Vu la requête, enregistrée le 11 janvier 1994 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. et Mme Richard X..., demeurant à la Grande Côte, route de Cosne à Désertines (03630) ; M. et Mme X... demandent au Conseil d'Etat d'annuler le jugement du 2 novembre 1993 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leur demande tendant :
1°) à l'annulation pour excès de pouvoir, d'une part, de l'arrêté du 4 février 1992 par lequel le préfet de l'Allier a rejeté leur demande tendant à être autorisés à créer une maison de retraite avec section de cure médicalisée à Désertines, d'autre part, de la décision par laquelle ledit préfet a implicitement rejeté leur demande tendant à la publication de l'autorisation tacite dont ils étaient détenteurs ;
2°) à la condamnation de l'Etat à leur verser la somme de 6 000 F au titre des frais irrépétibles ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 75-535 du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales, modifiée par la loi n° 86-17 du 6 janvier 1986 ;
Vu le décret n° 76-838 du 25 août 1976 relatif aux commissions nationales et régionales des institutions sociales et médico-sociales et à la procédure d'examen des projets decréation et d'extension des établissements énumérés à l'article 3 de la loi n° 75-535 du 30 juin 1975 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Pineau, Maître des Requêtes,
- les conclusions de Mme Maugüé, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 9 de la loi du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales, modifié par l'article 6 de la loi n° 86-17 du 6 janvier 1986 : "La création, la transformation et l'extension des établissements et services énumérés à l'article 3 et qui sont gérés par des personnes physiques ou par des personnes morales de droit privé sont subordonnées à une autorisation délivrée avant tout commencement d'exécution du projet ... La décision est notifiée au demandeur dans un délai maximum de six mois à compter du dépôt de la demande. A défaut de décision dans ce délai, l'autorisation est réputée acquise" ; qu'en vertu des dispositions du troisième alinéa de l'article 29 du décret du 25 août 1976 susvisé, pris pour l'application des dispositions législatives précitées, la demande d'autorisation doit être accompagnée d'un dossier justificatif comprenant notamment : " ... une estimation approximative du coût de l'opération ainsi que les modalités de financement envisagées ; (...) un état prévisionnel sommaire des recettes et des dépenses d'exploitation" ; qu'aux termes du quatrième alinéa du même article : "Si le dossier est complet, le préfet fait connaître au demandeur la date avant laquelle, compte tenu du délai d'instruction fixé par l'article 9 (dernier alinéa) de la loi susvisée du 30 juin 1975, la décision devra lui être notifiée par pli recommandé avec demande d'avis de réception. La lettre du préfet avise en outre le demandeur que, si aucune décision ne lui a été adressée avant la date ainsi fixée, ladite lettre vaudra autorisation de la création ou de l'extension sollicitée" ; qu'aux termes enfin du cinquième alinéa du même article : "Si le dossier est incomplet, le préfet dispose d'un mois pour réclamer les pièces complémentaires. Lorsque ces pièces ont été produites, il est fait application de l'alinéa ci-dessus. Dans ce cas, le délai d'instruction part de la réception des pièces complétant le dossier" ;
Considérant que l'annulation, par le tribunal administratif de Clermont-Ferrand, des arrêtés en date des 13 septembre 1988 et 14 août 1989 par lesquels le préfet de l'Allier avait rejeté la demande de M. et Mme X... d'ouvrir une section de cure médicale dans une maison de retraite, si elle a fait disparaître rétroactivement ces décisions de refus, n'a pas, par elle-même, rendu les demandeurs titulaires d'une autorisation tacite ; que si elle obligeait, en principe, le préfet à procéder à une nouvelle instruction de la demande de M. et Mme X..., dont il demeurait saisi, un nouveau délai de nature à faire naître une décision implicite d'acceptation ne pouvait commencer à courir qu'à dater du jour de la confirmation de leur demande par les intéressés ;
Considérant que le 26 février 1991, M. et Mme X... ont confirmé au préfet de l'Allier leur demande d'autorisation d'ouverture d'une section de cure médicale dansune maison de retraite ; que si l'administration, qui, ainsi qu'il vient d'être dit, restait saisie de cette demande, ne pouvait légalement exiger la présentation d'un nouveau dossier, elle était cependant en droit, eu égard au changement intervenu dans les circonstances de fait depuis le dépôt de la demande initiale du 15 mars 1988, d'inviter M. et Mme X..., comme elle a entendu le faire, à "actualiser" les éléments financiers contenus dans leur dossier initial, et correspondant aux prescriptions précitées du troisième alinéa de l'article 29 du décret du 25 août 1976 ;
Mais considérant qu'en application des dispositions précitées du cinquième alinéa de l'article 29 du décret du 25 août 1976, relatives au cas où le dossier est incomplet, le délai dans lequel le préfet pouvait, en réclamant des pièces complémentaires, interrompre le cours du délai de six mois prévu par l'article 9 de la loi du 30 juin 1975, était limité à un mois ; que ce délai d'un mois, prescrit par le cinquième alinéa de l'article 29 du décret du 25 août 1976, dont les dispositions doivent être rapprochées de celles de l'article 9 de la loi du 30 juin 1975 prévoyant qu'à défaut de réponse dans un délai de six mois à compter du dépôt de la demande l'autorisation est réputée acquise, présente un caractère substantiel ; que ce n'est que le 8 juillet soit postérieurement à l'expiration du délai d'un mois, courant à compter du 26 février 1991, dont il disposait, que le préfet a demandé ces renseignements complémentaires ; que cette lettre du 8 juillet 1991 n'a, dès lors, pu avoir pour effet d'interrompre le cours du délai de six mois prévu à l'article 9 de la loi du 30 juin 1975 et qui avait couru à compter du 26 février 1991 ; que l'autorisation sollicitée par M. et Mme X... étant ainsi réputée acquise au terme de ce délai, l'arrêté du 4 février 1992 par lequel le préfet a entendu rejeter la demande de M. et Mme X... est entaché d'illégalité ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme X... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par la décision attaquée, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du 4 février 1992 ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à payer à M. et Mme X... la somme de 6 000 F qu'ils demandent au titre des sommes exposées par eux et non comprises dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand est annulé.
Article 2 : L'arrêté du préfet de l'Allier en date du 4 février 1992 est annulé.
Article 3 : L'Etat est condamné à payer à M. et Mme X... la somme de 6 000 F qu'ils demandent au titre des sommes exposées par eux et non comprises dans les dépens.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme Richard X..., au ministre de l'emploi et de la solidarité et au ministre de l'intérieur.