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30/12/1998 | FRANCE | N°173891

France | France, Conseil d'État, 6 ss, 30 décembre 1998, 173891


Vu, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 23 octobre 1995, la requête en tierce opposition présentée pour M. Samir X... ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) de déclarer non avenue sa décision en date du 25 mai 1994, par laquelle il a annulé le jugement du tribunal administratif d'Amiens du 19 juin 1992 annulant l'arrêté du ministre de l'intérieur en date du 21 août 1991 ordonnant l'expulsion en urgence absolue de M. X... ;
2°) de rejeter le recours du ministre de l'intérieur ;
3°) d'ordonner le sursis à l'exécution de l'arrêté du 21

août 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne...

Vu, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 23 octobre 1995, la requête en tierce opposition présentée pour M. Samir X... ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) de déclarer non avenue sa décision en date du 25 mai 1994, par laquelle il a annulé le jugement du tribunal administratif d'Amiens du 19 juin 1992 annulant l'arrêté du ministre de l'intérieur en date du 21 août 1991 ordonnant l'expulsion en urgence absolue de M. X... ;
2°) de rejeter le recours du ministre de l'intérieur ;
3°) d'ordonner le sursis à l'exécution de l'arrêté du 21 août 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée notamment par la loi n°89-548 du 2 août 1989 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Benassayag, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Ricard, avocat de M. X...,
- les conclusions de M. Seban, Commissaire du gouvernement ;

Sur la recevabilité de la requête en tierce opposition :
Considérant qu'en vertu de l'article 79 de l'ordonnance du 31 juillet 1945, toute personne qui n'a été ni appelée ni représentée dans l'instance peut former tierce-opposition à une décision du Conseil d'Etat rendue en matière contentieuse, et que cette voie de recours est ouverte à ceux qui se prévalent d'un droit auquel la décision entreprise aurait préjudicié ;
Considérant que, par arrêté du 21 août 1991, le ministre de l'intérieur a prononcé l'expulsion en urgence absolue de M. X... ; que celui-ci a contesté l'arrêté d'expulsion devant le tribunal administratif d'Amiens, qui l'a annulé par un jugement en date du 19 juin 1992 ; que le Conseil d'Etat, statuant au contentieux sur appel du ministre de l'intérieur, a annulé le jugement du tribunal administratif d'Amiens par un arrêt du 25 mai 1994, contre lequel M. X... a formé tierce opposition ;
Considérant qu'il est constant que la décision attaquée a été rendue sans que M. X... ait été appelé ou représenté dans l'instance ; que l'arrêt attaqué a pour effet de remettre en vigueur l'arrêté d'expulsion du 21 août 1991, et préjudicie de ce fait aux droits de M. X... ; que, dès lors, sa requête en tierce opposition est recevable ;
Sur la légalité de l'arrêté du 21 août 1991 :
Sur la violation de l'article 26 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 :
Considérant que la décision du ministre de l'intérieur en date du 21 août 1991 expulsant M. X... du territoire français a été prise sur le fondement de l'article 26 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, dans sa rédaction issue de la loi du 2 août 1989, aux termes duquel : "En cas d'urgence absolue et par dérogation aux articles 23 et 25, l'expulsion peut être prononcée lorsqu'elle constitue une nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou pour la sécurité publique." ;
Considérant que M. X... s'est rendu coupable à plusieures reprises d'infractions avec coups et blessures, dont la plus grave commise avec une arme blanche a entraîné sa condamnation à six ans de réclusion criminelle ; qu'il résulte de ces faits que l'expulsion de M. X... constituait une nécessité impérieuse pour la sécurité publique ; que le ministre de l'intérieur pouvait, à la date de l'arrêté attaqué, envisager la libération anticipée de M. X..., qui avait déjà purgé une très large partie de sa peine ; que, par suite, le ministre de l'intérieur a pu légalement estimer, eu égard à la gravité desfaits reprochés à M. X..., que son expulsion présentait un caractère d'urgence absolue ;
Considérant que si, postérieurement à l'arrêté d'expulsion contesté, la Commission d'expulsion des étrangers a émis un avis défavorable à l'expulsion de M. Y... au cours de sa séance du 26 avril 1994, cette circonstance est en elle-même sans influence sur la légalité de cet arrêté ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le requérant soutient que l'arrêté du 21 août 1991 aurait méconnu les dispositions de l'article 26 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ;
Sur la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance - 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sécurité publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui." ;
Considérant que si M. X..., ressortissant algérien, réside depuis l'âge de sept ans en France, où vivent également ses parents et ses quatre frères et soeurs, il résulte des pièces du dossier qu'il ne peut être regardé comme dépourvu de tout lien avec son pays d'origine dans lequel il a été scolarisé entre sa quatorzième et sa seizième année ; que compte tenu, en outre, de la gravité des faits dont il s'est rendu coupable, la mesure d'expulsion prise à l'encontre de M. X... n'a pas porté au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte excédant ce qui était nécessaire à la défense de l'ordre public ; que, dès lors, l'arrêté du 21 août 1991 n'a pas méconnu les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... n'est pas fondé à demander que la décision du Conseil d'Etat statuant au contentieux en date du 25 mai 1994 soit déclarée non avenue ;
Article 1er : La requête de M. X... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Samir X... et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 6 ss
Numéro d'arrêt : 173891
Date de la décision : 30/12/1998
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Tierce opposition

Analyses

335-02 ETRANGERS - EXPULSION.


Références :

Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 04 novembre 1950 art. 8
Loi 89-548 du 02 août 1989
Ordonnance 45-1708 du 31 juillet 1945 art. 79
Ordonnance 45-2658 du 02 novembre 1945 art. 26


Publications
Proposition de citation : CE, 30 déc. 1998, n° 173891
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Benassayag
Rapporteur public ?: M. Seban

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1998:173891.19981230
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