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15/02/1999 | FRANCE | N°171836

France | France, Conseil d'État, 2 / 6 ssr, 15 février 1999, 171836


Vu le recours du MINISTRE DE LA SANTE PUBLIQUE ET DE L'ASSURANCE MALADIE enregistré le 9 août 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat ; le MINISTRE DE LA SANTE PUBLIQUE ET DE L'ASSURANCE MALADIE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 8 mars 1995 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé, sur la demande de la société "Centre chirurgical Pierre Cherest", l'arrêté du préfet de la région d'Ile-de-France du 6 juillet 1993 accordant à cet établissement l'autorisation de poursuivre son activité d'anesthésie et de chirurgie ambulatoire dan

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Vu le recours du MINISTRE DE LA SANTE PUBLIQUE ET DE L'ASSURANCE MALADIE enregistré le 9 août 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat ; le MINISTRE DE LA SANTE PUBLIQUE ET DE L'ASSURANCE MALADIE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 8 mars 1995 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé, sur la demande de la société "Centre chirurgical Pierre Cherest", l'arrêté du préfet de la région d'Ile-de-France du 6 juillet 1993 accordant à cet établissement l'autorisation de poursuivre son activité d'anesthésie et de chirurgie ambulatoire dans la limite de cinq places, ainsi que la décision de rejet opposée le 23 février 1994 par le ministre délégué à la santé au recours hiérarchique formé contre cet arrêté ;
2°) de rejeter la demande présentée par le "Centre chirurgical Pierre Cherest" devant le tribunal administratif de Paris ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu la loi n° 91-748 du 31 juillet 1991, modifiée par la loi n° 91-1406 du 31 décembre 1991 ;
Vu l'article 36 de la loi n° 96-452 du 28 mai 1996 ;
Vu la loi n° 79-588 du 11 juillet 1979 ;
Vu la loi n° 80-539 du 10 juillet 1980, modifiée ;
Vu le décret n° 92-1101 du 2 octobre 1992 ;
Vu l'arrêté du 12 novembre 1992 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Mary, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Honorat, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'en vertu des dispositions combinées des articles L. 712-2, 2°, a), L. 712-8, 2°, L. 712-14 et L. 712-16 insérés dans le code de la santé publique par l'article 4 de la loi n° 91-748 du 31 juillet 1991, portant réforme hospitalière, la réalisation des projets relatifs à la création, à l'extension et à la transformation des installations nécessaires aux besoins de la population que sont "les structures de soins alternatives à l'hospitalisation", est subordonnée à la délivrance d'une autorisation, accordée, pour une durée déterminée de cinq ans au moins, par le représentant de l'Etat, lorsque le projet satisfait, notamment, ainsi que l'exige l'article L. 712-9, 3° du code précité, "à des conditions techniques de fonctionnement fixées par décret" ; que les articles R. 712-2-1 et R. 712-2-3 du même code, dans leur rédaction issue de l'article 1er du décret n° 92-1101 du 2 octobre 1992, précisent, le premier, que les structures de soins alternatives à l'hospitalisation "ont pour objet d'éviter une hospitalisation à temps complet ou d'en diminuer la durée" et "comprennent" notamment : "b) les structures pratiquant l'anesthésie ou la chirurgie ambulatoire", le second, que la capacité de ces structures "est exprimée en places", dont le nombre "est obtenu en divisant par 365 le nombre maximum annuel de patients pouvant être accueillis pour une durée inférieure à un jour ..." ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 24 de la loi n° 91-748 du 31 juillet 1991, précitée : "Les établissements publics de santé, qui, antérieurement à la date de promulgation de la présente loi, comportaient des structures de soins alternatives à l'hospitalisation mentionnées à l'article L. 712-2 du code de la santé publique sont autorisés à poursuivre cette activité, à condition d'en faire la déclaration au représentant de l'Etat et de respecter, dans un délai fixé par décret, les conditions techniques prévues au 3° de l'article L. 712-9 dudit code" ; que ces dispositions ont été étendues aux établissements de santé privéspar l'article 10 de la loi n° 91-1406 du 31 décembre 1991, portant diverses dispositions d'ordre social ; que selon l'article 2, premier alinéa, du décret n° 92-1101 du 2 octobre 1992, déjà mentionné, "les établissements de santé publics et privés qui comportaient des structures de soins alternatives à l'hospitalisation à la date de la publication de la loi du 31 juillet 1991, modifiée, susvisée, disposent d'un délai de quatre mois pour procéder, auprès du préfet de région, à la déclaration prévue à l'article 24 de cette loi. Les modalités et le contenu de cette déclaration, où devront figurer notamment les informations permettant d'apprécier la consistance et l'activité de la structure de soins à la date précitée, sont définis par un arrêté du ministre chargé de la santé ..." ; que l'article 2 de l'arrêté du ministre de la santé et de l'action humanitaire du 12 novembre 1992 a précisé les critères au regard desquels les préfets de région devraient procéder à cette appréciation, notamment dans le cas des structures pratiquant l'anesthésie ou la chirurgie ambulatoire ; qu'aux termes du second alinéa, première phrase, de l'article 2 du décret n° 92-1101 du 2 octobre 1992 : "Le préfet de région délivre un récépissé du dépôt de la déclaration, qui vaut autorisation de poursuivre l'activité pour chaque structure de soins concernée et qui en précise la capacité retenue en nombre de places" ;
Considérant que, par un arrêté du 6 juillet 1993, pris sur le fondement des dispositions précitées et, notamment de celles de l'article 2 de l'arrêté du ministre de la santé et de l'action humanitaire du 12 novembre 1992, le préfet de la région d'Ile-de-France a délivré au "Centre chirurgical Pierre Cherest" un récépissé de déclaration valant autorisation de poursuite d'activité pour une structure d'anesthésie ou de chirurgie ambulatoire limitée à cinq places ; que par une décision du 23 février 1994, le ministre délégué à la santé a rejeté le recours hiérarchique que le "Centre chirurgical Pierre Cherest" avait formé contre l'arrêté préfectoral du 6 juillet 1993 ; que, par un jugement du 8 mars 1995, le tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté et cette décision, au motif que le "Centre chirurgical Pierre Cherest" était fondé à se prévaloir à leur encontre de ce que le ministre de la santé et de l'action humanitaire avait excédé les limites de l'habilitation qu'il tenait de l'article 2, premier alinéa, précité, du décret n° 92-1011 du 2 octobre 1992, en édictant à l'article 2 de son arrêté du 12 novembre 1992, des conditions réglementaires s'imposant aux préfets de région dans l'appréciation de la consistance et de l'activité des structures de soins déclarées ;

Considérant que le MINISTRE DE LA SANTE PUBLIQUE ET DE L'ASSURANCE MALADIE invoque, au soutien du recours qu'il a formé contre le jugement ainsi rendu, les dispositions de l'article 36 de la loi n° 96-452 du 28 mai 1996, aux termes duquel : "Sous réserve des décisions passées en force de chose jugée, les décisions concernant la poursuite de l'activité de structures de soins alternatives à l'hospitalisation prises sur le fondement de l'arrêté ministériel du 12 novembre 1992, relatif aux modalités et au contenu de la déclaration prévue à l'article 24 de la loi n° 91-748 du 31 juillet 1991 portant réforme hospitalière, sont validées, en tant que leur légalité serait contestée par le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur dudit arrêté" ;
Considérant qu'aux termes du 1. de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera ... des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil" ; que le présent litige a pour objet une contestation portant sur de tels droits et obligations ;
Considérant que l'Etat ne peut, sans méconnaître les stipulations de l'article 6.1 précité, porter atteinte au droit de toute personne à un procès équitable en prenant des mesures législatives à portée rétroactive dont la conséquence est la modification des règles que le jugedoit appliquer pour statuer sur des litiges dans lesquels l'Etat est partie, sauf lorsque l'intervention de ces mesures est justifiée par des motifs d'intérêt général ;
Considérant que l'article 36, précité, de la loi du 28 mai 1996, qui réserve expressément les droits nés des décisions passées en force de chose jugée, a pour objet, non de valider intégralement les décisions prises sur le fondement de l'arrêté ministériel du 12 novembre 1992, mais seulement de rendre insusceptible d'être invoqué devant le juge de l'excès de pouvoir le moyen tiré de ce que l'auteur de cet arrêté a excédé les limites de l'habilitation qu'il tenait de l'article 2, premier alinéa, du décret n° 92-1011 du 2 octobre 1992, en édictant des conditions réglementaires s'imposant aux préfets de région dans l'appréciation de la consistance et de l'activité des structures de soins déclarées ; qu'il ne prive pas les établissements concernés de la possibilité de faire valoir en justice les droits à la poursuite d'une activité antérieure qu'ils tiendraient de l'article 24 de la loi du 31 juillet 1991, modifiée ; que, par suite, il ne peut être regardé comme portant atteinte au principe du droit à un procès équitable énoncé par l'article 6.1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni, en outre, et en tout état de cause, à l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention ; qu'ainsi, le motif tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté du 12 novembre 1992 sur lequel le tribunal administratif de Paris s'est fondé pour annuler l'arrêté du préfet de la région d'Ile-de-France du 6 juillet 1993 et la décision du ministre délégué à la santé du 23 février 1994, ne peut être maintenu ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués en première instance par la "Clinique Lamarque" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le signataire de l'arrêté préfectoral du 6 juillet 1993 disposait d'une délégation de signature régulière ; que le moyen tiré de ce que cet arrêté aurait été pris par une autorité incompétente doit, par suite, être écarté ;
Considérant que l'arrêté préfectoral et la décision ministérielle contestés comportent la mention des dispositions législatives et réglementaires applicables et font état de l'activité du "Centre chirurgical Pierre Cherest" en anesthésie ou chirurgie ambulatoire au cours de la période de référence retenue ; que, par l'indication de ces considérations de droit et de fait, ces décisions satisfont aux prescriptions de l'article 1er de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979, selon lesquelles doivent notamment être motivées "les décisions qui ... refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir ;
Considérant que la date à laquelle l'activité effective de la structure de soins alternative à l'hospitalisation déclarée par un établissement de soins privé doit être appréciée est celle de la promulgation de la loi n° 91-1406 du 31 décembre 1991 ; que le préfet et le ministre ont pu légalement se fonder, pour apprécier l'activité effective de la structure de soins déclarée par le "Centre chirurgical Pierre Cherest", sur les dispositions, non contraires à celles de l'article 24 de la loi du 31 juillet 1991, modifié par l'article 10 de la loi du 31 décembre 1991, de l'article 2 de l'arrêté ministériel du 12 novembre 1992, prévoyant qu'une telle appréciation serait effectuée d'après le nombre de patients pris en charge au cours des trois derniers mois de l'année 1991 ;
Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'administration se serait fondée sur des faits matériellement inexacts ou qu'elle aurait commis une erreur manifeste d'appréciation, en estimant, sur la base des dispositions précitées, que l'activité effectived'anesthésie ou de chirurgie ambulatoire que le "Centre chirurgical Pierre Cherest" pouvait être autorisé à poursuivre devait être limitée à l'équivalent de cinq places, au sens de l'article R. 712-2-3, précité, du code de la santé publique ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DE LA SANTE PUBLIQUE ET DE L'ASSURANCE MALADIE est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué du tribunal administratif de Paris ;
Considérant que la présente décision qui rejette les conclusions de la demande du "Centre chirurgical Pierre Cherest" tendant à l'annulation de l'arrêté et de la décision précités du préfet de la région d'Ile-de-France et du ministre délégué à la santé, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions à fin d'astreinte présentées par le "Centre chirurgical Pierre Cherest", sur le fondement des dispositions de l'article 6-1 de la loi n° 80-539 du 16 juillet 1980, modifiée, doivent être rejetées ;

Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991, font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à payer au "Centre chirurgical Pierre Cherest" la somme qu'il demande, au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 8 mars 1995 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par le "Centre chirurgical Pierre Cherest" devant le tribunal administratif de Paris, ainsi que les conclusions qu'il a présentées devant le Conseil d'Etat, sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'emploi et de la solidarité et au "Centre chirurgical Pierre Cherest".


Synthèse
Formation : 2 / 6 ssr
Numéro d'arrêt : 171836
Date de la décision : 15/02/1999
Type d'affaire : Administrative

Analyses

61-07 SANTE PUBLIQUE - ETABLISSEMENTS PRIVES D'HOSPITALISATION.


Références :

Arrêté du 12 novembre 1992 art. 2
Code de la santé publique R712-2-1, R712-2-3
Décret 92-1011 du 02 octobre 1992 art. 2
Décret 92-1101 du 02 octobre 1992 art. 1, art. 2
Loi 79-587 du 11 juillet 1979 art. 1
Loi 80-539 du 16 juillet 1980 art. 6-1
Loi 91-1406 du 31 décembre 1991 art. 10
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75
Loi 91-748 du 31 juillet 1991 art. 4, art. 24
Loi 96-452 du 28 mai 1996 art. 36


Publications
Proposition de citation : CE, 15 fév. 1999, n° 171836
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Mary
Rapporteur public ?: M. Honorat

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1999:171836.19990215
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