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25/11/1998 | FRANCE | N°189552

France | France, Conseil d'État, 1 / 4 ssr, 25 novembre 1998, 189552


Vu la requête, enregistrée le 8 août 1997 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le département de la Moselle, représenté par le président en exercice du conseil général ; le département de la Moselle demande que le Conseil d'Etat annule la décision du 15 mai 1997 par laquelle la commission centrale d'aide sociale a annulé la décision de la commission départementale d'aide sociale de la Moselle en date du 13 octobre 1994, ensemble la décision du 23 juin 1994 de la commission d'aide sociale et a ramené à 144 434,50 F la récupération sur la successio

n de Mme X... ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ...

Vu la requête, enregistrée le 8 août 1997 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le département de la Moselle, représenté par le président en exercice du conseil général ; le département de la Moselle demande que le Conseil d'Etat annule la décision du 15 mai 1997 par laquelle la commission centrale d'aide sociale a annulé la décision de la commission départementale d'aide sociale de la Moselle en date du 13 octobre 1994, ensemble la décision du 23 juin 1994 de la commission d'aide sociale et a ramené à 144 434,50 F la récupération sur la succession de Mme X... ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le code de la famille et de l'aide sociale ;
Vu le décret n° 61-495 du 15 mai 1961 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Forray, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de Mme Maugüé, Commissaire du gouvernement ;

Sur la recevabilité de la requête :
Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision de la commission centrale d'aide sociale en date du 15 mai 1997 ait été notifiée au département de la Moselle plus de deux mois avant la date d'enregistrement de sa requête au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat ; que, par suite, le moyen tiré de ce que cette requête serait tardive et donc irrecevable doit être écarté ;
Sur la régularité de la décision de la commission centrale d'aide sociale :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que Mme X... a été admise au bénéfice de l'aide sociale pour ses frais d'hébergement au centre de soins de Gorze pendant la période du 15 janvier 1976 au 29 janvier 1994, date de son décès ; que la commission d'admission à l'aide sociale de Metz-Campagne, par décision du 23 juin 1994, et la commission départementale d'aide sociale de la Moselle, par décision du 13 octobre 1994, ont fixé le montant de la récupération de la créance du département de la Moselle au titre de l'aide sociale exercée à l'encontre de la succession de Mme X... à 734 162,84 F, dans la limite de l'actif successoral net ; que, par la décision attaquée en date du 15 mai 1997, la commission centrale d'aide sociale a annulé ces deux décisions et fixé le montant de la récupération d'aide sociale sur la succession à 144 434,50 F, sans toutefois indiquer comment elle parvenait à ce montant ; qu'ainsi, la commission centrale a insuffisamment motivé sa décision, qui doit, par suite, être annulée ;
Considérant qu'en vertu de l'article 11 de la loi du 31 décembre 1987, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme X... avait été admise au bénéfice de l'aide sociale aux personnes âgées sous réserve, en application des dispositions de l'article 142 du code de la famille et de l'aide sociale, de l'affectation de ses ressources dans la limite de 90 % au remboursement des frais d'hébergement ; que le montant total des frais d'hébergement de l'intéressée au centre de soins de Gorze pour la période du 15 janvier 1976 au 29 janvier 1994 s'est élevé à 1 097 295,10 F ; que, par une ordonnance en date du 7 février 1992, le juge des tutelles du tribunal d'instance de Sarrebourg, après avoir estimé qu'il y avait lieu d'appliquer la prescription quinquennale pour la période antérieure à mai 1986, a autorisé le prélèvement sur les ressources de Mme X... pour la période de mai 1986 à juin 1991 de la somme de 236 995,76 F ; qu'un second prélèvement d'un montant de 126 136,50 F a été ultérieurement opéré pour la période de juillet 1991 au 29 janvier 1994 ; que, par la décision frappée d'appel par Mmes Y... et Z..., héritières de Mme X..., la commission départementale d'aide sociale a, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, fixé le montant de la récupération d'aide sociale exercée sur la succession de Mme X... sur le fondement du a) de l'article 146 du code de la famille et de l'aide sociale à la somme de 734 162,84 F, représentant la différence entre le montant total des frais d'hébergement supportés par l'aide sociale et les sommes recouvrées par le département au titre de l'article 142 du code de la famille et de l'aide sociale ;
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 142 du code de la famille etde l'aide sociale : "Les ressources de quelque nature qu'elles soient à l'exception des prestations familiales, dont sont bénéficiaires les personnes placées dans un établissement au titre de l'aide aux personnes âgées ou de l'aide aux infirmes, aveugles et grands infirmes, sont affectées au remboursement des frais d'hospitalisation des intéressés dans la limite de 90 p. 100 (...)" ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article 146 du code de la famille et de l'aide sociale : "Des recours sont exercés par le département (...) a) Contre la succession du bénéficiaire (...)" ; qu'aux termes du deuxième alinéa du même article : " (...) Le recouvrement sur la succession du bénéficiaire de l'aide sociale à domicile ou de la prise en charge du forfait journalier s'exerce sur la partie de l'actif net successoral défini par les règles de droit commun, qui excède un seuil fixé par décret en Conseil d'Etat" ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 2262 du code civil : "Toutes les actions, tant réelles que personnelles, sont prescrites par trente ans (...)" ; que, toutefois, en vertu de l'article 2277 du même code se prescrivent par cinq ans les actions en paiement de tout ce qui est payable par année ou à des termes périodiques plus courts ;

Considérant que l'affectation des ressources du bénéficiaire de l'aide sociale au remboursement des frais d'hospitalisation ou d'hébergement sur le fondement des dispositions de l'article 142 du code de la famille et de l'aide sociale et le recours en récupération de la créance d'aide sociale sur la succession du bénéficiaire en application de l'article 146 du même code constituent des actions distinctes et sont soumis à des règles de prescription différentes, respectivement la prescription quinquennale prévue à l'article 2277 du code civil et la prescription trentenaire de l'article 2262 de ce code ; que, par suite, la commission départementale d'aide sociale a pu à bon droit fixer le montant de la récupération exercée sur la succession de Mme X... en application des dispositions de l'article 146-a du code de la famille et de l'aide sociale à 734 162,84 F correspondant à la différence entre le montant total des frais d'hébergement pour la période du 15 janvier 1976 au 29 janvier 1994 pris en charge par l'aide sociale soit 1 097 295,10 F et le montant total des sommes recouvrées au titre de l'article 142 du même code soit 363 132,26 F, alors même que l'action fondée sur ces dernières dispositions avait été prescrite pour la période antérieure à mai 1986 ; que, dès lors, Mmes Y... et Z... ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par sa décision en date du 13 octobre 1994, la commission départementale d'aide sociale de la Moselle a rejeté leur demande dirigée contre la décision de la commission d'admission à l'aide sociale du 23 juin 1994 ;
Article 1er : La décision de la commisssion centrale d'aide sociale en date du 15 mai 1997 est annulée.
Article 2 : L'appel formé par Mmes Y... et Z... à l'encontre de la décision de la commisssion départementale d'aide sociale de Moselle en date du 13 octobre 1994 est rejeté.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au département de la Moselle, à Mme Jacqueline Y..., à Mme Micheline Z... et au ministre de l'emploi et de la solidarité.


Sens de l'arrêt : Annulation
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours en cassation

Analyses

04 AIDE SOCIALE - Recours en récupération sur succession - Délai de prescription - Prescription trentenaire - alors même que l'action fondée sur les dispositions de l'article 142 du code de la famille et de l'aide sociale est déjà prescrite.

04, 18-03 Si l'affectation des ressources du bénéficiaire de l'aide sociale au remboursement des frais d'hospitalisation ou d'hébergement sur le fondement des dispositions de l'article 142 du code de la famille et de l'aide sociale est soumise à la prescription quinquennale prévue à l'article 2277 du code civil pour les actions en paiement de tout ce qui est payable par année ou à des termes périodiques plus courts, le recours en récupération de la créance d'aide sociale sur la succession du bénéficiaire en application de l'article 146 du code de la famille et de l'aide sociale constitue une action distincte, soumise à la prescription trentenaire de l'article 2262 du code civil.

AIDE SOCIALE - DIFFERENTES FORMES D'AIDE SOCIALE - AIDE SOCIALE AUX PERSONNES AGEES - PLACEMENT - Affectation des ressources du bénéficiaire au remboursement des frais d'hospitalisation - Délai de prescription - Délai de cinq ans prévu à l'article 2277 du code civil.

04-02-03-02 L'affectation des ressources du bénéficiaires de l'aide sociale au remboursement des frais d'hospitalisation ou d'hébergement sur le fondement des dispositions de l'article 142 du code de la famille et de l'aide sociale est soumise à la prescription quinquennale prévue à l'article 2277 du code civil pour les actions en paiement de tout ce qui est payable par année ou à des termes périodiques plus courts.

COMPTABILITE PUBLIQUE - CREANCES DES COLLECTIVITES PUBLIQUES - Délai de prescription - Aide sociale - Affectation des ressources du bénéficiaire au remboursement des frais d'hospitalisation - Prescription quinquennale - Recours en récupération sur succession - Prescription trentenaire.


Références :

Code civil 2262, 2277
Code de la famille et de l'aide sociale 142, 146
Loi 87-1127 du 31 décembre 1987 art. 11


Publications
Proposition de citation: CE, 25 nov. 1998, n° 189552
Publié au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : Mme Aubin
Rapporteur ?: Mme Forray
Rapporteur public ?: Mme Maugüé

Origine de la décision
Formation : 1 / 4 ssr
Date de la décision : 25/11/1998
Date de l'import : 06/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 189552
Numéro NOR : CETATEXT000007992482 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;1998-11-25;189552 ?
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