l'étendue du préjudice subi par M. Ambroise X... ;
4°) condamne ledit centre à verser à M. Ambroise X... une somme de 500 000 F à titre provisionnel ;
5°) condamne ledit centre à leur verser une somme de 10 000 F au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Keller, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Blanc, avocat de M. Ambroise X... et de M. et Mme X... et de la SCP Boré, Xavier, avocat du centre hospitalier général de Castres,
- les conclusions de M. Chauvaux, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'à l'appui de leur requête d'appel M. et Mme X... avaient produit une lettre qu'ils avaient adressée le 22 juillet 1991, par l'intermédiaire de leur avocat, à la direction de l'action sociale de Toulouse ; qu'après avoir souverainement interprété cette lettre comme traduisant la volonté de ses auteurs de mettre en cause la responsabilité du centre hospitalier général de Castres à raison des soins prodigués au jeune Ambroise X... lors de son hospitalisation et de demander réparation à cet établissement des préjudices subis par eux, la cour administrative d'appel de Bordeaux a estimé "que si le directeur de l'action sociale, représentant de l'Etat dans le département, était tenu", en application des dispositions de l'article 7 du décret n° 83-1025 du 28 novembre 1983, "de transmettre cette demande au directeur du centre hospitalier général de Castres compétent pour y statuer, la non transmission de ladite demande n'a pas eu pour effet de faire naître une décision implicite de rejet de la part de l'établissement public communal" ;
Considérant qu'aux termes de l'article 7 du décret n° 83-1025 du 28 novembre 1983 concernant les relations entre l'administration et les usagers : "Toute autorité de l'Etat ou d'un établissement public administratif de l'Etat, saisie d'une demande dont l'examen relève d'une autre autorité, est tenue, quelle que soit la personne morale dont relève cette autorité, de transmettre la demande à l'autorité compétente. La transmission est réputée faite dès le dépôt de la demande ..." ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le directeur de l'action sociale de Toulouse, fonctionnaire relevant de l'autorité de l'Etat, était tenu de transmettre cette demande dont il était saisi à l'autorité compétente, le directeur du centre hospitalier général de Castres, alors même que cet établissement constitue un établissement public à caractère communal ; qu'en application de ces mêmes dispositions, le centre hospitalier doit être regardé comme ayant implicitement rejeté la demande des consorts X..., à l'expiration d'un délai de 4 mois après le dépôt de cette demande à la direction de l'action sociale de Toulouse ; que, dès lors, en estimant que la "non transmission de ladite demande n'a pas eu pour effet de faire naître une décision implicite de rejet de la part de l'établissement public communal", la cour a méconnu les dispositions précitées de l'article 7 du décret du 28 novembre 1983 et a commisune erreur de droit ; qu'il s'ensuit que son arrêt doit être annulé ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions susvisées et de condamner le centre hospitalier général de Castres à verser à M. et Mme X... la somme qu'ils demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Considérant, en revanche, que ces mêmes dispositions font obstacle à ce que M. et Mme X..., qui ne sont pas la partie perdante en la présente espèce, soient condamnés à verser au centre hospitalier la somme demandée par ce dernier au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'arrêt du 27 novembre 1995 de la cour administrative d'appel de Bordeaux est annulé.
Article 2 : Le jugement de l'affaire est renvoyé à la cour administrative d'appel de Bordeaux.
Article 3 : Le centre hospitalier général de Castres versera une somme de 10 000 F à M. et Mme X... en application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 4 : Les conclusions du centre hospitalier général de Castres tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Ambroise X..., à M. André X..., à Mme Françoise X..., au centre hospitalier général de Castres et au ministre de l'emploi et de la solidarité.