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30/12/1998 | FRANCE | N°187173

France | France, Conseil d'État, 3 / 5 ssr, 30 décembre 1998, 187173


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 14 avril 1997 et 14 août 1997 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Pierre X..., demeurant au lieu-dit "Les Picottes" à Sainte-Tulle (04220) et pour la SOCIETE CIVILE GAEC DES ESPERS, dont le siège est au domaine des Espers à Sainte-Tulle (04220) ; M. X... et la SOCIETE CIVILE GAEC DES ESPERS demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 13 février 1997 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a réformé le jugement du 30 juin 1995 du tribunal administratif de M

arseille et limité aux deux tiers la responsabilité de la commune ...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 14 avril 1997 et 14 août 1997 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Pierre X..., demeurant au lieu-dit "Les Picottes" à Sainte-Tulle (04220) et pour la SOCIETE CIVILE GAEC DES ESPERS, dont le siège est au domaine des Espers à Sainte-Tulle (04220) ; M. X... et la SOCIETE CIVILE GAEC DES ESPERS demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 13 février 1997 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a réformé le jugement du 30 juin 1995 du tribunal administratif de Marseille et limité aux deux tiers la responsabilité de la commune de Sainte-Tulle relative aux dommages subis par le domaine des Espers du fait de plusieurs inondations survenues depuis 1983 ;
2°) de condamner la commune de Sainte-Tulle à leur verser la somme de 15 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30septembre 1953, le décret n° 63-766 du 30 juillet 1963 modifié par le décret n° 97-1177 du 24 décembre 1997 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Derepas, Auditeur,
- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. X... et de la SOCIETE GAEC DES ESPERS,
- les conclusions de M. Stahl, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par un jugement du 30 juin 1995, le tribunal administratif de Marseille a, d'une part, condamné la commune de Sainte-Tulle à verser à M. Pierre X... et à la SOCIETE CIVILE GAEC DES ESPERS respectivement les sommes de 121 683,60 F et 765 343,09 F avec intérêts en réparation des préjudices subis du fait des inondations survenues sur le domaine des Espers en 1983, 1986 et 1987, auxquels s'ajoutent pour chacun des demandeurs 20 000 F au titre des troubles de jouissance, et d'autre part, mis à la charge de la commune les frais d'expertise ; que, par l'arrêt attaqué, la cour a réduit d'un tiers les sommes susindiquées pour tenir compte du partage de responsabilité qu'elle décidait entre la commune de Sainte-Tulle et les requérants ;
Sur la régularité de l'arrêt attaqué :
Considérant qu'en constatant qu'il résultait de l'instruction que le domaine des Espers était naturellement exposé à des risques d'inondation et en relevant que les requérants se sont abstenus à tort de protéger leur fonds des inondations malgré les risques liés à la situation naturelle des lieux, la cour a défini avec une précision suffisante, permettant au juge de cassation d'exercer son contrôle, les éléments de fait retenus à leur encontre ; qu'il suit de là que le moyen tiré de ce que l'arrêt attaqué serait entaché d'une insuffisance de motivation doit être rejeté ;
Considérant que la faute de la victime est une cause exonératoire de la responsabilité de la puissance publique ; que, par suite, la cour a pu, sans entacher son arrêt de contradiction, juger que la commune de Sainte-Tulle était responsable des dommages subis tout en estimant que la faute des victimes était de nature à l'exonérer partiellement de sa responsabilité ;
Sur le bien-fondé de l'arrêt attaqué :
Considérant qu'il ressort des faits souverainement appréciés par l'arrêt attaqué que les inondations répétées qui ont affecté le domaine des Espers trouvaient leur origine dans l'aménagement par la commune d'un chemin rural situé en amont de ce domaine ; que la cour, après avoir souverainement apprécié qu'il existait, compte tenu de la situation naturelle des lieux, un lien entre le comportement des requérants et la survenance des inondations à l'origine du préjudice, a estimé que ce comportement était de nature à atténuer la responsabilité de la commune ;
Considérant qu'il ne ressort pas des pièces soumises aux juges du fond que la cour ait dénaturé les pièces du dossier en estimant que le fonds des requérants était naturellement exposé au risque d'inondation ; que, par suite, et alors même que les inondations subies ont pourorigine déterminante l'existence d'ouvrages publics situés en amont des parcelles sinistrées, la cour a pu légalement déduire l'existence d'un lien direct de causalité entre ces dommages et la situation naturelle des lieux ;

Considérant qu'il résulte des pièces soumises aux juges du fond que la situation naturelle des lieux imposait depuis plusieurs décennies aux propriétaires et exploitants des parcelles en cause de protéger ces terres contre les inondations ; que, dès lors, la cour n'a pas dénaturé les faits de l'espèce en estimant que les requérants avaient accru le risque d'inondation en s'abstenant de prendre de telles mesures et, notamment, d'entretenir un bassin de filtration des eaux situé en amont de leur fonds ; que, par cette abstention, les requérants ont commis une imprudence dans l'appréciation des risques justifiant qu'une part de responsabilité soit laissée à leur charge ; qu'en qualifiant ce comportement de faute et en opérant un tel partage de responsabilité, la cour n'a pas donné aux faits ainsi énoncés une qualification juridique erronée ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il a partiellement exonéré la commune de la responsabilité des dommages qu'ils ont subis ;
Sur les conclusions tendant à la capitalisation des intérêts sur les sommes dues :
Considérant que ces conclusions ne sont pas recevables devant le juge de cassation ; qu'elles doivent être par suite rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la commune de Sainte-Tulle, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamnée à payer aux requérants la somme de 15 000 F qu'ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête de M. X... et de la SOCIETE CIVILE GAEC DES ESPERS est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Pierre X..., à la SOCIETE CIVILE GAEC DES ESPERS, à la commune de Sainte-Tulle et au ministre de l'équipement, des transports et du logement.


Synthèse
Formation : 3 / 5 ssr
Numéro d'arrêt : 187173
Date de la décision : 30/12/1998
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours en cassation

Analyses

60-02-06 RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RESPONSABILITE EN RAISON DES DIFFERENTES ACTIVITES DES SERVICES PUBLICS - SERVICES PUBLICS COMMUNAUX.


Références :

Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75


Publications
Proposition de citation : CE, 30 déc. 1998, n° 187173
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Derepas
Rapporteur public ?: M. Stahl

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1998:187173.19981230
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