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18/11/1998 | FRANCE | N°172320

France | France, Conseil d'État, 3 / 5 ssr, 18 novembre 1998, 172320


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 30 août 1995 et le 28 décembre 1995, présentés pour la région Ile-de-France, représentée par le président du conseil régional en exercice ; la région Ile-de-France demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 14 juin 1995, en tant que par ce jugement le tribunal administratif a annulé, à la demande de Mme Fabienne X..., la délibération du 24 novembre 1992 du conseil régional d'Ile-de-France en tant qu'elle ac

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Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 30 août 1995 et le 28 décembre 1995, présentés pour la région Ile-de-France, représentée par le président du conseil régional en exercice ; la région Ile-de-France demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 14 juin 1995, en tant que par ce jugement le tribunal administratif a annulé, à la demande de Mme Fabienne X..., la délibération du 24 novembre 1992 du conseil régional d'Ile-de-France en tant qu'elle accorde une aide à la création de places au profit des lycées Saint-Aspais à Melun, Sainte-Geneviève à Meaux, Sainte-Thérèse à Ozoir-la-Ferrière, Notre-Dame de la Compassion à Pontoise et Beth Z... à Paris 20ème ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme X... devant le tribunal administratif de Paris ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 15 mars 1850 ;
Vu la loi du 25 juillet 1919 ;
Vu la loi n° 85-1469 du 31 décembre 1985 ;
Vu la loi n° 89-486 du 10 juillet 1989 d'orientation sur l'éducation ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le décret n° 76-1304 du 28 décembre 1976 modifié notamment par le décret n° 92-57 du 17 janvier 1992 ;
Vu le décret n° 77-521 du 18 mai 1977 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Pochard, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Ricard, avocat de la région Ile-de-France,
- les conclusions de M. Touvet, Commissaire du gouvernement ;

Sur la fin de non-recevoir soulevée par Mme X... :
Considérant que le président du conseil régional d'Ile-de-France a été autorisé par délibération du 22 février 1996 de ce conseil à faire appel du jugement attaqué ; que sa requête est dès lors recevable ;
Sur la requête de la région Ile-de-France :
Considérant, en premier lieu, qu'en vertu, d'une part, des prescriptions de l'article 69 de la loi du 15 mars 1850, aux termes desquelles les établissements privés d'enseignement général du second degré "peuvent obtenir de l'Etat un local et une subvention, sans que cette subvention puisse excéder le dixième des dépenses annuelles de l'établissement", les collectivités territoriales ne peuvent accorder des subventions à ces établissements que dans la limite du dixième des dépenses autres que les catégories de dépenses couvertes par des fonds publics versés au titre du contrat d'association ; que, d'autre part, aucune disposition de la loi du 25 juillet 1919 relative à l'organisation de l'enseignement technique, industriel et commercial, ni aucune autre disposition législative ne font obstacle à l'attribution par les collectivités territoriales de subventions à des établissements privés d'enseignement technologique et professionnel ;
Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 2 du décret du 28 décembre 1976 modifié dont les dispositions ont été rendues applicables aux établissements d'enseignement privés sous contrat par le décret du 18 mai 1977 : "Trois voies de formation sont organisées dans les lycées : - la voie générale conduisant au diplôme national du baccalauréat général ; - la voie technologique conduisant au diplôme national du baccalauréat technologique et au diplôme national du brevet de technicien qui porte mention d'une spécialité technique ; - la voie professionnelle (...)", et qu'aux termes de l'arrêté du 27 août 1992 du ministre de l'éducationnationale, trois grandes catégories de lycées sont distinguées : "- le lycée d'enseignement général et technologique ; - le lycée professionnel ; - le lycée polyvalent, qui regroupe des formations dispensées dans les deux catégories de lycées précédents" ; qu'ainsi un même établissement d'enseignement peut comporter des formations relevant de la voie générale et des formations relevant des voies technologique et professionnelle ;
Considérant qu'il résulte de la combinaison des dispositions précédentes que s'agissant des établissements d'enseignement privés dispensant à la fois une formation relevant de la voie générale et une formation relevant des voies technologique et professionnelle, la légalité des subventions attribuées par les collectivités territoriales à ces établissements doit être appréciée, pour ce qui est des subventions relatives à la voie de formation générale et des subventions relatives aux voies de formation technologique et professionnelle, au regard des dispositions respectives précitées concernant chacune de ces catégories de formation, sans qu'y puisse faire obstacle la dénomination de l'établissement, dès lors que les structures pédagogiques de celui-ci prévoient expressément ces différentes voies de formation ;

Considérant, dès lors, que c'est à tort que, pour annuler, par l'article 1 de son jugement, la délibération en date du 24 novembre 1992 du conseil régional d'Ile-de-France en tant qu'elle accorde, au titre du "programme régional d'aide à la création de places par l'enseignement privé technique et professionnel sous contrat d'association", une aide à la création de telles places par divers établissements d'enseignement privés, le tribunal administratif de Paris s'est fondé sur le seul motif que les établissements en cause n'étaient pas des établissements d'enseignement technique et relevaient de ce fait, s'agissant des subventions susceptibles de leur être attribuées par les collectivités territoriales, des seules dispositions de la loi précitée du 15 mars 1850, sans examiner si les établissements en cause comportaient déjà ou prévoyaient expressément de créer dans leurs structures pédagogiques des formations à caractère technologique ou professionnel ;
Considérant qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par Mme X... contre la délibération du 24 novembre 1992 du conseil régional d'Ile-de-France, en tant qu'elle concerne les établissements d'enseignement privés de Saint-Aspais à Melun, Sainte Geneviève à Meaux, Sainte Thérèse à Ozoir-la-Ferrière, Notre-Dame du Grandchamp à Versailles, Sainte Geneviève à Paris VIème, Notre-Dame de la Compassion à Pontoise et Beth Z... à Paris, XXème ;
Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que les voies de formation prévues par les établissements d'enseignement privés sus-énumérés et au financement desquelles la région entend contribuer par la délibération attaquée sont des voies de formations technologique et professionnelle ; qu'ainsi les dispositions précitées de la loi du 15 mars 1850 ne s'appliquent pas à l'octroi de ces subventions ; qu'aucune disposition législative ne fait obstacle par ailleurs à l'attribution de subventions par la région aux établissements concernés pour de telles formations, que ces dernières existent déjà ou qu'elles soient en cours de création ;
Considérant, en second lieu, que si, aux termes de l'article 5 de la loi du 31 décembre 1985 : "Le conseil de l'éducation nationale institué dans chaque académie (...) donne son avis sur : (...) 4° Les locaux et les subventions attribués aux établissements d'enseignement privés, dans les conditions prévues par le premier alinéa de l'article 69 de la loi du 15 mars 1850", la délibération attaquée ne trouve pas son fondement dans l'article 69 de la loi du 15 mars 1850 mais dans la loi du 25 juillet 1919 relative à l'organisation de l'enseignement technique, industriel et commercial ; qu'aucune disposition n'impose, dans un tel cas, une consultation duconseil de l'éducation nationale institué dans chaque académie ; qu'ainsi le moyen tiré de ce que l'avis dudit conseil aurait dû être recueilli préalablement à la délibération attaquée doit être écarté ;
Considérant, en troisième lieu, que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la région Ile-de-France est fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'article 1er du jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé sa délibération en date du 24 novembre 1992 en tant qu'elle concernait les établissements d'enseignement privés Saint-Arpais à Melun, Sainte Geneviève à Meaux, Sainte Thérèse à Ozoir-la-Ferrière, Notre-Dame du Grandchamp à Versailles, Sainte Geneviève à Paris VIème, Notre-Dame de la Compassion à Pontoise et Beth Z... à Paris, XXème ;
Sur le recours incident de Mme X... :
Considérant que, par la voie du recours incident, Mme X... demande l'annulation du jugement du tribunal administratif, en tant que par l'article 2 de ce jugement, le tribunal administratif a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de la délibération du 24 novembre 1992 du conseil régional d'Ile-de-France en tant que celle-ci concernait les établissements d'enseignement privé Blanche de Castille à Fontainebleau, Saint-Léon à Corbeil, Saint-Nicolas à Leguy et Régina Y... à Bagnolet ; que ces conclusions soulèvent un litige distinct de celui qui résulte de l'appel principal ; que, dès lors, elles ne sont pas recevables ;
Sur les conclusions de Mme X... tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que la région Ile-de-France qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à payer à Mme X... la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 14 juin 1995 est annulé en tant qu'il annule la délibération du 24 novembre 1992 du conseil régional d'Ile-de-France en tant qu'elle accorde "une aide à la création de places" au profit des établissements d'enseignement privés Saint-Aspais à Melun, Sainte-Geneviève à Meaux, Sainte-Thérèse à Ozoir-la-Ferrière, Notre-Dame du Grandchamp à Versailles, Sainte-Geneviève à Paris VIème, Notre-Dame de la Compassion à Pontoise et Beth Z... à Paris, XXème.
Article 2 : Les conclusions de la demande présentée par Mme Fabienne X... devant le tribunal administratif de Paris et tendant à l'annulation de la délibération du 24 novembre 1992 du conseil régional d'Ile-de-France en tant qu'elle accorde une aide à la création de places au profit des établissements sus-énumérés sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions de Mme X... tendant à l'application des dispositions del'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 et celles tendant à l'annulation de l'article 2 du jugement du tribunal administratif de Paris en date du 14 juin 1995 sont rejetées.
Article 4 : Le présent jugement sera notifié à la région Ile-de-France, à Mme Fabienne X... et au ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.


Synthèse
Formation : 3 / 5 ssr
Numéro d'arrêt : 172320
Date de la décision : 18/11/1998
Sens de l'arrêt : Annulation
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours pour excès de pouvoir

Analyses

COLLECTIVITES TERRITORIALES - REGION - ATTRIBUTIONS - COMPETENCES TRANSFEREES - LYCEES ET ETABLISSEMENTS D'EDUCATION SPECIALE - Subventions aux établissements privés - Etablissements comportant des formations relevant de la voie générale et des formations relevant des voies technologique et professionnelle - Application des dispositions concernant chacune de ces catégories de formation.

135-04-02-01-02, 30-02-03-04, 30-02-07-02-04 Lorsqu'un même établissement privé d'enseignement du second degré comporte, en application des décrets du 28 décembre 1976 et du 18 mai 1977 et de l'arrêté du 27 août 1992, des formations relevant de la voie générale et des formations relevant des voies technologique et professionnelle, la légalité des subventions qui lui sont attribuées par une collectivité territoriale doit être appréciée au regard des dispositions respectives de la loi du 15 mars 1850 et de la loi du 25 juillet 1919 concernant chacune de ces catégories de formation, sans qu'y fasse obstacle la dénomination de l'établissement, dès lors que les structures pédagogiques de celui-ci prévoient expressément ces différentes voies de formation.

ENSEIGNEMENT - QUESTIONS PROPRES AUX DIFFERENTES CATEGORIES D'ENSEIGNEMENT - ENSEIGNEMENT TECHNIQUE ET PROFESSIONNEL - ETABLISSEMENTS PRIVES - Subventions des collectivités territoriales - Etablissements privés comportant des formations relevant de la voie générale et des formations relevant des voies technologique et professionnelle - Application des dispositions concernant chacune de ces catégories de formation.

ENSEIGNEMENT - QUESTIONS PROPRES AUX DIFFERENTES CATEGORIES D'ENSEIGNEMENT - ETABLISSEMENTS D'ENSEIGNEMENT PRIVES - RELATIONS ENTRE LES COLLECTIVITES PUBLIQUES ET LES ETABLISSEMENTS PRIVES - CONTRIBUTIONS DES COLLECTIVITES PUBLIQUES AUX DEPENSES D'INVESTISSEMENTS DES ETABLISSEMENTS - Subventions des collectivités territoriales - Etablissements comportant des formations relevant de la voie générale et des formations relevant des voies technologique et professionnelle - Application des dispositions concernant chacune de ces catégories de formation.


Références :

Arrêté du 27 août 1992
Décret 76-1304 du 28 décembre 1976 art. 2
Décret 77-521 du 18 mai 1977
Loi du 15 mars 1850 art. 69
Loi du 25 juillet 1919
Loi 85-1469 du 31 décembre 1985 art. 5
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75


Publications
Proposition de citation : CE, 18 nov. 1998, n° 172320
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Vught
Rapporteur ?: M. Pochard
Rapporteur public ?: M. Touvet
Avocat(s) : Me Ricard, Avocat

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1998:172320.19981118
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