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30/12/1998 | FRANCE | N°176801

France | France, Conseil d'État, 9 / 8 ssr, 30 décembre 1998, 176801


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 11 janvier et 10 mai 1996 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Hubert X..., demeurant ... ; M. JANIN demande que le Conseil d'Etat annule l'arrêt du 8 novembre 1995 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté sa requête dirigée contre le jugement du 13 mars 1992 du tribunal administratif de Grenoble, rejetant sa demande en décharge du supplément d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre de l'année 1977 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu

le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 11 janvier et 10 mai 1996 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Hubert X..., demeurant ... ; M. JANIN demande que le Conseil d'Etat annule l'arrêt du 8 novembre 1995 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté sa requête dirigée contre le jugement du 13 mars 1992 du tribunal administratif de Grenoble, rejetant sa demande en décharge du supplément d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre de l'année 1977 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Guilhemsans, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Masse-Dessen, Georges, Thouvenin, avocat de M. X...,
- les conclusions de M. Loloum, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, que M. JANIN, qui exerçait, à titre individuel, l'activité de marchand de biens, a acquis, pour 33 000 F en 1974, 330 des 1000 parts de la société civile immobilière de construction-vente "Les Jardins de Seynod", puis a répondu aux appels de fonds de cette société, pour un montant de 1 519 045 F ; que M. JANIN n'a inscrit les parts et créances ainsi acquises à l'actif de son entreprise individuelle que le 1er janvier 1977 ; qu'ayant cédé, le 31 décembre 1977, à la société anonyme
X...
, nouvellement créée pour reprendre ses activités, ses parts dans la société civile immobilière "Les Jardins de Seynod", pour le prix de 10 000 F, ainsi que les créances qu'il détenait sur cette société à la suite des appels de fonds auxquels il a répondu, pour le prix de 500 000 F, il a imputé sur les résultats de son entreprise individuelle au titre de l'exercice clos le 31 décembre 1977 la moins-value de 1 042 045 F constatée à l'occasion de cette cession ; qu'estimant que c'était par un acte de gestion anormal que M. JANIN avait ainsi entendu faire supporter par son entreprise une perte affectant en réalité son patrimoine privé, l'administration en a réintégré le montant dans les résultats de cette entreprise au titre de l'exercice clos en 1977 et, en conséquence, imposé la somme de 1 042 045 F ci-dessus mentionnée, au nom de M. JANIN, dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux ;
Sur l'étendue du litige :
Considérant que l'administration ne conteste plus l'imputation sur les résultats de l'entreprise individuelle de M.
X...
, au titre de l'exercice clos en 1977, de la perte de 23 000 F ayant résulté de la cession pour 10 000 F seulement des parts de la société civile immobilière "Les Jardins de Seynod" que l'intéressé avait acquises pour le prix de 33 000 F ; que, par une décision du 23 octobre 1997, postérieure à l'introduction de la requête, le directeur régional des impôts de Rhône-Alpes, a, par suite, prononcé le dégrèvement du supplément d'impôt sur le revenu auquel M. JANIN a été assujetti au titre de l'année 1977, à concurrence de 13 800 F en droits et de 3 450 F en pénalités ; que les conclusions de la requête de M. JANIN sont, dans cette mesure, devenues sans objet ;
Sur la régularité de l'arrêt attaqué :

Considérant que la cour administrative d'appel de Lyon, après avoir estimé que M. JANIN était en droit de porter à l'actif de son entreprise de marchand de biens, dès leur acquisition, les parts de la société civile immobilière "Les Jardins de Seynod", ainsi que les créances qu'il détenait sur cette société à la suite des appels de fonds auxquels il avait répondu, a néanmoins jugé que ces éléments, qu'elle a qualifiés de stocks, auraient dû être évalués au cours du jour et non au prix de revient au 1er janvier 1977, de sorte que l'apport qui en avait été fait à la société anonyme
X...
le 31 décembre 1977, sans que leur valeur ait été modifiée entre ces deux dates, n'avait pu faire apparaître aucune moins-value ; qu'il ressort des pièces du dossier qui lui était soumis que la Cour a ainsi donné à sa décision un fondement qui n'avait pas été invoqué devant elle par les parties ; que M. JANIN est fondé à se prévaloir de l'irrégularité dont l'arrêt attaqué se trouve, de la sorte, entaché, pour en demander l'annulation ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, par application de l'article 11, deuxième alinéa, de la loi du 31 décembre 1987, de régler l'affaire au fond ;
Considérant que le premier et le second alinéas du 1° du I de l'article 35 du code général des impôts visent et rangent dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, les profits réalisés, respectivement, par les "personnes qui, habituellement, achètent en leur nom, en vue de les revendre, des immeubles ..." et par les personnes qui, habituellement, "achètent des biens immeubles, en vue d'édifier un ou plusieurs bâtiments et de les vendre en bloc ou par locaux" ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société civile immobilière "Les Jardins de Seynod" a été constituée en vue de la construction sur un terrain qu'elle avait acquis, de 500 logements et de leur revente ; que les opérations de construction-vente visées par le second alinéa du 1° du I de l'article 35 du code général des impôts ayant une nature distincte de celle des opérations, visées au premier alinéa du même article 35-I-1°, auxquelles se livrent les marchands de biens, M. JANIN n'est pas fondé à soutenir que les créances qu'il détenait sur la société civile immobilière "Les Jardins de Seynod", après avoir répondu aux appels de fonds de cette dernière, devaient être présumées faire partie, dès leur acquisition, des actifs de son entreprise individuelle de marchand de biens ; qu'il n'établit pas que ce serait par suite d'une simple erreur comptable qu'il ne les a inscrites au nombre de ces actifs que le 1er janvier 1977 ; que, s'il a pu décider d'en faire apport à cette date à son entreprise individuelle, il était tenu d'y procéder en retenant la valeur vénale qu'elles avaient au jour de cet apport ;

Considérant que, pour justifier la réintégration dans les bases de l'impôt sur le revenu dont M. JANIN était redevable au titre de l'année 1977, de la perte que celui-ci alléguait avoir subie à l'occasion de la cession à la SA X..., le 31 décembre 1977, de ses créances sur la société civile immobilière "Les Jardins de Seynod", l'administration relève que la diminution de la valeur de ces créances est due au refus opposé le 25 mars 1976 à la demande de permis de construire déposée par la société civile immobilière en vue de la réalisation de son programme de 500 logements ; qu'elle établit qu'en l'absence d'autre événement qui eut été de nature à déprécier davantage ces créances entre le 1er janvier et le 31 décembre 1977, l'apport qu'en a fait M. JANIN à son entreprise individuelle à la première de ces dates ne pouvait être fait à un prix supérieur à celui qui a été constaté lors de leur cession à la seconde des mêmes dates ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. JANIN n'est pas fondé à soutenir, que c'est à tort que, par son jugement du 13 mars 1992, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande en décharge, en droits et pénalités, du supplément d'impôt sur le revenu auquel il reste assujetti au titre de l'année 1977 ;
Article 1er : A concurrence de la somme de 17 250 F dont il a été dégrevé par décision du directeur régional des impôts de Rhône-Alpes du 23 octobre 1997, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. JANIN.
Article 2 : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 8 novembre 1995 est annulé en tant qu'il se prononce sur la demande en décharge des droits et pénalités, restant en litige, qui ont été assignés à M. JANIN au titre de l'impôt sur le revenu établi à son nom pour l'année 1977.
Article 3 : Les conclusions conservant un objet de la requête présentée par M. JANIN devant la cour administrative d'appel de Lyon sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Hubert JANIN et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


Synthèse
Formation : 9 / 8 ssr
Numéro d'arrêt : 176801
Date de la décision : 30/12/1998
Sens de l'arrêt : Non-lieu partielle annulation partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-04-02-01-03-03,RJ1,RJ2 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REVENUS ET BENEFICES IMPOSABLES - REGLES PARTICULIERES - BENEFICES INDUSTRIELS ET COMMERCIAUX - EVALUATION DE L'ACTIF - PLUS ET MOINS-VALUES DE CESSION -Cessions de créances détenues par un contribuable exerçant une activité de marchand de biens sur une société de construction-vente - Présomption d'appartenance des créances à l'actif de l'entreprise individuelle - Absence (1) - Faculté de faire apport de ces créances à l'entreprise - Existence - Obligation de retenir la valeur vénale des créances au jour de l'apport - Constatation d'une moins-value lors de la cession des créances - Moins-value imputable à un événement antérieur à la date de l'apport des créances à l'entreprise - Possibilité de soustraire la moins-value des bénéfices de l'entreprise - Absence (2).

19-04-02-01-03-03 Les opérations de construction-vente ayant une nature distincte de celles auxquelles se livrent les marchands de biens, un contribuable exerçant une activité de marchand de biens ne peut se prévaloir du fait que les créances qu'il détient sur une société civile immobilière de construction-vente doivent être présumées faire partie, dès leur acquisition, des actifs de son entreprise de marchand de biens (1). S'il peut faire apport de ces créances à son entreprise de marchand de biens, il doit le faire en retenant la valeur vénale de ces créances au jour de l'apport. Par suite, réintégration dans les bases de l'impôt de la moins-value constatée par le contribuable à l'occasion de la cession de ces créances qui résultait d'un événement antérieur à l'apport des créances à l'entreprise et n'avait pas été pris en compte pour la détermination de la valeur vénale des créances au moment de l'apport.


Références :

CGI 35
Loi 87-1127 du 31 décembre 1987 art. 11

1.

Cf. Section, 1992-11-06, Ministre du budget c/ SCI "les Hameaux de Perrin", p. 395. 2. Voir CAA de Lyon, 1995-11-08, Janin, p. 550


Publications
Proposition de citation : CE, 30 déc. 1998, n° 176801
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Groux
Rapporteur ?: Mme Guilhemsans
Rapporteur public ?: M. Loloum

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1998:176801.19981230
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