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30/12/1998 | FRANCE | N°184310

France | France, Conseil d'État, 6 / 2 ssr, 30 décembre 1998, 184310


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 13 décembre 1996 et 11 avril 1997 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés par l'ASSOCIATION ARTUS dont le siège ..., représentée par son délégué général ; l'ASSOCIATION ARTUS demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 10 octobre 1996 du ministre de l'environnement et du ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation en tant qu'il concerne l'ours ;
2°) de prononcer le sursis à exécution de cet arrêté ;
3°) de condamner l'Eta

t à lui verser la somme de 10 000 F sur le fondement de l'article 75-I de la loi du...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 13 décembre 1996 et 11 avril 1997 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés par l'ASSOCIATION ARTUS dont le siège ..., représentée par son délégué général ; l'ASSOCIATION ARTUS demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 10 octobre 1996 du ministre de l'environnement et du ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation en tant qu'il concerne l'ours ;
2°) de prononcer le sursis à exécution de cet arrêté ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 10 000 F sur le fondement de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le règlement communautaire n° 3626/82 du Conseil du 3 décembre 1982 relatif à l'application dans la communauté de la convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction ;
Vu le décret n° 90-756 du 22 août 1990 portant publication de la convention européenne relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l'Europe ouverte à la signature à Berne le 19 septembre 1979 ;
Vu la directive du Conseil des communautés européennes n° 92/43/CEE du21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages ;
Vu le code rural ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu l'arrêté du 17 avril 1981 fixant la liste des mammifères protégés sur l'ensemble du territoire ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Chaubon, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Seban, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par l'arrêté attaqué du 10 octobre 1996, le ministre de l'environnement et le ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation ont interdit la destruction, la mutilation, la capture ou l'enlèvement, la naturalisation, le transport, le colportage, l'utilisation, la mise en vente, la vente ou l'achat de l'ours ; qu'ils n'ont prévu la possibilité de déroger à l'interdiction de destruction et de capture de cette espèce, pour prévenir des dommages importants aux cultures ou au bétail, dans l'intérêt de la sécurité publique ou pour assurer la conservation de l'espèce elle-même qu'à condition qu'il n'y ait pas d'autres solutions satisfaisantes et que la dérogation ne nuise pas au maintien dans un état de conservation favorable des populations concernées, ;
Sur la légalité externe :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 211-1 du code rural : "Lorsqu'un intérêt scientifique particulier ou que les nécessités de la préservation du patrimoine biologique justifient la conservation d'espèces animales non domestiques sont interdits 1° ( ...) la mutilation, la destruction, la capture ou l'enlèvement, la naturalisation d'animaux de ces espèces ou ( ...) leur transport, leur colportage, leur mise en vente, leur vente ou leur achat ( ...)" ; que l'article L. 211-2 du même code dispose : "Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions dans lesquelles sont fixées : 1° La liste limitative des espèces animales protégées ; 2° La durée des interdictions permanentes ou temporaires prises en vue de permettre la reconstitution des populations naturelles en cause ou de leurs habitats ainsi que la protection des espèces animales pendant les périodes ou les circonstances où elles sont particulièrement vulnérables ( ...)" ; que, selon l'article R. 211-3 : "Pour chaque espèce, les arrêtés interministériels prévus à l'article R. 211-1 précisent : 1° La nature des interdictions mentionnées à l'article L. 211-1 qui sont applicables ; 2° La durée de ces interdictions, les parties du territoire et les périodes de l'année où elles s'appliquent" ; qu'il ressort de ces dispositions que les ministres chargés de la protection de la nature et de l'agriculture qui sont compétents pour fixer la nature et la durée des interdictions applicables aux espèces protégées le sont également pour prévoir des possibilités de dérogation à ces interdictions dans un but d'intérêt général ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué aurait été pris par une autorité incompétente en tant qu'il prévoit des dérogations doit être écarté ;
Considérant que, par arrêté du 16 novembre 1995, publié au Journal officiel de la République française du 22 novembre 1995, M. X..., directeur de la nature et des paysages, a reçu délégation de la signature du ministre de l'environnement ; que par décret du 23 novembre 1995, publié au Journal officiel de la République française du 25 novembre 1995, M. Y... a reçu délégation de la signature du ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation ; que, dès lors, le moyen selon lequel les signataires de l'arrêté attaqué n'auraient pas été compétents manque en fait ;

Considérant que si l'article R. 211-2 du code rural prévoit la consultation du conseil national de la chasse et de la faune sauvage lorsqu'il s'agit d'une espèce dont la chasse est autorisée, aucune des espèces concernées par l'arrêté attaqué n'est inscrite sur la liste des espèces chassables fixée par arrêté du 26 juin 1987 ; que, dès lors, le moyen est inopérant ;
Sur la légalité interne :
Considérant que les stipulations de la convention relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel en Europe créent seulement des obligations entre Etats parties et ne produisent pas d'effets directs dans l'ordre juridique interne ; que, dès lors, les requérants ne peuvent utilement se prévaloir de la méconnaissance des stipulations de cette convention à l'appui de leur demande d'annulation de l'arrêté attaqué ;
Considérant que l'arrêté attaqué ne délivre pas d'autorisation de capture ou de destruction de l'ours mais fixe seulement les conditions dans lesquelles de telles autorisations peuvent être délivrées ; que, par suite, le moyen tiré de l'erreur d'appréciation qu'auraient commise les ministres signataires de l'arrêté attaqué en autorisant la capture de l'ours est inopérant ;
Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 16 de la directive du 21 mai 1992 susvisée qu'il est possible de déroger à la protection dont bénéficie une espèce dans l'intérêt de la faune et de la flore sauvages, pour prévenir des dommages importants aux cultures, au bétail ou aux forêts, dans l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques ; qu'ainsi, en prévoyant cette possibilité de dérogation à l'interdiction de destruction ou de capture, l'arrêté attaqué n'a pas méconnu les objectifs de la directive du 21 mai 1992 ;
Considérant que, si l'ours figure sur la liste des espèces menacées d'extinction fixée par le règlement du conseil du 3 décembre 1982 susvisé, ce règlement ne concerne que le commerce international de ces espèces ; que, dès lors, l'association requérante ne peut utilement invoquer la méconnaissance des dispositions de ce règlement à l'encontre de l'arrêté attaqué ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'ASSOCIATION ARTUS n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 10 octobre 1996 du ministre de l'environnement et du ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation en tant qu'il concerne l'ours ;
Sur les conclusions de l'ASSOCIATION ARTUS tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à l'ASSOCIATION ARTUS la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête de l'ASSOCIATION ARTUS est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'ASSOCIATION ARTUS, au ministre de l'agriculture et de la pêche et au ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.


Synthèse
Formation : 6 / 2 ssr
Numéro d'arrêt : 184310
Date de la décision : 30/12/1998
Type d'affaire : Administrative

Analyses

44-01 NATURE ET ENVIRONNEMENT - PROTECTION DE LA NATURE.


Références :

Code rural L211-1, L211-2, R211-3, R211-2
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75


Publications
Proposition de citation : CE, 30 déc. 1998, n° 184310
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Chaubon
Rapporteur public ?: M. Seban

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1998:184310.19981230
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