Vu la requête enregistrée le 21 septembre 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Patrick X..., demeurant au Relais de Ciral, Bourg de Ciral, à Carrouges (61320) ; M. X... demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 15 juin 1995 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à ce que soit annulé pour excès de pouvoir la décision du 9 décembre 1994 du ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle, rejetant le recours hiérarchique qu'il avait formé contre la décision du 29 juillet 1994 de l'inspecteur du travail de Melun, autorisant la société Champenoise d'Hypermarchés à le licencier ;
2°) annule ces deux décisions ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu la loi n° 95-884 du 3 août 1995 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Olléon, Auditeur,
- les conclusions de M. Bachelier, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'en vertu des dispositions des articles L. 236-11, L. 412-18, L. 425-1 et L. 436-1 du code du travail, les délégués du personnel, titulaires et suppléants, les membres, titulaires et suppléants, du comité d'entreprise, les délégués syndicaux et les membres du comité d'hygiène et de sécurité et des comités de travail, qui bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle, ne peuvent être licenciés qu'avec l'autorisation de l'inspecteur du travail ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par l'intéressé ou avec son appartenance syndicale ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre compétent, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables à son contrat de travail et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ;
Considérant que, par une décision du 29 juillet 1994 l'inspecteur du travail de Melun a autorisé la société Champenoise d'Hypermarchés à licencier pour faute M. X..., délégué syndical, délégué du personnel suppléant, membre suppléant du comité d'entreprise et membre du C.H.S.C.T, auquel il était reproché d'avoir, de son propre chef, négocié avec le fournisseur des plantes vertes exposées dans le rayon de l'hypermarché "Continent", à Montereau (Yonne), dont il avait la charge, un arrangement par lequel il avait accepté, moyennant le paiement de sommes en espèces, d'assurer l'arrosage de ces plantes et d'avoir abusé de son autorité de chef de rayon en imposant à des employées du magasin d'effectuer ce travail, non déclaré, en contrepartie d'une rémunération prélevée sur les fonds remis par le fournisseur ; que, par une décision du 9 décembre 1994, le ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle, saisi d'un recours hiérarchique par M. X..., a confirmé cette décision ; que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté la demande de M. X... tendant à l'annulation de ces décisions ;
Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'arrangement incriminé n'ait pas été négocié par le supérieur hiérarchique de M. X... et que celui-ci ne se serait pas borné, en sa qualité de chef de rayon, à le mettre en oeuvre, sous son autorité ; qu'il n'est pas davantage établi que M. X... ignorait que la direction du magasin n'avait pas été informée de cet arrangement ; qu'enfin, rien ne permet de conclure que M. X... ait tiré de l'opération un quelconque avantage financier personnel ; qu'ainsi, la faute commise par M. X... ne peut être regardée, dans les circonstances de l'espèce, comme ayant été d'une gravité suffisant à justifier son licenciement ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande d'annulation des décisions de l'inspecteur du travail de Melun autorisant son licenciement et de la décision ministérielle qui a confirmé cette autorisation ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Versailles du 15 juin 1995, ainsi que la décision du 29 juillet 1994 par laquelle l'inspecteur du travail de Melun a autorisé la société Champenoise d'Hypermarchés à licencier M. X... et la décision du 9 décembre 1994 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle a confirmé cette décision, sont annulés.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Patrick X..., à la société Champenoise d'Hypermarchés et au ministre de l'emploi et de la solidarité.