Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 29 décembre 1993 et 28 février 1994 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés par M. Mohamed Y... et Mme Leila X..., épouse Y..., demeurant ... ; M. et Mme Y... demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 16 décembre 1993 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 décembre 1993 du préfet du Rhône décidant la reconduite à la frontière de M. Mohamed Y... ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;
3°) de condamner l'Etat à leur verser 1 500 F au titre des frais irrépétibles ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée, notamment par la loi du 2 août 1989, la loi du 10 janvier 1990, la loi du 26 février 1992 et la loi du24 août 1993 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Sanson, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Salat-Baroux, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant que par arrêté du 5 janvier 1993, publié au recueil des actes administratifs du 28 février 1993, M. Achille Z..., directeur de la réglementation, a reçu délégation du préfet du Rhône pour signer, en matière de réglementation des étrangers, les arrêtés de reconduite à la frontière ; que cette délégation de signature lui a été renouvelée par un arrêté en date du 26 juillet 1993, qui a abrogé l'arrêté du 5 janvier 1993 ; que, cependant, ce nouvel arrêté n'a fait l'objet que d'une publication partielle au recueil des actes administratifs du 30 septembre 1993 ; que si ont été publiés l'article 1er de l'arrêté qui donne délégation à M. Z... pour signer les documents administratifs établis par sa direction et l'article 2 qui exclut du champ d'application de la délégation de signature "les arrêtés et actes réglementaires autres que ceux mentionnés aux articles 3 et 4", l'article 4 qui, précisément, donnait délégation à M. Z... pour signer les arrêtés de reconduite à la frontière n'a quant à lui pas été publié ; qu'il en résulte que, faute de publication de son article 4, l'arrêté du 26 juillet 1993 en ce qu'il donnait compétence à M. Z... pour signer les arrêtés de reconduite à la frontière n'était pas opposable aux tiers ;
Considérant par ailleurs que l'article 17 de l'arrêté du 26 juillet 1993, qui abroge l'arrêté du 5 janvier 1993, n'a pas non plus été publié ; que si, faute de cette publication, l'arrêté du 5 janvier 1993 n'a pas été abrogé explicitement, il doit cependant, eu égard aux termes des dispositions publiées de l'arrêté du 26 juillet 1993 et qui ont été mentionnées ci-dessus, être regardé comme implicitement abrogé par ce texte en tant qu'il donnait délégation à M. Z... pour signer les arrêtés de reconduite à la frontière ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'à la date de l'arrêté attaqué M. Z... était dépourvu d'une délégation pour signer les arrêtés de reconduite à la frontière, régulièrement publiée et par suite opposable aux tiers ; que, dès lors, M. et Mme Y... sont fondés à demander l'annulation du jugement en date du 16 décembre 1993 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande tendant à l'annulation dudit arrêté ;
Sur les conclusions de M. et Mme Y... tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faireapplication de l'article 75-I de la loi susvisée du 10 juillet 1991 et de condamner l'Etat à payer à M. et Mme Y... la somme de 2 700 F qu'ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon en date du 16 décembre 1993 est annulé.
Article 2 : L'arrêté du préfet du Rhône en date du 13 décembre 1993 est annulé.
Article 3 : L'Etat versera à M. et Mme Y... la somme de 2 700 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Mohamed Y..., à Mme Leila X..., épouse Y..., au préfet du Rhône et au ministre de l'intérieur.