Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 4 novembre 1996 et 3 mars 1997 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Jacqueline Y..., demeurant ... ; Mme Y... demande au Conseil d'Etat d'annuler la décision du 10 juin 1996 par laquelle la commission centrale d'aide sociale a réformé la décision du 17 janvier 1994 de la commission départementale d'aide sociale de la Charente-Maritime ramenant de 58 306 F à 57 004,45 F le montant, mis à sa charge, en tant que donataire de M. X..., son père, des sommes engagées par le département au titre de l'aide ménagère à domicile pour la période du 31 octobre 1988 au 31 mai 1992 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la famille et de l'aide sociale ;
Vu le décret n° 61-495 du 15 mai 1961 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Pineau, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Monod, Colin, avocat de Mme Jacqueline Y...,
- les conclusions de M. Bonichot, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que l'article 146 du code de la famille et de l'aide sociale prévoit que des recours sont exercés par le département à l'encontre, notamment, de la personne à laquelle un bénéficiaire de l'aide sociale a fait une donation postérieurement à sa demande d'une telle aide ou dans les cinq ans qui ont précédé cette demande ; que, lorsque le seul bénéficiaire de l'aide sociale est le conjoint du donateur, le recours du département ne peut être exercé contre le donataire ; que, par suite, en admettant le recours formé par le département de la Charente-Maritime contre Mme Y..., à laquelle son père, M. X..., avait fait don d'une maison d'habitation lui appartenant en propre, par le motif que M. X... "devait être regardé comme bénéficiaire d'une aide sociale", du fait qu'il avait "profité" de l'aide ménagère accordée à son épouse, alors que les pièces du dossier soumis aux juges du fond font ressortir que celle-ci avait seule été désignée comme bénéficiaire de cette aide par la commission d'admission, la commission centrale d'aide sociale a fait une inexacte application de l'article 146 précité du code de la famille et de l'aide sociale ; que Mme Y... est, en conséquence, fondée à demander l'annulation de la décision rendue par cette commission ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, par application de l'article 11, deuxième alinéa, de la loi du 31 décembre 1987, de régler l'affaire au fond ;
Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que le département de la Charente-Maritime ne pouvait se prévaloir des dispositions précitées de l'article 146 du code de la famille et de l'aide sociale pour récupérer sur la valeur, estimée à 135 000 F, de la donation faite à Mme Y... par M. X... le 1er juin 1991, une partie de la somme, de 116 612,40 F, versée au titre de l'aide ménagère à domicile, à l'épouse de ce dernier, au cours de la période du 31 octobre 1988 au 31 mai 1992 ; que Mme Y... est, par suite, fondée à demander l'annulation de la décision de la commission départementale d'aide sociale de la Charente-Maritime du 17 juin 1994, qui a fait droit au recours exercé contre elle par le département en maintenant à sa charge la somme de 58 306,20 F, égale à la moitié de celle de 116 612,40 F ci-dessus mentionnée, qui avait été fixée, le 3 juin 1993, par la commission d'admission à l'aide sociale du canton de Saint-Aignant ;
Article 1er : La décision de la commisssion centrale d'aide sociale du 10 juin 1996, ainsi que la décision de la commission d'aide sociale de la Charente-Maritime du 17 janvier 1994 et la décision de la commission d'admission à l'aide sociale du canton de Saint-Aignant du 3 juin 1993, sont annulées.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme Jacqueline Y..., au département de la Charente-Maritime et au ministre de l'emploi et de la solidarité.