Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 14 avril 1992 et 14 août 1992 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SARL DES ETABLISSEMENTS MASSON-COUASNON, dont le siège est à Lecousse, Fougères (35305) ; la société demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 23 janvier 1992 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté sa requête dirigée contre le jugement du 9 mars 1989 du tribunal administratif de Rennes, rejetant sa demande en décharge du supplément d'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre de l'année 1981 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Bonnot, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Ryziger, Bouzidi, avocat de la SARL DES ETABLISSEMENTS MASSON-COUASNON,
- les conclusions de M. Loloum, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la SARL DES ETABLISSEMENTS MASSON-COUASNON, qui a pour objet l'exploitation forestière, le sciage et le négoce de bois, a acquis, en 1978, pour le prix de 3 357 980,95 F, une forêt à Foucherolles (Yonne) qu'elle a revendue, en 1981, pour le prix de 7 000 000 F ; que, dans la déclaration de ses résultats de l'exercice clos en 1981, la société a qualifié le profit ainsi réalisé, de 3 642 019,05 F, comme correspondant, à concurrence de 3 273 120 F, à la plus-value à long terme, imposable au taux de 15 % alors prévu par le I. de l'article 39 quindecies du code général des impôts, qui aurait été dégagée par la cession de l'élément d'actif immobilisé constitué par le sol de la forêt, et à concurrence du reste, au profit d'exploitation, imposable au taux de 50 % de l'impôt sur les sociétés, qui aurait été tiré par elle de la vente des arbres de la forêt parvenus à l'âge de la coupe ; qu'ayant estimé, à la suite d'une vérification de la comptabilité de la société, que la valeur du sol forestier n'avait pas augmenté entre 1978 et 1981 et que la totalité du bénéfice tiré de la revente de la forêt de Fougerolles devait être regardée comme un profit d'exploitation, imposable au taux de droit commun de l'impôt sur les sociétés, l'administration a notifié à la société le redressement découlant de cette analyse de l'opération effectuée ; que la société se pourvoit contre l'arrêt par lequel la cour administrative d'appel de Nantes (2ème chambre) a confirmé le rejet qui avait été opposé par le tribunal administratif de Rennes à la demande dont elle l'avait saisi aux fins de décharge du supplément d'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre de l'année 1981, en conséquence du redressement cidessus mentionné ;
Sur la régularité de l'arrêt :
Considérant, d'une part, que, selon l'article R. 200 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, les jugements des tribunaux administratifs et les arrêts des cours administratives d'appel doivent notamment indiquer que le rapporteur de l'affaire a été entendu et mentionner les noms des membres de la juridiction qui ont concouru à la décision ; que l'article R. 204 du même code dispose, en son premier alinéa, que "la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur de l'affaire et le greffier d'audience" ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article R. 27 du code précité, relatif à la composition des chambres des cours administratives d'appel siégeant en formation de jugement : "La chambre siège en formation de jugement sous la présidence de son président ou, en cas d'absence ou d'empêchement, du conseiller le plus ancien parmi les conseillers présents ayant au moins le grade de président de tribunal administratif. Elle comprend, outre le président : 1° deux conseillers affectés à la chambre, désignés en suivant l'ordre du tableau parmi les conseillers présents ; 2° un conseiller affecté à une autre chambre, désigné de la même manière ; 3° le conseiller rapporteur" ;
Considérant qu'il ressort des mentions portées sur l'arrêt attaqué de la cour administrative d'appel de Nantes (2ème chambre) que celui-ci a été rendu sur le rapport de M. Aubert, conseiller, que la formation de jugement était composée de M. Vérot, président de chambre, de M. Cacheux, président rapporteur, de M. Marchand, président rapporteur et de MM. Aubert et Malagies, conseillers, et que l'arrêt a été signé par M. Vérot, président de chambre, par le rapporteur, M. Aubert, et par le greffier ; que le fait que MM. X... et Z..., magistrats ayant le grade de président de tribunal administratif, ont été mentionnésdans l'arrêt sous l'appellation de "président rapporteur", qui correspondait à leur fonction à la cour administrative d'appel de Nantes, n'a pas été de nature à créer une équivoque sur l'identité de l'unique rapporteur de l'affaire qui était M. Aubert ; que, ni les dispositions précitées du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, ni aucun autre texte n'obligeaient la Cour, qui a siégé dans la formation définie par l'article R. 27, premier alinéa, à indiquer à quelle chambre était affecté le conseiller qui ne faisait pas partie de sa 2ème chambre ;
Considérant, d'autre part, que la Cour a jugé que le bien-fondé de l'imposition supplémentaire contestée par la SARL DES ETABLISSEMENTS MASSON-COUASNON dépendait du point de savoir si, au même titre que le sol forestier, les bois cédés qui étaient en cours de croissance faisaient partie, comme le soutenait la société, de son actif immobilisé, ou si, comme le soutenait l'administration, ils devaient être regardés comme un stock ; que s'agissant d'une question de droit, échappant à la compétence de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, la Cour s'est à juste titre prononcée sur cette question au vu des seuls résultats de l'instruction ; qu'elle a pu ainsi régulièrement laisser sans réponse le moyen, inopérant, tiré devant elle par la société de ce que, du fait que la commission départementale avait à tort émis, sur la question de droit susénoncée, un avis que l'administration a cru devoir suivre, il incombait à cette dernière d'apporter la preuve du bien-fondé de l'imposition en litige ;
Sur le bien-fondé de l'arrêt :
Considérant que l'ensemble du boisement d'une forêt appartenant à une entreprise ayant pour objet l'exploitation forestière, qu'il s'agisse des bois arrivés à maturité ou des bois en cours de croissance, destinés les uns et les autres à être coupés, constitue l'objet même du négoce de cette entreprise et a donc pour celle-ci le caractère d'un stock, au sens de l'article 38 ter du code général des impôts, et non d'un élément de l'actif immobilisé, alors même que l'exploitation de ce boisement serait soumise à l'observation d'un plan de gestion agréé dans les conditions prévues par le code forestier ; que la Cour n'a donc pas commis d'erreur de droit en jugeant, après avoir souverainement estimé que la valeur du sol forestier n'avait pas changé entre 1978 et 1981, que la totalité du profit tiré par la société de la revente de la forêt qu'elle avait achetée en 1978 provenait de la cession du stock constitué par les bois sur pied de cette forêt, arrivés à maturité ou en cours de croissance, et qu'il s'agissait d'un profit d'exploitation imposable au taux de droit commun de l'impôt sur les sociétés ;
Considérant, il est vrai, que la société s'était prévalue devant la cour administrative d'appel, sur le fondement de l'article L. 80-A du livre des procédures fiscales, de la réponse ministérielle du 25 mars 1978 à une question de M. Y..., député, selon laquelle les bois sur pied destinés à la vente sont des valeurs d'exploitation, tandis que le sol forestier a le caractère d'une immobilisation non amortissable ; mais considérant que cette réponse ministérielle, qui ne fait aucune distinction entre les bois parvenus à maturité et les bois en cours de croissance, ne comporte aucune interprétation formelle de la loi fiscale, différente de celle qui résulte de ce qui a été dit ci-dessus ; que ce motif, qui n'implique aucune appréciation de circonstances de fait, doit être substitué à celui qui a été retenu par l'arrêt de la Cour, pour juger, que la société ne pouvait utilement invoquer la réponse ministérielle précitée au soutien de sa demande en décharge ;
Article 1er : La requête de la SARL DES ETABLISSEMENTS MASSON-COUASNON est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SARL DES ETABLISSEMENTS MASSONCOUASNON et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.