La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/07/1998 | FRANCE | N°189071

France | France, Conseil d'État, 1 / 4 ssr, 29 juillet 1998, 189071


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 18 juillet et 18 novembre 1997 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le Syndicat national des pharmaciens praticiens hospitaliers et praticiens hospitaliers universitaires (SNPHPU), dont le siège est ... à Moulin à Paris (75005), représenté par son président en exercice ; le Syndicat national des pharmaciens praticiens hospitaliers et praticiens hospitaliers universitaires demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 97-529 du 26 mai 1997 ;

) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 15 000 F en application...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 18 juillet et 18 novembre 1997 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le Syndicat national des pharmaciens praticiens hospitaliers et praticiens hospitaliers universitaires (SNPHPU), dont le siège est ... à Moulin à Paris (75005), représenté par son président en exercice ; le Syndicat national des pharmaciens praticiens hospitaliers et praticiens hospitaliers universitaires demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 97-529 du 26 mai 1997 ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 15 000 F en application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu la loi n° 92-1279 du 8 décembre 1992 et notamment son article 26 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Boissard, Auditeur,
- les observations de SCP Masse-Dessen, Georges, Thouvenin, avocat du Syndicat national des pharmaciens praticiens hospitaliers et praticiens hospitaliers universitaires,
- les conclusions de M. Bonichot, Commissaire du gouvernement ;

Sur la légalité externe du décret attaqué :
Considérant que les dispositions du décret attaqué ne diffèrent pas de celles figurant soit dans le projet de texte soumis à l'avis du Conseil d'Etat, soit dans la version adoptée par celui-ci ; que le syndicat requérant n'est donc pas fondé à soutenir que le décret attaqué serait entaché d'incompétence ;
Sur la légalité interne du décret attaqué :
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 596 introduit dans le code de la santé publique par la loi n° 92-1279 du 8 décembre 1992 : "La fabrication, l'importation, l'exportation et la distribution en gros des médicaments, produits et objets mentionnés à l'article L. 512, la fabrication, l'importation et la distribution des médicaments destinés à être expérimentés sur l'homme ainsi que l'exploitation de spécialités pharmaceutiques ou autres médicaments ne peuvent être effectuées que dans des établissements pharmaceutiques régis par la présente section" ; qu'aux termes du deuxième alinéa de ce même article : "Toute entreprise qui comporte au moins un établissement pharmaceutique doit être la propriété d'un pharmacien ou d'une société à la gérance ou à la direction générale de laquelle participe un pharmacien (...)" ; que l'article L. 598 du même code subordonne l'ouverture d'un établissement pharmaceutique souhaitant notamment fabriquer, exploiter ou importer des médicaments à la possession d'une autorisation délivrée par l'Agence du médicament ; que, toutefois, en vertu de l'article 26 de la loi susvisée du 8 décembre 1992 : "Par dérogation aux dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 596 du code de la santé publique, les établissements publics de santé fabriquant industriellement des médicaments à la date du 31 décembre 1991 peuvent, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, demander à bénéficier de l'autorisation prévue à l'article L. 598 dudit code" ; que le décret attaqué, pris sur le fondement des dispositions précitées, précise le régime juridique applicable aux établissements pharmaceutiques créés en leur sein par les établissements publics de santé ;
En ce qui concerne les conclusions dirigées contre les articles 1er et 2 du décret attaqué :
Considérant que, si les articles L. 711-1 et L. 711-2 du code de la santé publique disposent que les établissements de santé, publics ou privés, sont chargés d'assurer le diagnostic, la surveillance et le traitement des malades, des blessés et des femmes enceintes et ont pour objet de dispenser des soins, ceux-ci ont été, par ailleurs, autorisés, par l'article 26 précité de la loi du 8 décembre 1992, à se livrer, dans le cadre défini par cet article, aux activités visées par le premier alinéa de l'article L. 596 du code de la santé publique ; que, par suite, lemoyen tiré de ce que les dispositions des articles 1er et 2 du décret attaqué, en ce qu'elles autorisent les établissements publics de santé à exercer une activité dévolue à un établissement pharmaceutique privé, méconnaîtraient les articles L. 711-1 et L. 711-2 du code de la santé publique doit être écarté ;

Considérant, d'autre part, que le décret attaqué dispose à son article 2 que : "Les activités des établissements pharmaceutiques gérés par les établissements publics de santé ne peuvent concerner que des médicaments répondant à des besoins de santé publique qui ne sont pas déjà satisfaits par les médicaments disponibles en France et bénéficiant de l'autorisation de mise sur le marché prévue à l'article L. 601 du code de la santé publique ou de l'autorisation temporaire d'utilisation prévue à l'article L. 601-2 du même code" ; que ces dispositions, qui permettent, dans des limites strictement définies, aux établissements publics de santé de procéder à la fabrication et à la commercialisation de certaines spécialités pharmaceutiques ou de certains médicaments ayant obtenu une autorisation de mise sur le marché ou une autorisation temporaire d'utilisation délivrée par l'Agence du médicament en vertu des dispositions des articles L. 601 et L. 601-2 du code de la santé publique, n'autorisent pas, en revanche, lesdits établissements à commercialiser ou à distribuer à l'extérieur les médicaments que leur pharmacie à usage intérieur est, en vertu des dispositions du 2° de l'article L. 511-1 dudit code, habilitée à préparer, sur prescription médicale, pour le seul usage des patients de l'établissement, en raison de l'absence de spécialité pharmaceutique disponible ou adaptée ; que la dérogation prévue à l'article 26 précitée de la loi du 8 décembre 1992 ne faisait pas obstacle à ce que son bénéfice ne fût que partiellement reconnu aux établissements publics de santé ; que, par suite, le moyen tiré de ce que les dispositions précitées de l'article 2 du décret attaqué méconnaîtraient les dispositions du 2° de l'article L. 511-1 du code de la santé publique relatives aux préparations hospitalières ne peut qu'être écarté ;

En ce qui concerne les conclusions dirigées contre l'article 4 du décret attaqué :
Considérant que l'article L. 714-20 du code de la santé publique prévoit que, pour l'accomplissement de leurs missions, les établissements publics de santé autres que les hôpitaux locaux sont organisés en services ou en départements créés par le conseil d'administration, lesquels sont constitués d'unités fonctionnelles, c'est-à-dire de "structures élémentaires de prise en charge des malades par une équipe soignante ou médico-technique (...) ainsi que des structures médico-techniques qui leur sont associées", un service pouvant être, à titre exceptionnel, constitué d'une seule unité fonctionnelle lorsque celle-ci "ne présente pas de complémentarité directe avec d'autres unités de même discipline ou qu'il n'existe pas d'unité ayant la même activité" ; que l'article L. 714-21 du même code fixe les règles de nomination et de révocation des chefs de service et de départements, qui doivent être des praticiens hospitaliers, et prévoit notamment que ceux-ci sont nommés par le ministre chargé de la santé après avis de la commission médicale d'établissement et du conseil d'administration ; que les dispositions précitées de l'article 26 de la loi du 8 décembre 1992 n'autorisaient pas l'auteur du décret attaqué à déroger, pour l'organisation des établissements pharmaceutiques gérés par les établissements publics de santé, aux règles générales fixées par les dispositions susanalysées des articles L. 714-20 et L. 714-21 du code de la santé publique ; que, par suite, le syndicat requérant est fondé à soutenir que les dispositions du deuxième alinéa du paragraphe I de l'article 4 du décret attaqué, qui prévoient que le pharmacien responsable placé à la tête de l'établissement pharmaceutique est désigné par le directeur général ou par le directeur de l'établissement public de santé, méconnaissent les dispositions de l'article L. 714-21 du code de la santé publique ; qu'il résulte de ce qui précède que l'article 4, à l'exception des dispositions du paragraphe I aux termes desquelles : "Dans chacun des établissements publics de santé visés à l'article 1er le ou les établissements pharmaceutiques sont placés sous la responsabilité d'un pharmacien responsableau sens du troisième alinéa de l'article L. 596 du code de la santé publique. Celui-ci est choisi parmi les pharmaciens mentionnés au 2° du premier alinéa de l'article L. 714-27 du code de la santé publique", et l'article 5 du décret attaqué, lesquels forment un ensemble indivisible, doivent être annulés ;

En ce qui concerne les conclusions dirigées contre l'article 7 du décret attaqué :
Considérant que l'article 7 du décret attaqué prévoit que : "Lorsqu'un établissement de santé crée en son sein plusieurs établissements pharmaceutiques, chacun de ceux-ci est placé sous le contrôle d'un pharmacien délégué (...) choisi parmi les personnels mentionnés au 2° du premier alinéa et au deuxième alinéa de l'article L. 714-27 du code de la santé publique" ; qu'il résulte de ces dispositions, combinées avec les dispositions du 2° du premier alinéa et du deuxième alinéa de l'article L. 714-27 dudit code, que les pharmaciens délégués doivent être choisis soit parmi les pharmaciens qui ont le statut de praticiens hospitaliers, soit parmi des pharmaciens recrutés par voie contractuelle ; que, par suite, manque en fait le moyen tiré de ce que les dispositions de l'article 7 du décret attaqué, en prévoyant que puissent exercer les fonctions de pharmacien délégué des agents qui n'ont pas la qualité de pharmacien, méconnaîtraient les dispositions du quatrième alinéa de l'article L. 596 du code de la santé publique, qui imposent la présence, à la tête de chaque établissement pharmaceutique appartenant à une même entreprise, d'un pharmacien délégué ;
Sur les conclusions du Syndicat national des pharmaciens praticiens hospitaliers et praticiens hospitaliers universitaires tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 et de condamner l'Etat à payer au Syndicat national des pharmaciens praticiens hospitaliers et praticiens hospitaliers universitaires la somme de 15 000 F qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'article 4, à l'exception des dispositions du paragraphe I aux termes desquelles : "Dans chacun des établissements publics de santé visés à l'article 1er le ou les établissements pharmaceutiques sont placés sous la responsabilité d'un pharmacien responsable au sens du troisième alinéa de l'article L. 596 du code de la santé publique. Celui-ci est choisi parmi les pharmaciens mentionnés au 2° du premier alinéa de l'article L. 714-27 du code de la santé publique" et l'article 5 du décret du 26 mai 1997 sont annulés.
Article 2 : L'Etat versera au Syndicat national des pharmaciens praticiens hospitaliers et praticiens hospitaliers universitaires une somme de 15 000 F.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête du Syndicat national des pharmaciens praticiens hospitaliers et praticiens hospitaliers universitaires est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au Syndicat national des pharmaciens praticiens hospitaliers et praticiens hospitaliers universitaires et au ministre de l'emploi et de la solidarité.


Synthèse
Formation : 1 / 4 ssr
Numéro d'arrêt : 189071
Date de la décision : 29/07/1998
Sens de l'arrêt : Annulation partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours pour excès de pouvoir

Analyses

ACTES LEGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITE DES ACTES ADMINISTRATIFS - VIOLATION DIRECTE DE LA REGLE DE DROIT - LOI - VIOLATION - Code de la santé publique - Article L - 714-21 - Article 4 du décret du 26 mai 1997 - prévoyant la désignation du pharmacien responsable de l'établissement pharmaceutique par le directeur général ou le directeur de l'établissement public de santé.

01-04-02-02, 61-06-01 Les dispositions de l'article 4 du décret n° 97-529 du 26 mai 1997, qui prévoient que le pharmacien responsable placé à la tête de l'établissement pharmaceutique est désigné par le directeur général ou par le directeur de l'établissement public de santé, méconnaissent l'article L.714-21 du code de la santé publique, qui dispose que les chefs de services et de départements des établissements publics de santé doivent être des praticiens hospitaliers et sont nommés par le ministre chargé de la santé après avis de la commission médicale d'établissement et du conseil d'administration, les dispositions de l'article 26 de la loi du 8 décembre 1982 n'autorisant pas le pouvoir réglementaire à déroger, pour l'organisation des établissements pharmaceutiques gérés par des établissements publics de santé, aux règles générales fixées par les dispositions de l'article L.714-21.

SANTE PUBLIQUE - ETABLISSEMENTS PUBLICS D'HOSPITALISATION - ORGANISATION - Pharmacie à usage intérieur - Désignation du pharmacien responsable par le directeur général ou le directeur de l'établissement public de santé - Illégalité.


Références :

Code de la santé publique L598, L711-1, L711-2, L596, L601, L601-2, L511-1, 26, L714-20, L714-21, L714-27
Décret 97-529 du 26 mai 1997 art. 4, art. 5 décision attaquée annulation
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75
Loi 92-1279 du 08 décembre 1992 art. 26


Publications
Proposition de citation : CE, 29 jui. 1998, n° 189071
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Vught
Rapporteur ?: Mme Boissard
Rapporteur public ?: M. Bonichot
Avocat(s) : SCP Masse-Dessen, Georges, Thouvenin, Avocat

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1998:189071.19980729
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award