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11/12/1998 | FRANCE | N°197381

France | France, Conseil d'État, 2 / 6 ssr, 11 décembre 1998, 197381


Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 19 juin et le 17 juillet 1998, présentés pour M. Ange Y..., demeurant ... ; M. Y... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 11 juin 1998 par lequel le tribunal administratif de Bastia a annulé, à la demande de M. Jean-Louis X..., son élection en qualité de conseiller général du 1er canton de Bastia lors des opérations électorales qui se sont déroulées le 22 mars 1998, et l'a suspendu de son mandat ;
2°) de rejeter la protestation présentée par

M. X... devant le tribunal administratif de Bastia ;
3°) de condamner M....

Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 19 juin et le 17 juillet 1998, présentés pour M. Ange Y..., demeurant ... ; M. Y... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 11 juin 1998 par lequel le tribunal administratif de Bastia a annulé, à la demande de M. Jean-Louis X..., son élection en qualité de conseiller général du 1er canton de Bastia lors des opérations électorales qui se sont déroulées le 22 mars 1998, et l'a suspendu de son mandat ;
2°) de rejeter la protestation présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Bastia ;
3°) de condamner M. X... à lui verser la somme de 18 090 F au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code électoral ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Mary, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de M. Ange Y...,
- les conclusions de M. Honorat, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. Jean-Louis X..., candidat lors du second tour de scrutin qui s'est déroulé le 22 mars 1998 pour l'élection du conseiller général du 1er canton de Bastia, a fait inscrire sur le procès-verbal du 6ème bureau de vote, avant la proclamation des résultats de ce bureau, une réclamation concernant la validité de cinq bulletins attribués à M. Ange Y... qui auraient comporté un signe de reconnaissance ; qu'il a ensuite inscrit au procès-verbal récapitulatif établi par le bureau centralisateur une réclamation concernant la validité de nombreux bulletins de vote attribués à son adversaire, dans chaque bureau de vote, et portant selon lui des signes distinctifs ; qu'il a demandé, en outre, dans ce même procès-verbal, que la validité de tous les bulletins dépouillés soit vérifiée, ce qui lui a été refusé ; qu'il est constant, enfin, que malgré la demande de M. X... tendant à leur conservation, les bulletins non annexés aux procès-verbaux des opérations de vote ont été détruits, y compris les cinq qui avaient fait l'objet de sa réclamation consignée dans le procèsverbal du 6ème bureau de vote ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 66 du code électoral : "Les bulletins blancs, ceux ne contenant pas une désignation suffisante ou dans lesquels les votants se sont fait connaître, les bulletins trouvés dans l'urne sans enveloppe ou dans des enveloppes non réglementaires, les bulletins écrits sur papier de couleur, les bulletins ou enveloppes portant des signes intérieurs ou extérieurs de reconnaissance, les bulletins portant des mentions injurieuses pour les candidats ou pour les tiers n'entrent pas en compte dans le résultat du dépouillement. Mais ils sont annexés au procès-verbal ainsi que les enveloppes non réglementaires et contresignés par les membres du bureau" ; qu'aux termes de l'article R. 67 dudit code : "Immédiatement après la fin du dépouillement, le procès-verbal des opérations électorales est rédigé par le secrétaire dans la salle de vote, en présence des électeurs ..." ; qu'aux termes de l'article R. 68 du même code : " ... les bulletins autres que ceux qui, en application de la législation en vigueur, doivent être annexés au procès-verbal, sont détruits en présence des électeurs" ; qu'en vertu des dispositions de l'article R. 69 du code électoral, enfin, le président du bureau de vote centralisateur établit un procès-verbal récapitulatif des résultats de chaque bureau de vote, sans pouvoir les modifier ;
Considérant qu'il résulte des dispositions précitées qu'il ne peut être procédé à un nouveau décompte des voix qu'au sein de chaque bureau de vote et si une contestation s'élève lors du dépouillement sur la régularité du premier décompte ; qu'à l'exception des bulletins qui doivent être annexés au procès-verbal, tous les autres bulletins de vote doivent être détruits ;

Considérant qu'il ressort de l'instruction que, dans les bureaux de vote n° 1,n° 2, n° 3, n° 4 et n° 5, le dépouillement a eu lieu et les procès-verbaux ont été signés sans qu'aucune contestation ne soit exprimée quant au décompte des bulletins blancs ou nuls ; qu'en ce qui concerne le bureau de vote n° 6, M. X... a contesté au procès-verbal la validité de cinq bulletins attribués à M. Y..., sans d'ailleurs demander l'annexion de ces bulletins au procès-verbal, ni un nouveau décompte des voix au sein de ce bureau ; que s'il a ensuite, lors de l'établissement du procès-verbal du bureau centralisateur, demandé un nouveau décompte des bulletins dépouillés dans les six bureaux de vote au motif que des bulletins en faveur de M. Y... auraient comporté des signes de reconnaissance, il résulte de ce qui a été dit cidessus qu'en refusant de procéder à un nouveau décompte de tous les bulletins dépouillés et en ne s'opposant pas à la destruction des bulletins dans les conditions prévues à l'article R. 68 précité, le président du bureau de vote centralisateur a fait une exacte application des dispositions susmentionnées du code électoral ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif de Bastia s'est fondé sur la méconnaissance de ces dispositions pour annuler l'élection de M. Y... en qualité de conseiller général du 1er canton de Bastia, et ordonner la suspension du mandat de ce dernier ;
Considérant toutefois qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres griefs soulevés par M. X... devant le tribunal administratif de Bastia ;
Considérant que si M. X... soutient que, dans les bureaux de vote n° 1, n° 4 et n° 6, des personnes extérieures au bureau de vote et soutenant son adversaire ont stationné durant plusieurs heures afin d'exercer des pressions sur certains électeurs, il n'assortit son grief d'aucune précision permettant d'établir que ces comportements ont été de nature à porter atteinte à la liberté de vote et à altérer la sincérité du scrutin ;
Considérant qu'il ne ressort pas de l'instruction que l'inscription de nouveaux électeurs sur les listes électorales du 1er canton de Bastia ait été entachée d'irrégularités constitutives de manoeuvres qui auraient faussé le résultat du scrutin ;
Considérant que le grief tiré de l'irrégularité de certaines procurations n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ;
Considérant que les griefs tirés de ce que M. Y... aurait exercé des pressions sur certains électeurs aux moyens de subsides versés par la mairie et de ce qu'il aurait irrégulièrement présidé un bureau de vote ont été présentés pour la première fois après l'expiration du délai de recours contentieux ; qu'ils ne constituent pas le développement des griefs précédents ; qu'ainsi, ils sont entachés d'irrecevabilité ;

Considérant, enfin, que le grief tiré de ce que M. Y... aurait bénéficié, dans les bureaux de vote n° 1, n° 2, n° 3, n° 4 et n° 5, de vingt suffrages entachés de signes de reconnaissance n'est pas établi ; qu'en admettant l'irrégularité, pour le même motif, de cinq bulletins attribués à M. Y... dans le bureau n° 6, le résultat du scrutin n'en serait, en tout état de cause, compte tenu de l'écart des voix, pas modifié ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. Y... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a annulé son élection en qualité de conseiller général du 1er canton de Bastia lors des opérationsélectorales qui se sont déroulées le 22 mars 1998 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui a été exposé ci-dessus que les conclusions présentées par M. X... devant le Conseil d'Etat tendant à ce que ce dernier soit proclamé élu aux lieu et place de M. Rovère, à ce qu'il soit fait application de l'article L. 118-1 du code électoral et à ce qu'une injonction soit prononcée à l'égard de l'administration ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que M. Y..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à M. X... la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de condamner, en application de ces dispositions, M. X... à payer à M. Y... la somme de 5 000 F qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bastia en date du 11 juin 1998 est annulé.
Article 2 : L'élection de M. Y... en qualité de conseiller général du 1er canton de Bastia, lors des opérations électorales qui se sont déroulées le 22 mars 1998, est validée.
Article 3 : Les conclusions présentées par M. X... devant le Conseil d'Etat sont rejetées.
Article 4 : M. X... paiera à M. Y... la somme de 5 000 F au titre de l'article 75-I de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Ange Y..., à M. Jean-Louis X... et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 2 / 6 ssr
Numéro d'arrêt : 197381
Date de la décision : 11/12/1998
Sens de l'arrêt : Annulation validation de l'élection
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

28-03-05-05 ELECTIONS - ELECTIONS AU CONSEIL GENERAL - OPERATIONS ELECTORALES - DEPOUILLEMENT -Possibilité de demander un nouveau décompte des bulletins lors de l'établissement du procès-verbal du bureau centralisateur - Absence.

28-03-05-05 Il résulte des dispositions des articles L. 66 et R. 67 à R. 69 du code électoral qu'il ne peut être procédé à un nouveau décompte des voix qu'au sein de chaque bureau de vote et si une contestation s'élève lors du dépouillement sur la régularité du premier décompte, et qu'à l'exception des bulletins qui doivent être annexés au procès-verbal, tous les autres bulletins de vote doivent être détruits. Pour l'un des bureaux de vote, un candidat s'est contenté de contester au procès-verbal la validité de cinq bulletins. S'il a ensuite, lors de l'établissement du procès-verbal du bureau centralisateur, demandé un nouveau décompte des bulletins, le président du bureau de vote centralisateur a fait une exacte application des dispositions du code électoral en refusant d'y procéder et en ne s'opposant pas à la destruction des bulletins dans les conditions prévues à l'article R. 68.


Références :

Code électoral L66, R67, R68, R69, L118-1
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75


Publications
Proposition de citation : CE, 11 déc. 1998, n° 197381
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Labetoulle
Rapporteur ?: M. Mary
Rapporteur public ?: M. Honorat

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1998:197381.19981211
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