Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 15 mai et 18 août 1995 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Mustapha X... demeurant ... ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 20 janvier 1995 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande dirigée contre la décision implicite résultant du silence gardé pendant plus de quatre mois par le ministre de l'intérieur sur sa demande tendant à l'abrogation de l'arrêté d'expulsion pris à son encontre le 5 mars 1991 ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cette décision ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Chaubon, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Bouthors, avocat de M. X...,
- les conclusions de M. Seban, Commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que si le requérant a fait état devant les premiers juges de sa situation de famille, cet argument n'a été invoqué qu'à l'appui du moyen tiré de l'impossibilité de l'expulser en application de l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 susvisée ; qu'ainsi le moyen tiré de ce que le jugement attaqué aurait omis de répondre au moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;
Sur la légalité de la décision implicite refusant d'abroger l'arrêté du 5 mars 1991 :
Considérant, en premier lieu, qu'à l'appui de sa demande, le requérant invoque l'illégalité dont serait entaché l'arrêté du 5 mars 1991 prononçant son expulsion ; que toutefois cet arrêté, qui n'a pas été contesté dans le délai du recours contentieux, est devenu définitif ; que, par suite, l'illégalité de l'arrêté d'expulsion, qui constitue une décision individuelle, ne peut plus être invoquée par M. X... ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 23 de l'ordonnance susvisée du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France, selon sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée : "L'arrêté d'expulsion peut à tout moment être abrogé par le ministre de l'intérieur. Lorsque la demande d'abrogation est présentée à l'expiration d'un délai de cinq ans à compter de l'exécution effective de l'arrêté d'expulsion, elle ne peut être rejetée que sur avis conforme de la commission prévue à l'article 24 devant laquelle l'intéressé peut se faire représenter" ; que M. X... a demandé le 21 février 1992, soit avant l'expiration du délai de 5 ans susmentionné, l'abrogation de l'arrêté du 5 mars 1991 prononçant son expulsion ; que, dès lors, le ministre de l'intérieur n'avait pas à consulter la commission spéciale d'expulsion avant de refuser l'abrogation de cet arrêté ;
Considérant enfin qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sécurité publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui" ; que si M. X..., de nationalité algérienne, est marié avec une Française et si de ce mariage est issu un enfant né en France, le refus d'abroger la mesure d'expulsion prise à son encontre n'a, compte tenu de la persistance de son comportement délictueux et eu égard à la gravité des faits reprochés qui lui ont valu, notamment une condamnation à douze années de réclusion criminelle pour vol qualifié etséquestration et, en dernier lieu, une condamnation à cinq ans d'emprisonnement pour détention et cession d'héroïne, pas porté à son droit au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que, dès lors, il n'a pas méconnu les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. Mustapha X... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite résultant du silence gardé pendant plus de quatre mois par le ministre de l'intérieur sur sa demande tendant à l'abrogation de l'arrêté d'expulsion pris à son encontre le 5 mars 1991 ;
Article 1er : La requête de M. Mustapha X... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Mustapha X... et au ministre de l'intérieur.