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25/11/1998 | FRANCE | N°168125

France | France, Conseil d'État, 5 / 3 ssr, 25 novembre 1998, 168125


Vu la requête, enregistrée le 22 mars 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la COMPAGNIE LUXEMBOURGEOISE DE TELEDIFFUSION, dont le siège est ..., Luxembourg-Kirchberg ; la COMPAGNIE LUXEMBOURGEOISE DE TELEDIFFUSION demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule pour excès de pouvoir la décision du 19 janvier 1995 par laquelle le Conseil supérieur de l'audiovisuel l'a mise en demeure de se conformer aux obligations fixées par l'article 22 de la convention passée entre elle-même et le Conseil supérieur de l'audiovisuel le 7 juillet 1993 et renouvelée

pour un an par avenant du 7 juillet 1994, pour la durée de la co...

Vu la requête, enregistrée le 22 mars 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la COMPAGNIE LUXEMBOURGEOISE DE TELEDIFFUSION, dont le siège est ..., Luxembourg-Kirchberg ; la COMPAGNIE LUXEMBOURGEOISE DE TELEDIFFUSION demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule pour excès de pouvoir la décision du 19 janvier 1995 par laquelle le Conseil supérieur de l'audiovisuel l'a mise en demeure de se conformer aux obligations fixées par l'article 22 de la convention passée entre elle-même et le Conseil supérieur de l'audiovisuel le 7 juillet 1993 et renouvelée pour un an par avenant du 7 juillet 1994, pour la durée de la convention restant à courir et pour les exercices suivants, sous peine d'encourir les sanctions conventionnellement prévues aux articles 24 et 25 de la convention ;
2°) condamne l'Etat à lui verser une somme de 30 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée relative à la liberté de la communication, notamment ses articles 28, 33, 34-1 et 42 ;
Vu la directive du conseil des communautés européennes en date du 30 octobre 1989 visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires etadministratives des Etats membres relatives à l'exercice d'activités de radiodiffusion télévisuelle ;
Vu le décret n° 92-882 du 1er septembre 1992 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Sanson, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de la COMPAGNIE LUXEMBOURGEOISE DE TELEDIFFUSION,
- les conclusions de M. Chauvaux, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que la COMPAGNIE LUXEMBOURGEOISE DE TELEDIFFUSION demande l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 19 janvier 1995 par laquelle le Conseil supérieur de l'audiovisuel l'a mise en demeure de respecter les obligations en matière de diffusion d'oeuvres cinématographiques européennes et d'expression originale française fixées par l'article 22 de la convention, relative à la diffusion en France par le câble de services de télévision, passée entre elle et le Conseil supérieur de l'audiovisuel le 7 juillet 1993 et venant à expiration le 7 juillet 1995 ;
Sur la fin de non-recevoir opposée par le Conseil supérieur de l'audiovisuel :
Considérant que le Conseil supérieur de l'audiovisuel soutient, à titre principal, que la requête serait irrecevable, la mesure contestée, prise sur le fondement de la convention du 7 juillet 1993, ne pouvant être attaquée par la voie du recours pour excès de pouvoir ;
Considérant toutefois qu'aux termes de l'article 34-1 de la loi du 30 septembre 1986 susvisée, dans sa rédaction alors en vigueur : "Les services de radiodiffusion sonore et de télévision qui ne consistent pas en la reprise intégrale et simultanée soit d'un service fourni par une société nationale mentionnée à l'article 44 ou par la chaîne culturelle européenne, issue du traité signé le 2 octobre 1990, soit d'un service bénéficiaire d'une autorisation en application des articles 29, 30, 31 et 65, soit d'un service soumis au régime de la concession de service public ne peuvent être distribués par les réseaux câblés établis en application du présent chapitre qu'après qu'a été conclue avec le Conseil supérieur de l'audiovisuel une convention définissant les obligations particulières à ces services ( ...) Cette convention, qui ne peut être conclue qu'avec une personne morale, définit, dans le respect des règles générales fixées en application de la présente loi et notamment de son article 33, les obligations particulières au service considéré ainsi que les prérogatives et les pénalités contractuelles dont dispose le Conseil supérieur de l'audiovisuel pour assurer le respect des obligations conventionnelles ( ...)" ; que la convention passée en application de ces dispositions entre le Conseil supérieur de l'audiovisuel et la COMPAGNIE LUXEMBOURGEOISE DE TELEDIFFUSION valait autorisation d'émettre sur les réseaux câblés ; que la mise en demeure adressée par le Conseil supérieur de l'audiovisuel à la COMPAGNIE LUXEMBOURGEOISE DE TELEDIFFUSION entre dans la liste des prérogatives prévues dans la convention et dont dispose le Conseil supérieur de l'audiovisuel pourassurer le respect des obligations conventionnelles au sens des dispositions précitées de la loi du 30 septembre 1986 au même titre que les mises en demeure prévues aux articles 28 et 42 de la même loi ; que de telles mises en demeure constituent des décisions faisant grief pouvant faire l'objet de recours pour excès de pouvoir ; que, par suite, la fin de non-recevoir opposée par le Conseil supérieur de l'audiovisuel doit être écartée ;
Sur la légalité de la décision contestée :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :

Considérant que l'article 2 de la directive dite "Télévision sans frontières" du conseil des communautés européennes du 3 octobre 1989 susvisée, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision litigieuse dispose que : "1. Chaque Etat veille à ce que toutes les émissions de radiodiffusion télévisuelle transmises par des organismes de radiodiffusion télévisuelle relevant de sa compétence ou par des organismes de radiodiffusion télévisuelle utilisant une fréquence ou la capacité d'un satellite accordée par cet Etat membre ou une liaison montante vers un satellite située dans cet Etat membre, tout en ne relevant de la compétence d'aucun Etat membre, respectent le droit applicable aux émissions destinées au public dans cet Etat membre" ; qu'aux termes de l'article 3 de la même directive : "1. Les Etats membres ont la faculté, en ce qui concerne les organismes de radiodiffusion télévisuelle qui relèvent de leur compétence, de prévoir des règles plus strictes ou plus détaillées dans les domaines couverts par la présente directive. 2. Les Etats membres veillent, par les moyens appropriés, dans le cadre de leur législation, au respect, par les organismes de radiodiffusion télévisuelle relevant de leur compétence, des dispositions de la présente directive" ; que si le décret du 1er septembre 1992 susvisé fixant le régime alors applicable aux différentes catégories de services de radiodiffusion sonore et de télévision distribués par câble consacre son titre III aux dispositions applicables aux services émis depuis un pays membre de la communauté économique européenne, l'article 4 du même décret précise que les dispositions du titre II, "applicables aux services émis depuis la France ( ...) sont également applicables, pour leur distribution par câble sur le territoire français, aux services ayant établi leur activité d'émission hors de France dans le seul but de se soustraire aux règles qui leur seraient applicables s'ils étaient établis en France, en vue de bénéficier d'un avantage par rapport aux services situés ou émettant en France" ; que le Conseil supérieur de l'audiovisuel s'est fondé sur les dispositions du titre II du décret précité pour imposer au service de télévision diffusant par câble le programme RTL 9 sur une partie du territoire français les règles relatives à la diffusion d'oeuvres cinématographiques applicables aux services émis depuis la France et pour mettre en demeure la COMPAGNIE LUXEMBOURGEOISE DE TELEDIFFUSION, par la décision attaquée, de respecter les obligations de la convention en cette matière ;

Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier et du supplément d'instruction qui a été ordonné que le programme RTL 9, diffusé à partir du Grand Duché du Luxembourg, relève de deux sociétés de droit luxembourgeois, "RTL 9 SA et Compagnie SECS" et sa gérante, "RTL 9 SA", dont le siège social effectif est établi au Luxembourg ; que les décisions relatives à la politique de programmation et à l'assemblage final des programmes sont prises au Luxembourg ; que la circonstance qu'une partie du programme RTL 9 serait assurée par une société française de production, établie en France, la société "RTL-TVL", n'est pas de nature à faire regarder le programme RTL 9 comme un service émis par une société établie en France ; qu'il s'ensuit que le programme RTL 9 doit être regardé comme un service émis par une société établie, au sens de l'article 59 du traité de la communauté économique européenne et de la jurisprudence de la Cour de justice des communautés européennes, dans un autre Etat membre de l'Union européenne, le Grand Duché du Luxembourg ;
Considérant, d'autre part, et en tout état de cause, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la société "RTL 9 et Compagnie SECS" et sa société gérante, "RTL 9 SA", aient établi leur activité d'émission hors de France dans le seul but de se soustraire aux règles qui leur auraient été applicables, si elles s'étaient installées en France au sens des dispositions précitées du décret du 1er septembre 1992 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la COMPAGNIE LUXEMBOURGEOISE DE TELEDIFFUSION est fondée à demander l'annulation de la mise en demeure du Conseil supérieur de l'audiovisuel du 19 janvier 1995, de respecter les obligations de diffusion d'oeuvres cinématographiques d'expression originale française applicables aux services émis depuis la France qui leur avaient été illégalement imposées par la convention du 7 juillet 1993 ;
Sur les conclusions de la COMPAGNIE LUXEMBOURGEOISE DE TELEDIFFUSION tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article 75-I de la loi susvisée du 10 juillet 1991 et de condamner l'Etat à payer à la COMPAGNIE LUXEMBOURGEOISE DE TELEDIFFUSION une somme de 15 000 F au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La mise en demeure du Conseil supérieur de l'audiovisuel du 19 janvier 1995 adressée à la COMPAGNIE LUXEMBOURGEOISE DE TELEDIFFUSION est annulée.
Article 2 : L'Etat versera à la COMPAGNIE LUXEMBOURGEOISE DE TELEDIFFUSION-UFA une somme de 15 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la COMPAGNIE LUXEMBOURGEOISE DE TELEDIFFUSION est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la COMPAGNIE LUXEMBOURGEOISE DE TELEDIFFUSION, au Conseil supérieur de l'audiovisuel, au ministre de la culture et de la communication et au Premier ministre.


Synthèse
Formation : 5 / 3 ssr
Numéro d'arrêt : 168125
Date de la décision : 25/11/1998
Sens de l'arrêt : Annulation
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours pour excès de pouvoir

Analyses

- RJ1 - RJ2 MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - REGLES DE PROCEDURE CONTENTIEUSE SPECIALES - RECEVABILITE - RECEVABILITE DU RECOURS POUR EXCES DE POUVOIR EN MATIERE CONTRACTUELLE - Recours dirigés contre des actes détachables - Mise en demeure de respecter les obligations prévues par une convention prévue par l'article 34-1 de la loi du 30 septembre 1986 - qui vaut autorisation d'émettre.

56-04-03-02-02 a) La convention prévue par l'article 34-1 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication dans sa rédaction alors en vigueur signée entre une personne morale et le Conseil supérieur de l'audiovisuel et qui définit les obligations d'un service de radiodiffusion sonore et de télévision distribué par les réseaux câblés vaut autorisation d'émettre sur les réseaux câblés (1). b) La mise en demeure d'assurer le respect de ses obligations conventionnelles, adressée par le Conseil supérieur de l'audiovisuel à une société qui distribue un service de radiodiffusion sonore et de télévision par les réseaux câblés en application de la convention signée avec cette société prévue par l'article 34-1 de la loi du 30 septembre 1986, constitue une décision faisant grief pouvant faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir (2).

- RJ1 PROCEDURE - INTRODUCTION DE L'INSTANCE - DECISIONS POUVANT OU NON FAIRE L'OBJET D'UN RECOURS - ACTES CONSTITUANT DES DECISIONS SUSCEPTIBLES DE RECOURS - MISES EN DEMEURE - Conseil supérieur de l'audiovisuel - Mise en demeure prévue par une convention signée pour la distribution d'un service de radiodiffusion sonore et de télévision par les réseaux câblés en application de l'article 34-1 de la loi du 30 septembre 1986 (1).

54-01-01-01-02 La mise en demeure d'assurer le respect de ses obligations conventionnelles, adressée par le Conseil supérieur de l'audiovisuel à une société qui distribue un service de radiodiffusion sonore et de télévision par les réseaux câblés en application de la convention signée avec cette société prévue par l'article 34-1 de la loi du 30 septembre 1986, constitue une décision faisant grief pouvant faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir (1).

- RJ2 PROCEDURE - DIVERSES SORTES DE RECOURS - RECOURS POUR EXCES DE POUVOIR - RECOURS AYANT CE CARACTERE - Conseil supérieur de l'audiovisuel - Convention prévue par l'article 34-1 de la loi du 30 septembre 1986 - Recours contre la mise en demeure prévue par la convention de respecter les obligations conventionnelles (2).

54-02-01-01 La mise en demeure d'assurer le respect de ses obligations conventionnelles, adressée par le Conseil supérieur de l'audiovisuel à une société qui distribue un service de radiodiffusion sonore et de télévision par les réseaux câblés en application de la convention signée avec cette société prévue par l'article 34-1 de la loi du 30 septembre 1986, constitue une décision faisant grief pouvant faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir.

- RJ1 - RJ2 RADIODIFFUSION SONORE ET TELEVISION - SERVICES PRIVES DE RADIODIFFUSION SONORE ET DE TELEVISION - SERVICES DE TELEVISION - SERVICES AUTORISES - SERVICES DE TELEVISION PAR CABLE - Convention prévue par l'article 34-1 de la loi du 30 septembre 1986 - a) Convention valant autorisation d'émettre - Existence (1) - b) Mise en demeure - prévue par la convention - de respecter les obligations conventionnelles - Décision susceptible de recours pour excès de pouvoir - Existence (2).

39-08-01-01 La convention prévue par l'article 34-1 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication dans sa rédaction alors en vigueur signée entre une personne morale et le Conseil supérieur de l'audiovisuel et qui définit les obligations d'un service de radiodiffusion sonore et de télévision distribué par les réseaux câblés vaut autorisation d'émettre sur les réseaux câblés (1). La mise en demeure d'assurer le respect de ses obligations conventionnelles, adressée par le Conseil supérieur de l'audiovisuel à une société qui distribue un service de radiodiffusion sonore et de télévision par les réseaux câblés en application de la convention signée avec cette société prévue par l'article 34-1 de la loi du 30 septembre 1986, constitue une décision faisant grief pouvant faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir (2).


Références :

Décret 92-882 du 01 septembre 1992 art. 4
Loi 86-1067 du 30 septembre 1986 art. 34-1, art. 28, art. 42
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75

1. Voir décision du même jour, n° 172407, Compagnie Luxembourgeoise de Télédiffusion, p. 443. 2.

Rappr. 1996-12-11, Société Radio Nostalgie, T. p. 1148


Publications
Proposition de citation : CE, 25 nov. 1998, n° 168125
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : Mme Aubin
Rapporteur ?: M. Sanson
Rapporteur public ?: M. Chauvaux

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1998:168125.19981125
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