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04/09/1998 | FRANCE | N°188908

France | France, Conseil d'État, President de la section du contentieux, 04 septembre 1998, 188908


Vu la requête enregistrée le 8 juillet 1997 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Abderrahman X... demeurant chez Me Pierre-Henri Y... 20, place Saint-Sauveur à Caen (14000) ; M. X... demande au président de la section du Contentieux du Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 4 juin 1997 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 30 mai 1997 par lequel le préfet de la Manche a décidé sa reconduite à la frontière ;
2°) d'annuler pour

excès de pouvoir ledit arrêté ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'or...

Vu la requête enregistrée le 8 juillet 1997 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Abderrahman X... demeurant chez Me Pierre-Henri Y... 20, place Saint-Sauveur à Caen (14000) ; M. X... demande au président de la section du Contentieux du Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 4 juin 1997 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 30 mai 1997 par lequel le préfet de la Manche a décidé sa reconduite à la frontière ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir ledit arrêté ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- les conclusions de Mme Maugüé, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. X... avait soutenu devant le tribunal administratif de Caen que le préfet de la Manche était territorialement incompétent pour décider sa reconduite à la frontière ; que le jugement attaqué en date du 4 juin 1997 ne répond pas à ce moyen ; qu'il doit, par suite, être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Caen ;
Considérant qu'aux termes de l'article 22-I de l'ordonnance du 2 novembre 1945 susvisée ... "Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police, peuvent par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants ...1° si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et qu'il n'est pas contesté, que M. X... qui est entré irrégulièrement sur le territoire et ne dispose pas de titre de séjour, se trouve dans le cas prévu à l'article susmentionné, où le préfet peut décider la reconduite à la frontière d'un étranger ;
Considérant d'une part que le préfet du département dans lequel a été constatée l'irrégularité de la situation d'un étranger au regard des dispositions de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 est compétent pour décider la reconduite à la frontière de l'intéressé ; que, par suite, M. X... ayant été interpellé à la gare maritime de Cherbourg, le préfet de la Manche était territorialement compétent pour prendre l'arrêté du 30 mai 1997 décidant sa reconduite à la frontière ; que d'autre part il ressort des pièces du dossier que le secrétaire général de la préfecture de la Manche disposait, à la date de cet arrêté, d'une délégation de signature régulière ; que le moyen tiré de ce que cette autorité n'avait pas compétence pour signer l'arrêté attaqué doit, dès lors, être écarté ;
Considérant que l'arrêté du préfet de la Manche, qui énonce les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, notamment l'entrée et le séjour irréguliers de M. X... sur le territoire, est suffisamment motivé ;
Considérant que si M. X... a été condamné, par un jugement en date du 29 mai 1997 du tribunal correctionnel de Cherbourg, à une peine de huit mois et quinze jours d'emprisonnement pour entrée et séjour irréguliers sur le territoire et usage de document administratif falsifié, par un jugement non définitif à la date de l'arrêté attaqué, l'intervention de l'arrêté attaqué ne faisait pas obstacle à ce que l'intéressé interjette appel dudit jugement ; qu'ainsi, M. X... n'est, en tout état de cause, pas fondé à soutenir que ledit arrêté, en lui interdisant d'interjeter appel du jugement précité, aurait méconnu l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant que, l'arrêté attaqué ayant été pris sur le fondement des dispositions précitées du 1° de l'article 22-I de l'ordonnance du 2 novembre 1945, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 5° du même article est inopérant ;
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "1° -Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2° -Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et des libertés d'autrui" ;
Considérant que si M. X... est marié à une ressortissante française résidant en France, il ne ressort pas des pièces du dossier, eu égard aux conditions du séjour en France de l'intéressé et aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, qu'en prenant l'arrêté attaqué, le préfet de la Manche ait porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée par rapport au but en vue duquel il a été pris ; qu'ainsi M. X... n'est pas fondé à soutenir que ledit arrêté aurait été pris en méconnaissance de l'article 8 susvisé de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du préfet de la Manche du 30 mai 1997 ;
Article 1er : Le jugement du conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Caen en date du 4 juin 1997 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Caen et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. X..., au préfet de la Manche et au ministre de l'intérieur.


Type d'affaire : Administrative

Analyses

335-03 ETRANGERS - RECONDUITE A LA FRONTIERE.


Références :

Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 04 novembre 1950 art. 6, art. 8
Ordonnance 45-2658 du 02 novembre 1945 art. 22


Publications
Proposition de citation: CE, 04 sep. 1998, n° 188908
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M FAURE
Rapporteur public ?: Mme Maugüé

Origine de la décision
Formation : President de la section du contentieux
Date de la décision : 04/09/1998
Date de l'import : 06/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 188908
Numéro NOR : CETATEXT000008006300 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;1998-09-04;188908 ?
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