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30/12/1998 | FRANCE | N°132975

France | France, Conseil d'État, 3 / 5 ssr, 30 décembre 1998, 132975


Vu la requête enregistrée le 7 janvier 1992 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Maurice Y..., demeurant au lieu-dit "Touche Arambois", Auvers-le-Hamon à Sabl,-sur-Sarthe (72300) ; M. Y... demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 7 novembre 1991 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande d'annulation de la décision du préfet de la Sarthe en date du 12 août 1987 attribuant à son fermier, M. X..., l'aide à la cessation d'activité laitière, ainsi que la lettre en date du 24 février 1988 du directeur départ

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Vu la requête enregistrée le 7 janvier 1992 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Maurice Y..., demeurant au lieu-dit "Touche Arambois", Auvers-le-Hamon à Sabl,-sur-Sarthe (72300) ; M. Y... demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 7 novembre 1991 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande d'annulation de la décision du préfet de la Sarthe en date du 12 août 1987 attribuant à son fermier, M. X..., l'aide à la cessation d'activité laitière, ainsi que la lettre en date du 24 février 1988 du directeur départemental de l'agriculture et de la forêt de la Sarthe confirmant l'attribution de cette aide à M. X... ;
2°) annule ces deux décisions pour excès de pouvoir ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le traité de Rome, notamment ses articles 40 3 et 177 ;
Vu le premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le règlement (CEE) n° 857/84 du Conseil du 31 mars 1984, portant règles générales pour l'application du prélèvement visé à l'article 5 quater du règlement (CEE) n° 804/68dans le secteur du lait et des produits laitiers modifié notamment par le règlement (CEE) n° 590/85 du Conseil du 26 février 1985 ;
Vu le règlement (CEE) n° 1371/84 de la Commission du 16 mai 1984 fixant les modalités d'application du prélèvement supplémentaire visé à l'article 5 quater du règlement (CEE) n° 804/68 ;
Vu le règlement (CEE) n° 1336/86 du Conseil du 6 mai 1986 fixant une indemnité à l'abandon définitif de la production laitière ;
Vu le décret n° 86-882 du 28 juillet 1986 concernant l'octroi d'une indemnité communautaire annuelle aux producteurs qui s'engagent à abandonner définitivement la production laitière ;
Vu le décret n° 86-883 du 28 juillet 1986 concernant l'octroi d'une prime nationale unique aux producteurs qui s'engagent à abandonner définitivement la production laitière ;
Vu le décret n° 87-278 du 21 avril 1987 concernant l'octroi d'une indemnité aux producteurs qui s'engagent à abandonner définitivement la production laitière ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Derepas, Auditeur,
- les observations de la SCP Tiffreau, avocat de M. Maurice Y...,
- les conclusions de M. Stahl, Commissaire du gouvernement ;

Sur les conclusions dirigées contre la lettre en date du 24 février 1988 :
Considérant que la lettre du 24 février 1988, par laquelle le directeur départemental de l'agriculture et de la forêt de la Sarthe a confirmé aux avocats de M. Y... qu'une décision d'attribution de l'aide à la cessation d'activité laitière avait été accordée à M. X..., n'a pas le caractère d'une décision faisant grief susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ; que les conclusions de la demande présentée par M. Y... devant le tribunal administratif, qui étaient dirigées contre cette prétendue décision n'étaient donc pas recevables ;
Sur les conclusions dirigées contre la décision du 12 août 1987 attribuant à M. X... une aide à la cessation d'activité laitière :
En ce qui concerne l'exception d'illégalité des décrets du 28 juillet 1986 :
Considérant que la décision du 12 août 1987 ayant été prise sur le fondement du décret n° 87-278 du 21 avril 1987, l'exception d'illégalité des décrets n°s 86-882 et 86-883 du 28 juillet 1986 est inopérante ;
En ce qui concerne l'exception d'illégalité du décret n° 87-278 du 21 avril 1987 :
Sur le moyen tiré de la non-conformité dudit décret aux règlements (CEE) n° 857/84 du 31 mars 1984 et n° 1336/86 du 6 mai 1986 du Conseil des communautés européennes :
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 2 du règlement (CEE) n° 857/84 du 31 mars 1984 : "La quantité de référence visée à l'article 5 quater paragraphe 1 du règlement (CEE) n° 804/68 est égale à la quantité de lait ( ...) livrée par le producteur pendant l'année civile 1981 ( ...), augmentée de 1 %" ; que le paragraphe 1 de l'article 6 du même règlement dispose que : "Est attribuée à chaque producteur de lait et de produits laitiers visés à l'article 5 quater paragraphe 2 du règlement (CEE) n° 804/68 une quantité de référence correspondant aux ventes directes effectuées par ce dernier pendant l'année civile 1981, augmentées de 1 %" ; qu'aux termes du 1 de l'article 7 du même règlement : "En cas de vente, location ou transmission par héritage d'une exploitation, la quantité de référence correspondante est transférée totalement ou partiellement à l'acquéreur, au locataire ou héritier selon des modalités à déterminer" ; qu'enfin, selon l'article 4 : "1- Afin de mener à bien la restructuration de la production laitière au niveau national, régional ou des zones de collecte, les Etats membres peuvent ( ...) accorder aux producteurs qui s'engagent à abandonner définitivement la production laitière une indemnité versée en une ou plusieurs annuités ( ...)/2- Les quantités de référence libérées sont, en tant que de besoin, ajoutées à la réserve visée à l'article 5" ;

Considérant, d'autre part, que l'article premier du règlement (CEE) n° 1336/86 du Conseil dispose dans son paragraphe 1er : "A la demande de l'intéressé et dans les conditions définies au présent règlement, il est accordé une indemnité à tout producteur, tel que défini à l'article 12 point c) premier alinéa du règlement (CEE) n° 857/84, qui s'engage à abandonner définitivement la production laitière" ; qu'aux termes du paragraphe 6 de l'article 2 de ce règlement : "Les quantités de référence libérées en application des paragraphes 1 à 4 ne peuvent faire l'objet d'une nouvelle affectation ou allocation" ; qu'enfin l'article 3 du même règlement dispose que : "1- Dans le cas de baux ruraux, la demande pour obtenir l'indemnité est présentée par le preneur./ 2- Toutefois, les Etats membres peuvent déterminer les conditions dans lesquelles le preneur peut présenter la demande pour obtenir l'indemnité et les conditions dans lesquelles l'indemnité peut être octroyée" ;
Considérant qu'il résulte clairement de l'ensemble des dispositions précitées que la quantité de référence laitière qui détermine le volume de lait ou de produits laitiers que chaque producteur est autorisé à produire est attribuée non à l'exploitation mais au producteur, c'est-à-dire, lorsque l'exploitation est donnée à bail, au preneur ; que le requérant n'est donc pas fondé à soutenir que le décret n° 87-278 du 21 avril 1987, en ce qu'il autorise le preneur d'un bail rural à demander, sans l'accord de son bailleur, à bénéficier de l'aide à la cessation d'activité laitière, dont l'octroi entraîne la suppression de la quantité de référence dont il est titulaire, méconnaîtrait une règle communautaire attachant la quantité de référence à l'exploitation ; qu'en outre, il ne saurait être soutenu qu'en n'usant pas de la faculté ouverte aux Etats membres par l'article 3 précité du règlement (CEE) n° 1336/86 de subordonner les demandes d'aide à la cessation d'activité laitière à l'accord du bailleur dans les cas de baux ruraux, le décret attaqué aurait méconnu ledit règlement ;
Sur le moyen tiré de la violation du droit de propriété :
Considérant, en premier lieu, que si la possibilité ouverte au preneur d'un bail rural par le décret dont la légalité est contestée de demander l'aide à la cessation d'activité laitière et l'annulation de la quantité de référence laitière qui en résulte entraînent des restrictions à l'usage du droit de propriété du bailleur, ces restrictions qui trouvent leur fondement légal dans les dispositions du règlement (CEE) du 31 mars 1984 susvisé dont ce décret fait application, ne privent pas le propriétaire de la faculté de céder son exploitation ni de l'affecter à d'autres usages ; que la suppression de la quantité de référence laitière ne saurait être regardée comme constituant une expropriation au sens de l'article L. 11 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
Considérant, en second lieu, que le décret dont la légalité est contestée n'a pas pour objet et ne saurait avoir légalement pour effet de priver le propriétaire bailleur du droit de demander, le cas échéant, réparation des dommages que lui aurait causés la décision du preneur de renoncer à la production laitière ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de la violation du droit de propriété par le décret dont l'illégalité est invoquée par la voie de l'exception, ne peut être accueilli ;
Sur le moyen tiré de la violation du principe de non-discrimination :
Considérant, d'une part, que les propriétaires de terres agricoles données à bail ne se trouvent pas placés dans la même situation de droit que les propriétaires exploitants ; que, par suite, les auteurs du décret contesté ont pu, sans méconnaître le principe de non-discrimination, s'abstenir de prévoir des dispositions identiques pour ces deux catégories de propriétaires ;
Considérant, d'autre part, que la circonstance que la réglementation d'autres Etats membres de la Communauté européenne contiendrait des dispositions plus protectrices des intérêts des bailleurs que celles qui sont fixées par le décret contesté est sans incidence sur la légalité de ce décret ;
Sur le moyen tiré de la violation du principe de proportionnalité :
Considérant que la suppression de la quantité de référence qu'entraîne l'octroi au producteur de l'aide à la cessation d'activité laitière n'a pas le caractère d'une sanction ; que, dès lors, le moyen tiré de ce qu'une telle sanction serait disproportionnée avec les objectifs de la réglementation relative à la maîtrise de la production laitière doit être écarté ;
Sur le moyen tiré de la méconnaissance des droits acquis :
Considérant qu'il ne résulte d'aucune disposition législative ni d'aucun principe général du droit que les propriétaires de terres données à bail à un producteur de lait auraient un droit acquis au maintien de la quantité de référence correspondante ; que le moyen tiré de ce que le décret dont la légalité est contestée porterait atteinte à de tels droits acquis ne peut, dès lors, être accueilli ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de saisir la Cour de Justice des Communautés européennes à titre préjudiciel, que M. Y... n'estpas fondé à se plaindre que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;
Article 1er : La requête de M. Y... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Maurice Y..., à M. Emile X... et au ministre de l'agriculture et de la pêche.


Type d'affaire : Administrative

Analyses

03-05 AGRICULTURE, CHASSE ET PECHE - PRODUITS AGRICOLES.


Références :

Code de l'expropriation pour cause d'utilité publique L11
Décret 84-857 du 31 mars 1984 art. 4
Décret 86-882 du 28 juillet 1986
Décret 87-278 du 21 avril 1987


Publications
Proposition de citation: CE, 30 déc. 1998, n° 132975
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Derepas
Rapporteur public ?: M. Stahl

Origine de la décision
Formation : 3 / 5 ssr
Date de la décision : 30/12/1998
Date de l'import : 06/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 132975
Numéro NOR : CETATEXT000008004252 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;1998-12-30;132975 ?
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