Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat les 12 juillet et 12 novembre 1996, présentés pour M. Fred X..., demeurant ..., à Pointe-à-Pître (Guadeloupe) ; M. X... demande au Conseil d'Etat d'annuler la décision du 22 février 1996 par laquelle le Conseil national de l'Ordre des pharmaciens a rejeté sa demande tendant à ce qu'il constate que les faits qui ont donné lieu à la sanction de l'interdiction du droit d'exercer la pharmacie pendant six mois qu'il lui a infligée, par décision du 8 juin 1995, se trouvent amnistiés par la loi du 3 août 1995 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de la santé publique et notamment ses articles L. 527 et R. 5037 ;
Vu la loi n° 95-884 du 3 août 1995 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Balmary, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de M. X..., et de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat du Conseil national de l'Ordre des pharmaciens,
- les conclusions de Mme Roul, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant qu'aux termes de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle ..." ; qu'aux termes du 1er alinéa de l'article 14 de la loi n° 95-884 du 3 août 1995 portant amnistie : "les contestations relatives au bénéfice de l'amnistie des sanctions disciplinaires ou professionnelle définitives sont portées devant l'autorité ou la juridiction qui a rendu la décision" ;
Considérant qu'il résulte de l'article L. 527 du code de la santé publique que le Conseil national de l'Ordre des pharmaciens peut prononcer, notamment, la sanction temporaire ou définitive du droit d'exercer la pharmacie ; qu'ainsi, les décisions de ladite instance sont susceptibles de porter atteinte à l'exercice du droit de pratiquer la profession de pharmacien, lequel revêt le caractère d'un droit civil au sens des stipulations précitées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que les décisions prises sur les cas de contestations relatives au bénéfice de l'amnistie des sanctions prononcées sont susceptibles d'avoir des effets de même nature ; qu'il suit de là que les stipulations de l'article 6-1 précitées s'appliquent à la procédure suivie devant le Conseil national de l'Ordre des pharmaciens saisi en qualité de juridiction disciplinaire, conformément aux dispositions précitées de l'article 1er de la loi du 3 août 1995, et sont méconnues par l'article R. 5037 du code de la santé publique aux termes duquel les audiences du Conseil national de l'Ordre, constitué en chambre de discipline, ne sont pas publiques ; Considérant qu'il ressort des termes mêmes de la décision attaquée que celle-ci a été prise après une audience non publique ; qu'il résulte de ce qui a été dit que cette procédure est irrégulière ; que M. X... est, dès lors, fondé à demander l'annulation de la décision du 22 septembre 1996 par laquelle le Conseil national de l'Ordre des pharmaciens a rejeté sa demande tendant à ce qu'il constate que la sanction de l'interdiction du droit d'exercer la pharmacie pendant six mois, que lui a infligée le Conseil central de la section E de l'Ordre des pharmaciens par décision du 22 mars 1994, se trouve amnistiée ;
Article 1er : La décision du 22 février 1996 du Conseil national de l'Ordre des pharmaciens est annulée.
Article 2 : L'affaire est renvoyée au Conseil national de l'Ordre des pharmaciens.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Fred X..., au Conseil national de l'Ordre des pharmaciens et au ministre de l'emploi et de la solidarité.