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09/09/1998 | FRANCE | N°190428

France | France, Conseil d'État, 3 ss, 09 septembre 1998, 190428


Vu la requête, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 29 septembre 1997, présentée par Mme Maria X..., épouse Y..., demeurant ... ; Mme X..., épouse Y... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 11 septembre 1997 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police en date du 20 août 1997 décidant qu'elle serait reconduite à la frontière ;
2°) qu'il soit sursis à l'exécution dudit jugement ;
3°) d'ordonner qu'il

soit délivré une autorisation provisoire de séjour ;
4°) que l'Etat soit condamn...

Vu la requête, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 29 septembre 1997, présentée par Mme Maria X..., épouse Y..., demeurant ... ; Mme X..., épouse Y... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 11 septembre 1997 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police en date du 20 août 1997 décidant qu'elle serait reconduite à la frontière ;
2°) qu'il soit sursis à l'exécution dudit jugement ;
3°) d'ordonner qu'il soit délivré une autorisation provisoire de séjour ;
4°) que l'Etat soit condamné à payer la somme de 10 000 F au titre des frais irrépétibles ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée, notamment par laloi du 2 août 1989, la loi du 10 janvier 1990, la loi du 26 février 1992 et la loi du 24 août 1993 ;
Vu la loi n° 80-539 du 16 juillet 1980 modifiée ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Delion, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Touvet, Commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens :
Considérant qu'aux termes du quatrième alinéa de l'article 22 bis I de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : "L'audience est publique. Elle se déroule sans conclusions du commissaire du gouvernement, en présence de l'intéressé, sauf si celui-ci, dûment convoqué, ne se présente pas. L'étranger est assisté de son conseil s'il en a un. Il peut demander au président ou à son délégué qu'il lui soit désigné d'office" et qu'aux termes de l'article R. 241-5 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "L'étranger peut, dès le dépôt de sa requête, demander qu'un avocat soit désigné d'office ; le président du tribunal administratif en informe aussitôt le bâtonnier de l'ordre des avocats près le tribunal de grande instance dans le ressort duquel se tiendra l'audience. Le bâtonnier effectue la désignation sans délai" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme X..., épouse Y..., a demandé qu'un avocat soit désigné d'office ; qu'en ne donnant pas suite à cette demande, le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris a méconnu le droit de l'intéressée d'être assistée par un avocat ; qu'il suit de là que le jugement attaqué en date du 11 septembre 1997 est intervenu sur une procédure irrégulière et doit être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions présentées par Mme X..., épouse Y..., devant le tribunal administratif de Paris ;
Sur la légalité de l'arrêté attaqué :
Considérant que le préfet de police, qui est l'auteur de la décision attaquée, a la qualité de défendeur dans la présente instance ; que, par suite, la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt pour agir du préfet de police opposé par Mme X..., épouse Y..., ne peut qu'être rejetée ;
Considérant qu'aux termes de l'article 22-I de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : "Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : ... 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire français au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait" ;
Considérant qu'il n'est pas contesté que Mme X..., épouse Y..., de nationalité roumaine et entrée en France le 23 octobre 1995, s'est vu refuser la qualité de réfugiée par une décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides en date du 6 décembre 1996, confirmée par la commission des recours des réfugiés le 19 mars 1997 ; qu'elle s'est maintenue sur le territoire français plus d'un mois après la notification de la décision du préfet de police du 24 avril 1997 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'elle se trouvait ainsi dans le cas visé au 3° de l'article 22-I de l'ordonnance du 2 novembre 1945 dans lequel le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 20 août 1997, par lequel le préfet de police a décidé la reconduite à la frontière de Mme X..., épouse Y..., énonce de façon précise les circonstances qui justifient qu'il soit fait application à l'intéressée des dispositions de l'article 22-I-3 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée ; que, par suite, il est suffisamment motivé ;
Considérant qu'en l'absence de caractère suspensif du recours gracieux que Mme X..., épouse Y..., a formé contre la décision du préfet de police du 24 avril 1997 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire, la circonstance que l'arrêté de reconduite à la frontière soit intervenu avant que le préfet de police ait statué sur ce recours gracieux ne l'entache pas d'illégalité ; que, d'autre part, Mme X..., épouse Y..., ne saurait, en tout état de cause, se prévaloir des dispositions de la circulaire du 24 juin 1997 qui est dépourvue de caractère réglementaire ; que la circonstance que le préfet de police n'avait pas pris en compte les termes de ladite circulaire pour examiner le recours gracieux qu'elle avait présenté contre la décision du refus de séjour est sans influence sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière ;
Considérant que si Mme X..., épouse Y..., fait valoir en outre que l'arrêté attaqué porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie familiale, il ressort des pièces du dossier que, compte tenu de la durée et des conditions de séjour en France de Mme X..., épouse Y..., et de la circonstance que son mari et sa fille font également l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté attaqué n'a pas porté au respect dû à sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et n'est donc pas intervenu en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme X..., épouse Y..., n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté en date du 20 août 1997 ordonnant sa reconduite à la frontière ;
Sur la décision distincte fixant le pays de destination :
Considérant que si Mme X..., épouse Y..., soutient qu'elle risque de faire l'objet de persécutions en cas de reconduite dans son pays d'origine, elle n'assortit sesallégations d'aucune justification probante de nature à établir la réalité de ces risques dont l'office français de protection des réfugiés et apatrides et la commission des recours des réfugiés n'ont d'ailleurs pas retenu l'existence ;
Sur les conclusions tendant à ce qu'il soit ordonné à l'administration de délivrer une autorisation provisoire de séjour à la requérante :
Considérant qu'en dehors des cas prévus par l'article 6-1 de la loi du 16 juillet 1980, issu de la loi du 8 février 1995, qui ne sont pas applicables en l'espèce, il n'appartient pas au Conseil d'Etat de prononcer des injonctions à l'encontre de l'administration ;
Sur les conclusions de Mme X..., épouse Y..., tendant à l'application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à payer à Mme X..., épouse Y..., la somme de 10 000 F qu'elle réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 11 septembre 1997 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme X..., épouse Y..., devant le tribunal administratif de Paris et le surplus des conclusions de sa requête d'appel sont rejetés.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme Maria X..., épouse Y..., au préfet de police et au ministre de l'intérieur.


Type d'affaire : Administrative

Analyses

335-03 ETRANGERS - RECONDUITE A LA FRONTIERE.


Références :

Circulaire du 24 juin 1997
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel R241-5
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 04 novembre 1950 art. 8
Loi 80-539 du 16 juillet 1980 art. 6-1
Loi 95-125 du 08 février 1995 art. 75
Ordonnance 45-2658 du 02 novembre 1945 art. 22 bis, art. 22


Publications
Proposition de citation: CE, 09 sep. 1998, n° 190428
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Delion
Rapporteur public ?: M. Touvet

Origine de la décision
Formation : 3 ss
Date de la décision : 09/09/1998
Date de l'import : 06/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 190428
Numéro NOR : CETATEXT000008008367 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;1998-09-09;190428 ?
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